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Pour provoquer le déclic chez ses contribuables: Campagne « tous azimuts » des Impôts Oran-Ouest pour promouvoir les portails numériques

par Houari Saaïdia

Bel exemple de marketing d'administration publique celui qui nous est proposé par la direction des Impôts Oran-Ouest. Très beau cas, surtout, de service public actif et entreprenant. Loin de se plier devant les résultats jusqu'ici mitigés du système numérique de déclaration et de paiement des impôts et taxes, cette administration fiscale s'active sur le terrain très important de la communication pour changer la donne et inverser la tendance. Car, selon ses responsables, le problème est essentiellement d'ordre communicationnel.

Le choix d'Oran, qui ne dispose pas encore de centres des impôts (CDI) et de centres de proximité des impôts (CPI) faut-il le noter, par les instances centrales de l'administration fiscale pour le lancement officiel, le 22 juillet 2021, du portail électronique permettant aux contribuables relevant des Recettes des impôts de procéder à la déclaration et au paiement en ligne, est a priori un motif de plus pour cette direction territoriale dans sa démarche visant à provoquer un déclic dans le rabattement vers le mode électronique. L'enjeu est donc double : stimuler le dispositif de «e-procédures» par l'incitation des contribuables à basculer vers le portail numérique et faire honneur, pour ainsi dire, à la wilaya d'Oran d'où a été lancé le système. Loin d'être découragés par le faible engouement des contribuables vers le fameux portail «Moussahamatic», malgré l'écoulement de trois années et demie depuis son entrée en matière, les responsables de la direction des Impôts Oran-Ouest n'ont pas renoncé. Encore moins désespéré.

Point de fatalisme. Pour eux, il y a des explications rationnelles à ce phénomène, il suffit de déceler les nœuds du problème. La solution n'est pas miraculeuse à leurs yeux. Le levier principal sur lequel il faut constamment agir: la communication. Il ne faut jamais se dire qu'on a suffisamment communiqué.

OBJECTIF SUPRÊME : INVERSER LA TENDANCE

C'est le maître-mot d'un point d'information sur le système de déclaration fiscale et du paiement des impôts en ligne présenté au «Quotidien d'Oran» au siège de la Recette, 11 rue Abane Ramdane (ex-boulevard des Chasseurs), centre-ville d'Oran. Une action de médiatisation qui vient s'ajouter à plusieurs autres actes de communication diverses (portes ouvertes, séances de vulgarisation et de sensibilisation, contacts directs avec des clients, interface explicative de la plateforme numérique via écran installé à hauteur des guichets…).

Cependant, il ne faut pas s'y méprendre en simplifiant le diagnostic au seul élément lié à la communication-publicité. Bien d'autres écumes, et non des moindres, se dressent en travers du chemin vers le tout numérique des opérations fiscales, et en premier lieu les télé-procédures de déclaration et de paiement d'impôts et taxes. Parmi lesquelles, un manque de coordination criard entre l'administration fiscale, d'une part, et d'autres instances étatiques intervenantes dans le circuit de certains services pour lesquels la Direction générale des Impôts (DGI) a spécialement mis en place des plateformes numériques. C'est le cas, à titre de simple exemple, concernant la quittance fiscale pour le passeport biométrique dans sa version électronique accessible via la plateforme «Tabioucom» dédiée au paiement en ligne des droits de timbres fiscaux. Cette plateforme accessible 24h/24 et 7j/7, permet en effet de s'acquitter des droits de timbres dus par carte Eddahabia ou carte CIB, ainsi que de télécharger le reçu de paiement.

MANQUE DE COORDINATION AVEC LES AUTRES INTERVENANTS

A l'évidence, le reçu fait office de document électronique à joindre, dans une première phase, aux dossiers de passeport délivré en Algérie, mais aussi de la carte nationale d'identité (pour des cas particuliers) et du permis de conduire. Or, des cas récurrents faisant état de refus de certains services communaux l'acceptation de ces timbres électroniques sont déplorés par des citoyens. Leur exigeant, arbitrairement, de viser la quittance électronique auprès des Impôts en guise d'authentification, les services administratifs de certaines APC renvoient les malheureux citoyens vers les Recettes fiscales, qu'ils croyaient pourtant bien pouvoir s'en passer par de simples petits clics de souris ou touches sur écran tactile depuis chez-eux. Bien mal leur en a pris, ils renouent malgré eux avec les files d'attente avec, en sus, cette réponse logique une fois à hauteur du guichet, en l'occurrence qu'une telle requête de cachet sur le timbre fiscal électronique n'a ni queue ni tête. Ce n'est là qu'un exemple de points ambigus -dus en grande partie aux vieux réflexes bureaucratiques et anti-progressistes-qui tel un virus informatique perturbent plus ou moins gravement le passage à la fiscalité numérique et on peut citer bien d'autres cas de « distorsion » dont ceux relatifs aux opérations d'import où il y a un effort à faire pour mettre en symbiose la relation Fisc-Douane-Banque par rapport au système numérique. Or, puisque nous y sommes, les importateurs eux-mêmes ne sont pas exempts de tout reproche dans ce bilan timide du basculement vers la déclaration et le paiement des impôts et taxes via le portail numérique mis en place par l'administration fiscale.

RÉTICENCE OU RÉSISTANCE CHEZ CERTAINS CONTRIBUABLES ?

ÇA REVIENT AU MÊME

On peut parler, en dehors de tout préjugé, de réticence -et même de résistance- de la part de certains importateurs (attestation de la taxe de domiciliation bancaire sur une opération d'importation (C25) notamment), mais aussi des opérateurs économiques et commerciaux, à l'égard du système fiscal numérique. Et, en guise d'exemple illustratif, malgré toute la campagne de communication et de persuasion menée par la direction des Impôts Oran-Ouest ainsi que les facilitations qu'elle accorde, à quelques rares exceptions près on continue toujours côté contribuables à traiter avec les formulaires papier et le chèque au guichet pour la déclaration-paiement. Quitte à compliquer la tâche aux agents du Fisc et à soi-même. Pourtant, les avantages de la plateforme numérique sont aussi nombreux que précieux. En optant pour la procédure en ligne, le contribuable dispose ainsi d'un délai supplémentaire pour déclarer ses revenus par rapport à la procédure papier (par exemple pour le formulaire de déclaration G20 qui doit être déposé à la Recette des impôts dans les vingt (20) premiers jours du mois, sous peine de pénalités, le contribuable peut le remplir en ligne jusqu'à minuit (00h) au dernier jour du délai légal alors qu'il prendrait un gros risque s'il choisissait d'aller vers la Recette qui ferme la caisse à 16h. Idem pour le formulaire (G12) concernant le régime de l'impôt forfaitaire unique (IFU) concernant la déclaration prévisionnelle du chiffre d'affaires ou des recettes professionnelles de l'année, qui doit être souscrit auprès de la Recette des impôts au plus tard le 30 juin de l'année, ainsi que le (G12 bis) pour la déclaration définitive dont le délai de souscription expire le 20 janvier de l'année N+1). Aussi, le contribuable dispose de la mention de certaines données déjà pré-remplies et d'une aide à la saisie. Un courriel de confirmation du dépôt de sa déclaration lui est adressé immédiatement. Un avis de situation déclarative à l'impôt sur le revenu lui est délivré en fin de déclaration, qui peut lui servir de justificatif de sa situation fiscale auprès des organismes tiers.

DÉCLARATION ET PAIEMENT EN LIGNE : D'INNOMBRABLES AVANTAGES

A cela s'ajoute l'accès à un dispositif de suivi continu des déclarations émises et des paiements effectués avec à la clé une documentation complète sur les offres de services du portail « Moussahamatic » ouvert 24h/24 et 7jours /7 et garantissant une sécurité optimale des données personnelles et professionnelles du contribuable. Aussi, l'ensemble des échanges et données du contribuable demeurent disponibles et accessibles dans son espace privé grâce à cet outil qui offre de meilleures traçabilités et maîtrise des échanges avec l'administration fiscale, grâce à un suivi précis des déclarations envoyées, ainsi qu'un tableau de bord sur les opérations effectuées. Les services fiscaux poursuivent ainsi le parachèvement du processus de numérisation qui connaît un état d'avancement accéléré durant ces derniers mois avec un suivi régulier par le ministre des Finances. Lorsque l'ensemble des procédures et des services fiscaux seront totalement numérisés pour tous les centres des impôts, des directions régionales des impôts ainsi que des directions de wilaya, ce ne sera alors plus aux agents du fisc de faire les recoupements des données, mais l'outil numérique qui, lui, pourra déceler d'éventuelles anomalies, nécessitant le recours à la vérification de la comptabilité. Aussi, une fois cette étape de numérisation achevée, il est nécessaire de prévoir des interfaces avec différentes institutions, comme par exemple l'accès au fichier des comptes bancaires, à celui des importations au niveau des douanes, ainsi que par rapport aux domaines pour les biens immobiliers.

FISCALITÉ NUMÉRIQUE : TENDANCE MONDIALE. IMPÉRATIF POUR L'ALGÉRIE

Pour les citoyens du monde entier, le paiement des impôts est l'une des interactions avec l'administration les plus complexes et les plus fastidieuses. Et pour de nombreux gouvernements, l'amélioration du civisme fiscal et la collecte de recettes suffisantes sont indispensables pour financer les biens et services publics. C'est pourquoi les administrations fiscales entreprennent leur transformation numérique et l'automatisation de leurs systèmes. La technologie peut en effet favoriser des réformes réussies et durables, garantir une taxation correcte de l'économie numérique et réduire les obstacles au respect des obligations fiscales.

Le recours croissant aux paiements dématérialisés, au moyen notamment des téléphones mobiles, alimente également cette transformation. En effet, de tels paiements peuvent être facilement vérifiés par les administrations fiscales et laissent souvent une trace numérique qui peut être contrôlée. La numérisation facilite le travail des autorités en allégeant les charges administratives, ce qui laisse aux agents de l'Etat plus de temps pour se consacrer à des activités à plus forte valeur ajoutée. Mais elle permet aussi aux pouvoirs publics de simplifier les procédures et de réduire la complexité déclarative à la charge des contribuables.

On peut s'attendre à ce que tous ces changements en cours modifient fortement le visage de la fiscalité en Algérie. Au lieu de devoir archiver d'énormes volumes d'informations sur les contribuables, les administrations auront accès à des registres cryptés et décentralisés qui leur permettront de collecter les données utiles sans peine et en temps réel. Cela présente l'avantage supplémentaire de rendre les services des impôts « moins visibles » pour les administrés.

DE BELLES PERSPECTIVES POUR LE SYSTÈME FISCAL NATIONAL

L'administration fiscale pourrait devenir un grand « entrepôt » numérique stockant un nombre croissant de données publiques numérisées. Elle jouera ainsi un rôle central dans l'élaboration de la politique économique nationale, en permettant aux décideurs d'analyser les transactions dans l'économie et de formuler des prévisions plus fiables. Le système fiscal national pourrait aussi devenir beaucoup plus convivial. Les déclarations de revenus pré-remplies, l'accès des contribuables à leurs propres informations déclaratives, le partage des données avec les banques pour accélérer l'octroi de crédits ou encore la consultation par les chercheurs et les communautés locales de données fiscales anonymes sont autant de progrès possibles. Pour obtenir les résultats escomptés, la numérisation du système fiscal doit s'appuyer sur un large éventail de parties prenantes afin de mettre en œuvre les réformes nécessaires et de mobiliser des financements. Le changement doit également s'attacher à apporter de la valeur ajoutée, en simplifiant les procédures et en faisant entrer définitivement les contribuables dans l'écosystème de la déclaration électronique, du paiement numérique et des documents dématérialisés. Cette valeur ajoutée pourrait résider dans la réduction du coût de l'acquittement de l'impôt, une plus grande prévisibilité et une meilleure discipline fiscale chez les contribuables. Les réformes devraient aussi s'attacher à modifier la culture fiscale, en passant d'une gestion des procédures à la gestion de données, les services devant s'efforcer en priorité d'obtenir des données exactes. Enfin, il est nécessaire que l'administration fiscale mette au point des systèmes évolutifs et interopérables pouvant être utilisés par tous les services, depuis le siège jusqu'aux bureaux locaux.