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Ch'aieb Malti
nous a quittés la semaine dernière. Tous ceux de ma
génération qui, ayant résidé dans le faubourg d'El-Kalaa
ou ailleurs dans la ville de Tlemcen, avaient consacré les grandes vacances
scolaires aux cours privés complémentaires dispensés par Ch'aieb
et sa sœur Zakiya, se souviendront, s'ils sont encore
de ce monde, d'une telle épopée pédagogique... j'avais 7 ans l'été 1947 quand
je fus placé par mon père entre les mains des instituteurs Malti,
pour nous faire réviser le programme des classes primaires, voire anticiper le
programme de la classe de la rentrée à venir. Tous ceux ou celles qui
avaient bénéficié de tels enseignements ont connu une scolarité sinon heureuse,
du moins réussie pour avoir poursuivi leur cursus dans le secondaire, en dépit
des conditions modestes d'une bonne partie des parents d'élèves. Je me souviens
qu'à ce propos, les enfants aux parents sans ressources étaient accueillis
gratuitement.
Une telle dispense venait de lalla ´Aïni, la maman de nos instituteurs. Au surplus, elle ne manquait pas d'apparaître dans une des salles, voire dans la cour où les enseignements étaient dispensés, de nous prodiguer ses encouragements dont je garde aujourd'hui en mémoire la formule : «Allah yahfadhkoum ya ouladi». Avec le recul, on peut se demander quelle ambiance pédagogique pouvait rivaliser avec celle de mère ´Aïni... En tous cas, je ne crois pas me tromper que les « indigènes» que nous étions avions une longueur d'avance sur nos condisciples pieds-noirs, durant notre cursus au Collège de Slane, non seulement dans les matières dites scientifiques qu'en lettres, y compris en latin, voire en grec pour les sections classiques. Cela, nous le devions, en dépit du contexte pénible que fut celui de la guerre de libération nationale d'alors, à ceux qui nous avaient gratifiés par leur savoir pédagogique comme par leur affection. Lalla ´Aïni Bouchamma nous a quittés il y a bien longtemps, suivie successivement par Zakiya, Tewfik et Mahieddine-Kamal (premier agrégé de lettres classiques). Chaieb, quasiment centenaire, vient à son tour de nous dire adieu. Que Dieu lui accorde sa miséricorde, ainsi qu'à toute cette famille exemplaire tant pour son humilité légendaire que pour sa quête du savoir. *Professeur Émérite des Universités |
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