|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Le colloque international
intitulé «Traduction et traducteurs en contexte colonial : rôle, fonctions et
récits» s'est clôturé hier au siège du Centre de Recherche en Anthropologie
Sociale et Culturelle (CRASC) à Oran. Deux jours de travaux qui ont permis de
mettre en lumière la fonction de la traduction et l'impact des récits qu'elle
produit pour justifier parfois le discours des dominants en mettant en relief
les effets de ces derniers sur les multiples expériences du colonialisme dans
le monde. Le colloque, qui a coïncidé avec la semaine marquant la célébration
par l'Algérie du 70e anniversaire du déclenchement de sa glorieuse Révolution
de novembre 1954, prend ainsi un sens tout à fait particulier dans un contexte
géopolitique mondial exaspéré par des conflits et des guerres, en particulier
en Palestine occupée.
Organisé par l'Unité de recherche en traduction et terminologie du CRASC, le colloque a été animée par pas moins de 36 interventions, réparties sur sept sessions scientifiques, avec une conférence d'ouverture sur «La traduction militante au 21ème siècle : Le défi de l'injustice épistémique» animée par le professeur Mona Baker, fondatrice et directrice de Mona Baker Against Intellectual Oppression, qui travaille sur les questions d'occupation dans le monde, y compris la cause palestinienne. D'autres sessions ont abordé des questions importantes telles que la traduction dans sa dimension continentale en examinant la traduction et son lien avec les expériences d'occupation et de résistance en Europe, en Asie et dans les Amériques. L'Afrique a également été au centre de la conférence principale du professeur Slimane Hachi, spécialiste de l'histoire ancienne de l'Algérie et de l'Afrique et directeur du Centre national de recherche en préhistoire, en anthropologie et en histoire. Le romancier et traducteur Saïd Boutagine a pour sa part abordé la question de la traduction entre l'artistique et l'idéologique. La traduction et son rapport à l'expérience coloniale en Algérie a par ailleurs fait l'objet d'un total de 11 interventions portant sur les œuvres et les biographies de traducteurs ainsi que sur les codes de traduction apparus pendant la période coloniale, notamment les œuvres d'Emile Mascaret, d'Ojan Weissat, d'Ernest Mercier, de Mohamed Ben Abi Shanab, et d'Ernest Mercier. Les études de traduction postcoloniale, la traduction littéraire et la position épistémologique du traducteur ont été discutées à travers 5 interventions chacune. Au total, 26 universitaires spécialisés représentant diverses institutions universitaires en Algérie ont pris part aux sessions, alors que 12 autres sont venus de l'étranger, à savoir de Tunisie, d'Egypte, d'Irak, d'Arabie Saoudite, d'Espagne et de France. Il est à noter enfin que le militantisme et la traduction sont actuellement au cœur des recherches grâce notamment à des travaux soulignant l'importance de parler une langue différente dans un pays en guerre en mettant l'accent sur le pouvoir du témoignage et de la traduction des voix des opprimés. On peut citer parmi ces travaux ceux de Shwaikh (2020) qui a publié un chapitre sur la bande de Gaza ou encore de Mona Baker qui a été la pionnière du mouvement d'activisme des traducteurs dans la région arabophone grâce à ses publications phares (2006a, 2006b, 2010, 2016a, 2016b, 2018, 2020). D'autres chercheurs ont suivi dans le même sillage, notamment Doerr (2018), Evans et Fernández (2018), Fernández (2020a), Valdeón et Calafat (2020) et Tesseur (2022). De même, d'autres chercheurs ont souligné le poids social et politique que la traduction peut exercer sur la formation et la refonte des visions du monde dans un esprit activiste, comme dans les travaux de Juli Boéri (2010, 2019, 2020). C'est ainsi qu'est née l'expression « tournant activiste » des études de traduction, qui a suscité l'intérêt des chercheurs pour un domaine de recherche peu étudié, mais monumental (Wolf, 2012). |