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« Sème un acte,
tu récolteras une habitude ; sème une habitude, tu récolteras un caractère ;
sème un caractère, tu récolteras une destinée ». Le Dalai
lama.
Le malheur de l'Homme est qu'il cherche, sans cesse, à soumettre le monde au lieu de le vivre. La notion de puissance, chez lui, s'entremêle à la notion de maîtrise. Si je ne maitrise pas, ma volonté est déclinante et je subis au lieu de participer. L'erreur est de croire que le résultat décide, après coup de surcroît, de la nature de l'action. Si le résultat me satisfait, je suis acteur, si par contre, le résultat vient à l'encontre de ce que je souhaite, je m'adjuge le rôle de victime. Aller au-delà des fait matériaux, ce qui est faussement appelé réel dont l'interprétation dépend de nos perceptions, accepter, nous permet le dépassement: non en déclinant notre volonté mais au contraire en l'affirmant. Dans cette perspective, changer le monde n'est plus supprimer ces traces, le soumettre à une quelconque croyance, mais l'affirmer, le vivre, nous inscrire en lui sans se croire son centre. La récompense vient non avec la lutte mais avec l'acceptation et l'apothéose, avec la volonté et non la contrainte. Les évènements de la vie, de notre vie, ne sont pas regardés comme un spectacle mais vécus et assumés parce que ce spectacle ne peut exister en dehors de nous-mêmes. Faire advenir et devenir s'inscrivent, tous deux, dans «l'Amor-fati», ainsi, accepter n'est pas se résigner face à ce qui arrive, mais reconstruire à partir de nos perceptions ce qui est à venir, l'opportunité pas la fatalité. Dans ce sens, la dimension temporelle, intimement liée à la dimension cosmologique, reste essentielle : il est important de cerner le présent, seul temps dont nous disposons. Le passé et le futur, tous deux, nous échappent mais peuvent être instrumentalisés, chacun de façon différente. Le passé est un héritage riche en enseignement et source d'enchantement et le futur, à la lumière de nos héritages et de nos perceptions, peut être anticipé. Le passé ne doit ni être un poids, qui empiète outrancièrement sur le présent, ni empreint d'ambiguïté déroutante. Il est un élément d'émulation extraordinaire pour, à la fois, libérer du rejet intégral et créer des lendemains prometteurs. La joie extatique tout autant que l'ataraxie restent des comportements humains. Le ressentiment, nourri et auto-entretenu, peut nous conduire vers des rivages effroyables et nous condamner à un sentiment insurmontable d'impuissance mêlé, d'une part, à une forme aboutie mais incontrôlable d'hostilité envers tous, tout et n'importe quoi, et, d'autre part, alimente victimisation et disculpation, sources de passions irrationnelles menant à un être de ressentiment tourné vers « rien ne va plus » plutôt que « tout ira mieux». L'affront alimentant le traumatisme, l'impuissance nourrissant la frustration, le tout affectant la volonté en créant l'impossibilité de s'extérioriser aggravant ainsi les blessures. Naissent alors des sentiers, entiers, battus par inconscience, traçant des limites imaginaires pour disqualifier les valeurs de l'autre et valoriser les siennes. Quand le ressentiment se prolonge et affecte un groupe, il tarit la confiance, coupe la communication et cultive le cynisme, l'hostilité et le dénigrement. Il est fait barrage au lendemain prometteur et des terrains fertiles sont préparés pour accueillir l'idéologie du ressentiment qui mène vers la révolution nourrie par une revitalisation répétée et à souhait des blessures. La justice sociale est une construction morale qui combine l'équité « à chacun son dû » et la solidarité « chacun reçoit dont il a besoin ». Toutefois, cette notion se base sur le réfèrent acceptabilité sociale qui évolue dans le temps. Le réfèrent devrait être le fait de la société dans sa globalité et l'élite ne peut être prise pour responsable de cette construction dont la dimension symbolique qu'est la reconnaissance s'ajoute à la dimension économique. Par-delà ces notions, il est important de reconnaitre que cela procède de l'intentionnalité. L'anthropomorphisme qui nie à l'homme son libre arbitre et le contraint à l'acceptation et non à choisir d'aimer son destin ne fait plus autorité, si les ordres économique et social résultent d'un jeu anonymisé, la volonté de l'homme reste prépondérante et y est pour beaucoup dans leur construction, leur présentation, leur pratique et leur acceptation. Il ne suffit certes pas d'entretenir un discours juste et cohérent sur l'amour du destin pour y arriver. Ces considérations, purs prolégomènes, sont interprétées comme une désertion du domaine de l'agissement, cette activité introspective est au contraire constitutive d'une démarche globale vers l'action. Une action tournée vers ce qui dépend de soi, nos jugements et nos désirs. Discipliner son jugement, c'est alors s'offrir un précieux rempart contre ce phénomène et discipliner son désir, c'est donc l'arrimer au devenir. Il ne faut pas aussi croire que notre action est facile et sans entrave, cela évite la déception et renforce la persévérance. Au cœur de l'idée d'Amor-fati se trouve l'appel à accepter sans réserve tout ce qui se produit dans nos vies. C'est une invitation à adopter une attitude de gratitude envers chaque aspect de notre existence, y compris les épreuves et les obstacles. C'est une célébration de la réalité telle qu'elle est, plutôt qu'une lutte constante mais vaine pour la changer. En fin de compte, l'Amor-fati est une invitation à transcender nos attachements à l'égard des résultats escomptés et à embrasser l'incertitude inhérente à l'existence humaine. C'est une reconnaissance profonde de notre capacité à déceler la beauté et notre habilité à percevoir la signification dans chaque événement, même lorsque les vents de la vie soufflent en dis-conformité avec les cahiers des charges des comportements acceptables et des attitudes souhaitables. Embrasser son destin, c'est se garder de gaspiller un temps précieux et une énergie utile à souhaiter que les choses soient différentes. L'acceptation est la conjugaison de l'espoir et de l'espérance. Deux synonymes « pareils mais différents ». L'un est le fait d'attendre et désirer quelque chose de meilleur, l'autre est une confiance pure et désintéressée en l'avenir. L'espoir nous met en action et l'espérance, elle, neutralise la crainte de l'échec, voie royale vers l'acceptation. Le choix de l'acceptation ou du refus pose la question de notre rapport au monde et interroge le sens de la vie. Ce choix nous renvoie l'image de ce que nous sommes, nous éclaire sur nos perceptions et notre but dans cette vie. L'acceptation est un long processus dont l'aboutissement est le consentement au réel, au dépassement de l'impermanence des choses et la guérison de l'ignorance, de l'attachement et de la perversion. Une fois délesté du trop-plein émotionnel, il est plus facile de cicatriser et de revenir à l'émerveillement pour nos vies, et à force de transformer nos habitudes en bonnes pratiques, puis, à force de répétition, les bonnes pratiques en pratiques par habitude, sans effort aucun. |
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