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Livres
PAR QUEL DROIT TENIR LE NET ? Essai de Ammar Belhimer. Anep Editions, Alger 2020, 220 pages Chez l'auteur, une interrogation : comme toute autre ressource, le flux de données n'échappe pas à l'instinct de domination, ce qui autorise à se demander si nous n'assistons pas à l'avènement d'un «impérialisme» numérique». La réponse est toute trouvée sur la base de chiffres qui ne souffrent d'aucune contestation, aujourd'hui encore, montrant et démontrant la répartition inégalitaire des sites-sources de Facebook, par exemple : Alors que l'Inde est le pays qui compte le plus grand nombre d'utilisateurs, dix sites se trouvent en Amérique du Nord, quatre en Europe et un en Asie, à Singapour. Un décalage abyssal ! Qui ne peut conduire qu'à des accusations de «colonisation des données» et de «colonialisme numérique» de la part de bien des pays. L'interrogation est d'autant plus préoccupante que le numérique «s'invite désormais au cœur de tout développement», y compris de la Finance et, plus grande encore, de la Défense. Pire encore, «ce n'est plus un abus de position dominante , c'est une forme de domination sans partage qui ne dit pas son nom» qui voit les géants du Net (les fameux Gafam, plus d'autres arrivants comme Ubber, ) avoir toujours une longueur d'avance sur le droit (ndlr : c'est là une caractéristique assez forte de notre paysage des Tic... ) : «La norme juridique donne l'image d'une vieille Mamie qui s'efforce de rattraper de jeunes et hyperactifs adolescents». Et, certainement pour se «rattraper» (ndlr : cela s'est vu lors des révolutions radio et télé-satellitaires «libres» face aux monopoles des médias publics), les Etats «démocratiques» s'assemblent «presque toujours» pour isoler, diaboliser et maltraiter délibéremment tous ceux qui sortent des rangs (exemples de Julian Assange, le fondateur de Wikileaks et des «lanceurs d'alerte») Il faut ajouter à cela une véritable «guerre froide 2.0» entre Chine et Etats-Unis, Etats-Unis et Russie, Ue et reste du monde (actuellement) où on ne parle plus que de harcèlement, de sabotage, d'influence, de piratage, de désinformation, d'espionnage, de cyber-attaques , de guerre commerciale, de cyber-guerre en perspective, de gouvernance algorithmique d'influence... Il est vrai que les techniques se sont tellement améliorées, à une allure si folle, que presque tout est faisable... et encore permis... avec les «fake news», les «trolls»,le cyber-harcèlement et le discours de haine, les «deepfakes», les «shallowfakes», les «deepNudes» (une application d'hyper-trucage), le «FaceApp»... destinés ou ciblant des consommateurs, souvent bien mal préparés. Que faire ? «Casser Facebook» ? Promouvoir la «neutralité du réseau» pour «garantir l'égalité de traitement de tous les flux de données sur Internet» ? Réhabiliter la «concurrence régulée» afin d'éviter une économie globale dominée par moins d'entités et de plus grands niveaux d'inégalité ? Lutter contre l' «atomisation frustrante» et la «servitude sous contrat» des «auto-entrepreneurs» (les employés des Gafam, corvéables à merci, dispersés, isolés avec le travail à domicile...). Plusieurs questionnements... et pour l'instant, pas de réponses claires... Mais, pour avoir une petite idée, il faut lire ce livre lequel, à travers plusieurs études décortiquées, permet de cerner la problématique d'un «nouveau monde» qui s'est déjà bien implanté... dans les esprits et les comportements L'Auteur : Docteur en droit, Journaliste puis professeur à l'Université d'Alger 1, actuellement ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement (depuis janvier 2020, gouvernement Abdelaziz Djerad). Auteur de plusieurs études de droit économique et de plusieurs ouvrages, dont «La dette extérieure de l'Algérie : une analyse critique des politiques d'emprunt et d'ajustement» Extraits : «En règle générale, il est moins coûteux d'appeler l'Europe depuis les Etats-Unis que le contraire, d'où cette tentation -soulignée dans le Rapport Nora - d'utiliser les banques américaines (ndlr :de données) sans ressentir le besoin de s'en constituer sur le territoire national» (p 23), «L'étendue des applications internationales des réseaux de traitement informatique confère aux détenteurs de banques de données un pouvoir inégalé dans l'histoire des relations internationales» (p25) Avis : Un ouvrage de type documentaire qui pousse à la réflexion. Valeur pédagogique indéniable à l'heure de la non-disponibilité d'ouvrages spécialisés et de réflexions majeures sur le sujet. Un ouvrage que l'Université (Opu) devrait traduire en arabe Citations : «L'évolution rapide des technologies de communication a longtemps indisposé le juriste» (p11) , «Dans l'actuelle division internationale du travail, le tiers-monde est fournisseur de données brutes et acheteur de données traitées dans les pays développés» (p 22), «Que reste-t-il d'autre que l'humain à mettre sous contrôle ?» (p 33), «L'ère des masses populaires est révolue, place aux minorités agissantes tapies derrière leurs claviers ; et elles sont d'autant plus percutantes qu'elles sont pacifiques» (p 173), «Sans unité, la petite minorité éclate en poussières» (p 176) 2049 : L'ANNEE DU SERPENT DE GUERRE. QUEL AVENIR POUR LES BRICS ? Essai de Ammar Belhimer, Anep Editions, Alger 2019, 1000 dinars, 271 pages Ça commence fort comme essai : 2049 est la date à laquelle Pékin espère fêter en grande pompe, et en probable nouveau maître du monde, le centenaire de la République populaire de Chine... 2049 est, aussi, dans l'horoscope chinois, «l'année du serpent de terre»... Il est associé, ce lombric,... à une personnalité particulière et à un emploi précis. L'auteur nous présente quelques traits de sa personnalité : Réfléchi, sage, rusé, intuitif, indépendant, parfois paresseux... Au départ, un «système à bout de souffle», celui du capitalisme mondial et de politiques néo libérales qui, au cours de cette première moitié du XXIème siècle, voit un effondrement de tous les prix , le blocage ou le gel de la croissance de la productivité et l'accroissement des inégalités de revenus. Il y a, aussi, la naissance et le règne du «totalitarisme financier», système froid et immoral, une dictature bien plus pitoyable que les dictatures politiques ..car, ici, «aucune révolte n'est possible contre la banque». Nietzsche avait donc raison de dire que «tout finira dans la canaille» avec «une cinquantaine de millions de personnes qui fait partie de la supra -société qui dirige le monde» (Alexandre Zinoniev, 1999). On l'a d'ailleurs bien vu, chez nous, à l'époque du «bouteflikisme flamboyant» avec «l'affaire Khalifa», puis le règne des oligarques. Un tout autre monde est donc annoncé... dont la locomotive ne serait autre que les Brics (1er sommet en 2009) : Le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine, l'Afrique du Sud (depuis 2010)... Cinq pays qui ont d'ailleurs décidé de créer une Banque de développement pour suppléer aux carences de la Banque mondiale et qui ont consacré une partie de leurs réserves de change pour créer un fonds qui fait contre-poids au Fmi. «Des capitalistes non alignés» ! (Jöel Ruet, 2016, p 79).. appuyés par des économies émergentes comme le Mexique, le Vietnam, l'Indonésie...Plus de 40% de la population mondiale...Ceci, sans omettre l'Organisation de coopération de Shangai, l'Ocs (créée en 2001)... Près de 60% de la population mondiale et plus de 20% du Pib mondial. Tous ou presque tous, pratiquant un capitalisme concurrentiel d'Etat...L'appareil administratif d'Etat se cantonnant à celui d'Etat stratège, des sociétés publiques gérées sur la base de critères privés et agissant dans un environnement concurrentiel parfois au sein même de la sphère publique. Aujourd'hui, donc, face aux Etats-Unis (qui, avec un Trump qui a soumis à rude épreuve le puzzle du multilatéralisme par son travail de sape à l'intérieur des grandes organisations mondiales : Onu, Omc, Fmi, Bm) et à l'Ue (bousculée par le Brexit et par les nouvelles dictatures démocratiques de certains pays de l'ex-bloc soviétique), il y a l'Inde, la Russie, l'Afrique du Sud... chaque pays avec ses points forts et ses faiblesses, ses hauts et ses bas, ses ambitions et ses concessions... mais seule la Chine, certainement bien inspirée par «l'Art de la guerre» de Maître Sun (Sun Tzu, 544-496 av. J.C) et toujours accro' à Marx , l'ouvrage célèbre et inimitable de stratégie militaire, semble bien partie pour réussir ses plans et ses projets dans les situations les plus complexes. Aujourd'hui, et bien plus demain, déjà une présence presque unique et formidable sur la scène mondiale. Bref, «que cela plaise ou non, le «socialisme à la chinoise» met une fessée au «capitalisme à l'occidentale» (Bruno Guigue, 2028). La «fin de l'Histoire» et le commencement d'une autre ? L'Auteur : Voir plus haut Table des matières : Introduction : La fin de l'empire/ Sept parties : Un système à bout de souffle/ Eloge de l'émergence/ L'incertitude brésilienne/La Russie est de retour/L'Inde dans vingt ans/ La Chine rêve/L'Afrique du Sud doute/Conclusion : De relatives puissances dominantes Extraits : «A la différence d'autres pays qui travaillent sur 5 ans, la Chine travaille sur 50 ans. Elle se donne le temps, et donc son projet ira au bout» (Vincent Lucchese 2018, p 9), «L'Amérique n'a plus la cote parce qu'elle ne fait plus rêver. Elle ne fait plus rêver parce qu'elle a perdu sa potion magique : le libéralisme, avec tout ce qu'il comportait comme libertés» (p 46), «(En Europe), la politique-spectacle a mis la personne au centre de l'action. D'où une «présidentialisation» des partis politiques mus par l'ambition de la conquête immédiate, au détriment des débats du pouvoir collectifs programmatiques sur la façon de changer la société... alors que les capitaux , la marchandise et les services circulent librement, des murs de plus en plus hauts et épais séparent les hommes» ( p 89), «L'opacité totale qui entoure la nouvelle guerre froide la rend encore plus dangereuse que la précédente» (p 122), «Les deux exemples les plus illustratifs du capital civique (en Chine) sont la participation électorale et le don de sang» (p 183), «L'enjeu d'un développement international n'est plus seulement d'exporter mais de s'insérer également dans les chaînes de valeur mondiales» (p 242) Avis : Voir plus haut Citations : «Les plus forts ne sont pas toujours les plus puissants. La violence des faibles peut les rendre plus forts que les plus puissants» (Francis Gutmann, 2012, p 73), «Dans notre monde, on peut difficilement prétendre jouer un rôle dans l'arène de la puissance si l'on a une économie en lambeaux ou de second ordre» (Pierrre Bulher, 2012, p 76), «Ils ont mis en place un système efficace de méritocratie en ressuscitant l'examen impérial de la compétence idéale pour évaluer au mieux l'aptitude à occuper des postes élevés... La bonne gouvernance» est principalement associée à «l'expérience et la capacité d'action». Deux atouts dont il est attendu qu'ils concourent à la constitution d'un «parti et un gouvernement éprouvés» (Thomas Hon Wing Polin, évoquant la Chine de Deng Xiaoping, 2017, p 161), «La Chine rêve et elle rêve à gauche» (p 164) |