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Avant d'aborder ce sujet, il
est important de rappeler que l'indépendance de notre pays n'a pas été fortuite
et si nous avons à l'évidence consenti de lourds sacrifices, l'histoire de
l'Algérie n'a pas commencé ni en 1954 ni en 1962 mais a des racines profondes.
Ce sont ces racines qu'il faut exhumer aujourd'hui pour dépasser le cadre politique qui n'a été qu'un exercice concédé pour la vanité des uns et des autres. Suivant des conseils de philosophes qui ont marqué de leur empreinte le temps et qui conseillent de s'intéresser au vécu des anciens pour augmenter la vie limitée qui nous est concédée. Ainsi feuilletant un journal «LA NEF» de la gauche française de janvier 1958? «En vérité, l'évolution politique des peuples d'outre-mer est en avance sur leur évolution technique, cela nous conserve pour longtemps encore un avantage incontesté»?. «La satisfaction à donner pour l'exercice du pouvoir sont de ce fait plus de vanité que de réalité, la métropole n'aura rien à y perdre et beaucoup à gagner». Cet article était consacré à l'époque à la Guerre d'Algérie et à l'issue incontestable de la libération politique de l'Afrique en général et sa future dépendance garantie par ses richesses pétrolières et minières. A partir de cette époque et peut-être avant, une démarche est entreprise qui va se prolonger et les organismes français s'interrogent sur ce particularisme algérien. Alors que la nationalité française n'a été réellement instituée qu'à partir du code Napoléon de 1800, en 1830 a été instituée la notion de sujet français attribué aux indigènes (occupants de l'Algérie avant la colonisation). L'échec de la colonisation de peuplement a conduit à accorder la nationalité française aux juifs qui détenaient un quasi-monopole sur les professions libérales (notariat, avocat, médecine, intermédiation financière et foncière) pour avoir un certain équilibre. Par voie de conséquence institution de deux législations (les lois normales et la loi du gouvernant «HOKM EL HAKEM» qui permet l'internement, l'isolation, la punition collective et des amendes et confiscations sans passer par la justice. Ce particularisme est remarqué par les Français chez eux mais ces défauts se sont transmis et même régénérés. La promotion LACOSTE et le PLAN de CONSTANTINE ont permis de créer une administration spécifique où tout se résume en DBARA (terme utilisé pour traduire les actes des administrateurs sans lien avec la loi). La notion de l'équité qui est le fondement des sociétés disparaît et le clientélisme la remplace. Dans le domaine agricole, la période correspondait à la fin des concessions accordées aux grandes compagnies qui ont expiré et l'Etat français a institué les CAPER pour procéder à l'expropriation et à l'indemnisation. La mise en place des CAPER sur les terres initialement concédées aux compagnies était non pas une vraie réforme agraire mais un virus implanté (les îlots de logements ruraux implantés visaient à orienter vers une collectivisation anarchique ultérieure). Ce maillage n'apparaît que si l'on consulte les documents de ces compagnies (rachat moyennant des obligations sur 20 ans avec un intérêt à 6%). A partir de ce moment, la préparation de ce passage a été préparée, il faut reconnaître de manière très judicieuse. En lisant une revue des chambres d'agriculture n°257 du 1er février 1962, nous avons relevé une remarque troublante (page 10) «appréciation de la valeur en cas d'expropriation: le décret du 6 septembre 1960 (application de la loi sur l'expropriation 58/997 du 23 octobre 1958 qui est restée en application en Algérie jusqu'en 1976). Le rédacteur de l'article s'appuyant sur la jurisprudence française estime que l'administration a tenté de réduire la valeur du bien exproprié dont la valeur doit être fixée non en fonction du revenu mais par référence à la valeur vénale réelle du terrain telle que le paierait un acheteur raisonnable pour l'usage auquel il le destine et il cite le cas d'un terrain contenant une carrière non exploitée (Paris 22 février 1961 AFF. Industrie lorraine.) Les textes pris pendant toute la période coloniale ne visaient que l'accaparement des terres et après que l'on se soit rapproché de l'indépendance devenue inéluctable, il fallait fausser la vision de l'administration sur la valeur des biens et provoquer des litiges qui demeurent à ce jour irrésolus. Tous les textes relatifs à l'expropriation des terres et même à l'établissement des servitudes ont contribué à cette rupture volontaire de l'équilibre social. Une comparaison des lois montre que l'administratif a été substitué progressivement au judiciaire qui, lui, a été privé du notariat indépendant, des instances représentatives de la société civile (chambre d'agriculture et syndicat de branche). L'analyse permet donc de conclure que la dévalorisation de la terre était un acte volontaire qui était dans une logique de spoliation qui n'a jamais quitté la colonisation et qui a été astucieusement injectée dans la démarche de notre administration. D'autres juristes ont fait des études comparatives entre les droits pénaux pour révéler la réduction du rôle de la société civile, mais là n'est pas l'objet de notre petite contribution qui ne vise qu'à expliquer un phénomène où la qualité paysanne, qui est recherchée ailleurs, est fuie sous notre ciel car elle est comme une sorte de malédiction. POUR ROMPRE CE CYCLE, IL N'Y A QU'UNE MANIERE «FAIRE PREDOMINER LA TECHNIQUE SUR LE POLITIQUE ET RENDRE A CE PAYSAN CE QUI LUI APPARTIENT» Pour mettre en évidence l'importance de l'agriculture dans la vision stratégique des nations, nous allons, sans remonter très loin dans l'histoire, revenir sur deux exemples qui ont marqué un tournant dans l'histoire de deux grandes régions. Nous pouvons affirmer que l'AGRICULTuRE revêt la même importance que la DEFENSE NATIONALE. Il est évident que l'ETAT a un rôle moteur à jouer sur les secteurs stratégiques et cela explique le souci des USA qui, après la Première Guerre mondiale, ont effectué des missions au travers de l'Europe pour s'imprégner des modèles de développement de l'agriculture au plan financier, et ont, après un large débat de plusieurs années, entamé les opérations de mise à niveau de l'agriculture dont la plus spectaculaire fut le lancement de la CALIFORNIE à travers une agence d'Etat (cette opération a été lancée après la crise de 1929 et depuis l'ETAT a continué à travers un système coopératif vivant pour gérer de manière prioritaire les matières stratégiques du domaine agricole). Nous notons que ces coopératives vivantes dont le capital initial est fourni par l'ETAT sans droit de vote sera remplacé en 5 ans. Chaque année, il est émis l'équivalent du cinquième en actions qui sont distribuées et payées par ceux qui auront le plus contribué dans la coopérative, que ce soit sous l'aspect agricole, industriel ou commercial (en volume financier). Ces émissions d'actions annuelles continueront toute la vie de la coopérative, de sorte qu'après remboursement de l'ETAT, les actions les plus anciennes seront remplacées par des nouvelles et une rotation s'organise. L'ETAT apporte le concours technique et organise la mise en condition professionnelle des jeunes diplômés qui seront sous tutelle technique et financière pendant au moins 5 ans et assureront la relève des partants à la retraite. L'élément humain est organisé et surveillé en permanence et participe à la définition de la politique agricole de chaque région. Cela se manifeste par une garantie de revenu, une qualité de la composante agricole et son implication dans les choix et même l'adoption d'un revenu de parité. Une assistance technique permanente et l'adoption du programme agricole par les paysans en fonction de l'orientation nationale retenue par région. La dotation financière reste dans le domaine agricole. L'Europe, après la Deuxième Guerre mondiale, a aussi pris des mesures radicales qui se poursuivent jusqu'à présent à travers la PAC (Politique agricole commune) qui mobilise 60 milliards d'euros pour soutenir les régions défavorisées et maintenir l'autosuffisance agricole et résorber les excédents. Ces exemples prouvent s'il était besoin que la base de l'économie reste sans conteste l'agriculture qui, comme l'armée, doit être la priorité des nations. Distribuer des bénéfices fictifs ou ne pas prendre en compte les aléas naturels sont les erreurs à ne pas faire. L'aide au monde rural n'est donc pas une opération de bienfaisance mais une option stratégique. La vision négative développée depuis l'indépendance et entretenue par un système où le butin a remplacé le résultat de l'effort. Aujourd'hui, on pense que la mécanisation est la solution mais c'est l'homme satisfait de sa situation qui assurera la pérennité de l'agriculture. En Algérie, sans revenir sur l'époque coloniale, des grandes sociétés agricoles qui étaient dotées de moyens financiers puissants, la Compagnie Genevoise était animée par les banquiers suisses, la Compagnie Algérienne était dotée d'organes de financement qui ont été progressivement repris à travers le maillage d'un système mutualiste agricole adapté aux conditions climatiques du pays qui, tout en s'appuyant sur la mutualité (la solidarité de groupe), prévoyait un soutien conséquent de l'ETAT au travers les caisses locales fédérées en caisses régionales chapeautées par une Caisse centrale qui, pour les assurances, recourait à la réassurance et pour la purge des dettes générées par les conditions climatiques à la Caisse des Consolidations. Cet ensemble a été bâti par un apport de l'ETAT issu d'un prélèvement sur le secteur financier. L'Etat a travers les missions qu'il organisait vers d'autres pays évaluait l'évolution du secteur (des missions ont été menées ainsi en 1932 pour s'informer de l'agriculture de la CALIFORNIE et de l'Espagne. Les enseignements sont tirés de ces expériences déjà plus performantes.) Un organisme spécifique, l'OFALAC, était dédié à la mission de promotion des exportations. D'autres pays, telle l'Espagne, ont consacré des études entières aux habitudes alimentaires des pays ciblés à l'exportation pour adapter l'offre à la demande. En Algérie, depuis l'indépendance, nous avons cultivé l'INDOLENCE, contrairement au conseil du vieux paysan qui, sentant sa mort prochaine, réunit ses enfants et leur demanda de chercher un trésor qu'il avait caché dans sa terre, les incitant à l'effort et pour rompre avec l'idée que le paysan vit pauvre et meurt riche. Cette richesse que la génération actuelle consomme, condamne la suivante à la pauvreté. La terre doit être respectée, ensevelir sous du béton ou du bitume la couche arable est un crime, comme celui d'utiliser des zéolites comme TUF ou enterrer des déchets recyclables. Aujourd'hui force est de constater que les organismes bureaucratiques de l'ETAT ont accompli une œuvre remarquable et certains des dirigeants ont reçu la médaille du mérite agricole français et cet insigne n'est délivré qu'à ceux qui apportent une contribution effective, comme ce fut le cas d'un organisme régulateur disposant des pouvoirs réglementaires et des infrastructures de la coopération agricole édifiée par un très long parcours et que quelques années ont réussi à réduire à néant. La qualité de nos semences a diminué et parfois même des blés destinés à la consommation ont été indûment orientés vers la semence. Nous absorbons actuellement 20% de la production de blé de la France alors que nous étions exportateurs de blé dur dans le temps. La PAC aide le paysan français de façon conséquente, sur les céréales notamment. Il n'est pas rare de lire que nous sommes perçus comme le marché du lait en poudre de nos voisins du Nord alors que nous pouvons rapidement arriver à l'autosuffisance au travers de fermes géantes comme en Californie qui est le deuxième producteur de lait des USA, par cette agriculture intensive basée sur une approche technologique efficace comme cela s'est pratiqué dans d'autres pays à climat désertique (Arabie Saoudite notamment). Une étude soulignait la position de l'Algérie sur le même niveau que la Californie avec une seule dissemblance (les vents froids en Californie qui obligent à utiliser des chaufferettes pour les arbres fruitiers alors qu'en Algérie le sirocco accélère la maturité d'où l'intérêt de créer des brise-vent pour avoir des microclimats pour les vergers ou encore de choisir des variétés précoces ou tardives pour réussir. La qualité prédispose à la production d'extrait mais il faut mettre les moyens. L'on peut affirmer que le système d'ETAT qu'a été notre socialisme sans association des consommateurs et des producteurs réels a laissé le pouvoir entre les mains d'une bureaucratie administrative vite préoccupée par son statut plus que par l'objet de l'organisme et la finalité de sa mission. Un jour, un ministre de l'Agriculture, curieux, se rendant dans chaque ferme laitière, demandait où se trouvait les veaux et invariablement l'on lui répondait que les veaux étaient orientés vers une ferme à OUM LAJOUL (en français «la mère des veaux»). Arrivé à cette ferme, il a demandé le nombre des veaux (le président lui a répondu que le berger connaissait le nombre, arrivé sur les lieux le berger a affirmé que le président connaissait le nombre). La morale est que personne ne connaissait le nombre et le sort de ces veaux qui finiront souvent «morts jetés dans le ravin». Cette expression était reproduite par le président d'un comité de gestion pour justifier la mortalité des brebis et le délégué agricole, étonné par le nombre et remarquant la planéité des terres, ne crut pas ses oreilles quand son interlocuteur lui désigna son ventre. Ce parcours dans le sens inverse du développement a été possible par l'existence d'organismes publics ayant confisqué la souveraineté du paysan. Avant l'indépendance, le paysan algérien, qui a vu sa propriété érodée par une colonisation de peuplement qui n'a échoué que parce que l'Amérique était plus attractive que l'Algérie, a pu bénéficier de structures d'aides à l'agriculture très limitées (les Sociétés indigènes de Prévoyance (SIP), rebaptisées Sociétés agricoles de Prévoyance -SAP) qui collectaient quelques récoltes et disposaient de petites structures sans relation ni envergure avec celles gérées par le système coopératif réservé aux colons et à quelques indigènes. Ce paysan algérien a donc été maintenu à l'écart de la gestion malgré l'ouverture du système coopératif qui en réalité a été transformé en administration. Cela s'est fait progressivement: l'autogestion a été l'instrument initial et tout un pan de l'économie agricole est tombé sous la tutelle administrative (avec une administration, on ne discute pas car le débat se situe dans des comités souvent très loin des réalités qui, pour combler leur ignorance, font appel à l'expertise étrangère). Dès la première décennie, l'on a vu apparaître des qualités de blé censées produire de grands rendements qui en réalité étaient plus aptes à la nourriture animale qu'à la transformation industrielle rentable. La dualité entre l'industrie alimentaire et l'agriculture a été très négative. L'arboriculture et les cultures industrielles (agrumes, légumes secs, betterave sucrière, coton, vignoble, tabac) disparaîtront progressivement. A suivre |
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