Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Suite
et fin
Que constate-t-on ? Que les données de l'année 2014 et de 2002 se rapprochent. Par conséquent, si le déficit budgétaire des États-Unis en 2015 ou en 2016 se réduit et passe de 487 milliards de dollars à son cours de 2002, i.e. 254 milliards de dollars, alors que le déficit courant s'est déjà réduit considérablement en 2014, et il est même inférieur à celui de 2002 de 74 milliards de dollars, le prix du baril de pétrole pourrait alors revenir au cours de 2002, i.e. fluctuant autour de 30 dollars. «Il y a donc une possibilité réelle que le prix du baril de pétrole descende à 30 dollars le baril en 2016, ou 2017... Si bien entendu la baisse des déficits américains se poursuit. Et tout porte à le croire vu le refus de la Chine de réévaluer son yuan ? elle détient un tiers des réserves de change mondiales, 3.560 milliards de dollars selon la Banque centrale de Chine (PBOC) en août 2015 ». Il n'est pas exclu cependant une remontée des déficits américains, et donc une remontée des cours pétroliers comme au printemps 2015 où un trou d'air a occasionné une rechute de la croissance américaine. Mais cela ne saurait être durable, tout au plus conjoncturel. Les enjeux et les défis sont trop importants pour que les États Unis changent de politique. Enfin, on constate déjà que la politique américaine menée aujourd'hui touche les pays pétroliers et aussi les pays émergents. Plusieurs pays parmi ces derniers sont en récession, d'autres ont leur croissance en baisse. Après la Russie et le Brésil entrés en récession en 2015, la Chine a subi plusieurs crises en 2015, conséquences de la baisse de l'activité économique russe, brésilienne et de celle des pays arabes et africains. Qu'en sera-t-il lorsque la Réserve fédérale américaine augmentera son taux d'intérêt directeur ? Et que les capitaux quitteront l'Asie, attirés par une meilleure rémunération. ET L'ALGERIE ? QUELLE PERSPECTIVE ? L'Occident est confronté à des frictions internes et externes et n'arrive pas à communiquer avec le monde musulman. Et c'est la raison pour laquelle les troubles et les malheurs ne cessent de s'accumuler dans le monde musulman. Toujours est-il que l'approche faite dans cette vision du monde basée sur des faits concrets peut amener le lecteur à réfléchir sur le sens de la crise pétrolière actuelle. Tout ce qu'on pourrait dire est que probablement la baisse des prix du pétrole s'installera dans la durée pour les motifs donnés supra. L'extinction des réserves de change et un nouvel endettement du type des années 1990 seraient pour l'Algérie un retour à la case départ, aux vieux démons, avec des risques de troubles qui pourraient être plus graves que ne le fut la décennie noire. Aussi, est-il impératif de geler les grosses dépenses dans tous les secteurs économiques où cela est possible. Les hydrocarbures, par exemple, les investissements, n'ont aucun sens pour les nouveaux puits avec un prix du baril donné faible pour longtemps et une surabondance de pétrole dans le monde. L'histoire est là pour montrer qu'après le contrechoc pétrolier de 1986, le cours du baril de pétrole n'a remonté que brièvement avec la guerre du Golfe suite à l'annexion du Koweït par l'Irak en 1990. En pleine tragédie nationale, l'Algérie possédait moins d'un milliard de dollars de réserves de change, en 1994, et a été obligée de dévaluer le dinar de plus de 40% sous l'égide du FMI. Et à partir de cette date, un grand nombre d'entreprises publiques furent dissoutes, et environ 400 000 travailleurs algériens mis au chômage dans le cadre du Programme d'ajustement structurel (PAS). Ce qu'on peut dire aussi, ce sont le plus souvent les guerres en amont et en aval qui sont à l'origine des hausses des prix du pétrole. En 1973, la guerre israélo-arabe (ou de Kippour) a provoqué le 1er choc pétrolier. Les guerres Irak-Iran, et URSS-Afghanistan, le 2ème choc pétrolier. La guerre menée par la coalition américaine des États-Unis avec d'autres États contre l'Irak en 1991 a entraîné une hausse pétrolière, mais qui n'a pas duré. Les attentats du 11 septembre 2001 ont été un prétexte pour les États-Unis de se lancer dans une nouvelle guerre contre l'Afghanistan et l'Irak. Le baril de pétrole a atteint plus de 100 dollars. A cette époque, nombre d'économistes en Europe et aux États Unis pensaient que les déficits américains jumeaux estimaient insoutenables. Pourtant, ils ont été soutenables, et cela grâce à la contrepartie physique que représentait la hausse des cours pétroliers. Et chaque année, l'OPEP produisait environ 30 millions de barils/jour pour la consommation mondiale. A 100 dollars le baril, l'Amérique produisait 3 milliards de dollars/jour ou environ 1000 milliards de dollars/an. Et pondérés, i.e. par une fraction de cette masse monétaire qui retourne sur les marchés monétaires représentant le coût des importations des pays de l'OPEP hors- États-Unis, cette création monétaire permettait aux États Unis de financer ses déficits. Via le pétrole, le reste du monde finançait donc l'Amérique. Un processus nécessaire pour le fonctionnement de l'économie mondiale. Aujourd'hui, la question qui se pose : «Contre qui les États Unis vont-ils se lancer en guerre ?» Contre la Chine, la Russie ? Impossible, ce sont des puissances nucléaires ! Il n'y a pour ainsi dire personne pour deux raisons majeures. La première, «le monde arabe est disloqué par des guerres internes». La deuxième raison, «les Etats Unis disposent de djihadistes islamistes venus de tous horizons (monde arabe et Occident) qui, armés par eux, mènent la guerre à leur place ». Résultat : plus besoin de hausse de prix de pétrole d'autant plus que la crise financière s'est pratiquement résorbée pour l'économie américaine. Un cours de 50 dollars le baril, soit 1,5 milliard de dollars/jour ou environ 500 milliards de dollars/an (pondérés) issus de la facturation des exportations pétrolières des pays de l'OPEP suffisent à couvrir le coût financier des déficits américains. Au vu de cette situation, que peut-on dire de l'Algérie ? La crise ne paraît pas encore, tout paraît normal compte tenu du portefeuille de réserves de change encore élevé que détient l'Algérie. Cependant une perte de 50 milliards de dollars entre 2014 et 2015 est aussi trop élevée. Et on doit déduire que trois années suffiront à faire fondre l'essentiel de ces réserves qui se comptent aujourd'hui à environ 150 milliards de dollars. Et on peut même dire que la situation économique peut se détériorer avant même l'épuisement des réserves de change. Or, si l'Algérie cherche à emprunter à l'extérieur ? Et quand bien même elle est peu endettée, une question va se poser pour les créanciers : «L'Algérie est-elle solvable ?», i.e. «Pourra-telle rembourser plus tard ses dettes ?» Et donc la question : «Si les prix du pétrole demeureront bas, avec quoi l'Algérie va-t-elle rembourser ses dettes ?» Et les créanciers, c'est-à-dire l'oligarchie financière mondiale, savent ce qui fait baisser les cours, c'est dans les Bourses mondiales des matières premières et d'énergie (Chicago, Londres, New York) que sont fixés les cours. Et ces Bourses sont en Occident. Dès lors, la seule possibilité qui apparaît pour l'Algérie nous mène à ce qu'a déclaré Abdelkrim Harchaoui, l'ex-ministre des Finances, un certain jour en 1999. L'article du journal Liberté du 17 novembre 1999, qui a couvert l'exposé de l'ex-ministre des Finances pour défendre le projet de loi de finances 2000 devant le Parlement, a pour titre : « Les chiffres effrayants et le cauchemar de Harchaoui ». On y lit que «si l'Algérie rééchelonne une troisième fois sa dette, les conditionnalités que lui imposeront les institutions internationales seront alors plus dures : l'Algérie serait obligée d'offrir en gage 50% de Hassi Messaoud, 50% de Hassi R'mel, de recourir à la compression des effectifs dans la Fonction publique, la privatisation des hôpitaux, de l'université, etc.». Ces exigences des créanciers qui seraient drastiques pourront-elles être évitées ? La seule réponse que l'ont peut faire est celle-ci : si la paix sociale a été sauvegardée grâce aux fortes réserves de change accumulées et aux fortes dépenses, ce qui a sauvé l'Algérie d'une débâcle économique et politique, les institutions nationales doivent à tout prix anticiper la crise en prémunissant l'Algérie par tous les moyens possibles (transparence, baisses drastiques des dépenses, attirer des investissements extérieurs, rigueur dans le contrôle de change aux frontières, joint-ventures avec des entreprises étrangères, débats télévisés pour préparer l'opinion nationale, mettre l'accent par tous les moyens d'information sur les troubles dans le monde arabe pour la sensibilisation nationale des risques qui accompagnent une crise économique, solidarité avec les gouvernements voisins, relations plus ouvertes avec l'Occident et l'Asie sur le plan économique et politique, démocratisation de la société mais avec une élévation de la conscience nationale, etc.) Pour les derniers points, c'est avant tout son intérêt économique qui doit mouvoir l'Algérie sur le plan politique, et sur le plan de la démocratie, l'opposition comme le pouvoir politique ne doivent pas y voir une compétition négative dans la lutte pour le pouvoir, mais comme une complémentarité positive dans cette opposition politique. Car ce qui compte avant tout, c'est l'Algérie et sa stabilité, et cette stabilité concerne tous les nationaux, tous les Algériens. L'Algérien préfère être pauvre mais près de sa famille, et non pas jeté dans les affres d'une guerre civile comme le vivent les Syriens, les Libyens, les Yéménites et à travers le monde. De même pour l'Algérien riche, qui perdra tout ce qu'il a amassé ou ceux qui détiennent le pouvoir, et ne le détiennent que pour le pouvoir. C'est l'Algérie qui compte, et c'est cela qui doit être visé. Le monde change et l'Algérie doit sauvegarder ses intérêts coûte que coûte et ne pas vivre dans l'illusion des cours du pétrole. Tels sont là à peu près ce qui pourrait unir ou désunir. En espérant que l'Algérie surmonte ses contradictions. *Auteur et chercheur indépendant en économie mondiale, relations internationales et prospective |
|