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Monté sur la
réplique de son cheval préféré, nommé Akkam, une colombe dans la main droite,
l'actuel président Turkmène trône, depuis le 25 mai, à 21m de hauteur, sur la
belle capitale Achkhabad. Ainsi s'est « immortalisé » M. Gourbangouly Berdymoukhamedov
en faisant recouvrir sa représentation et celle de sa monture de feuilles d'or.
Comme il ne peut souffrir la concurrence, il a relégué dans la banlieue de la capitale la statue de son prédécesseur, M. Saparmourat Niazov, en or également, bien entendu, mais qui pivotait sur son socle de telle sorte qu'elle faisait toujours face au soleil. Le guide ne disait pas aux touristes à quel jeu elle se consacrait durant la nuit. Modeste, comme on peut l'imaginer, le président était absent lors de l'inauguration de cette œuvre. C'est Mme Akdia Nourberdieva, présidente du Parlement, qui a présidé aux cérémonies. Normal. Représentante du peuple, Qui d'autre aurait été mieux indiqué qu'elle pour découvrir le monument érigé, a-t-elle précisé, à la demande « de simples gens, de collectifs professionnels et d'organisations publiques ». On en croirait à peine ses oreilles. Il en est qui laissent, derrière eux, en héritage, un redressement économique remarquable du pays, une stabilité sociale appréciable, un musée, une bibliothèque nationale, un centre de recherches scientifiques ou un hôpital auxquels, après leur disparition, on leur attribuera leur nom. Le président Turkmène, plus terre à terre, s'autorise un caprice et se déifie de son vivant. Il se doute bien qu'à sa disparition sa statue ira rejoindre la banlieue. Si elle n'est pas fondue. Ce désir illusoire d'immortalité d'autres l'expriment en édifiant un lieu où leur nom est associé au divin. Ainsi a-t-on vu surgir de la brousse, dans un village nommé Yamoussoukro, promu capitale de la Côte d'Ivoire, par la grâce de l'ancien député français, devenu président, M. Houphouët-Boigny, une Basilique encore plus imposante que la Basilique Saint Pierre de Rome. « Le portail du domaine passé, nous dit-on, le visiteur est accueilli par des jardins symétriques de style français, inspirés des jardins de Versailles. Deux statues dorées de la Vierge étincellent au soleil ». La coupole fait de l'édifice « la Basilique la plus haute au monde », survolant la forêt environnante de ses 158 m. On y compte 18.000 places, dont 7.000 assises, baignées par la plus grande surface de vitraux au monde. Le Pape Jean-Paul II dû la consacrer un 10 septembre 1990. Dans un pays où 10% de la population est de confession catholique. Quand certains reprochèrent le coût astronomique de l'ouvrage, il indiqua qu'il y a participé, en puisant dans sa cassette. Lui, l'homme sur lequel s'appuyait la politique de la France en « francophonie », que l'on disait impliqué dans la disparition du héros africain Thomas Sankar du Burkina Faso, ainsi que dans d'autres fortunes, laissa derrière lui, une fortune située entre 6 et 12 milliards de dollars dont on peut imaginer l'origine même si le cacao fit, un temps, sa fortune. Entre le successeur des leaders « communistes » et le second, dans cette galerie de mythomanes, on trouvera un roi. Notre voisin. Là, encore, sous forme de souscription, fut édifiée la mosquée de Casablanca. Les pieds dans l'eau, doucement salée de l'Atlantique, elle peut accueillir 105.000 personnes et 25.000 fidèles pour les prières. Quatrième lieu mosquée du monde, en termes de capacité, elle était détentrice, provisoire, lors de son inauguration, le 30 août 1993, du record mondial pour son minaret haut de 201m. Plus haut que la Basilique de Yamoussoukro. Pour quelques années seulement. Un record que la Mosquée d'Alger se promet de battre. Si les nouveaux délais de livraison sont respectés, 20.000 fidèles pourront s'y rendre. Elle dressera son minaret à 214 m ! De ce fait, elle deviendra le troisième lieu de culte architectural. Un projet, comme les précédents, auquel on n'exigera pas un retour sur investissement. Comme pour les précédents projets, la récompense, dans un monde meilleur, ne serait pas certaine. Ces lieux de culte ne me dérangent nullement. Bien au contraire. C'est une valeur transcendantale s'ajoutant à un niveau de connaissance cultuel approprié, un niveau de culture, de civilisation, de développement. Or, quand on se penche sur l'Indice de Développement Humain des Nations unies, on s'aperçoit que l'Algérie se situe à la 93ème place, le Turkménistan à la 103ème, le Maroc à la 129ème et la Côte d'Ivoire à la 171ème. Ce sont là des indications qui mériteraient commentaires mais elles disent, au moins que ce ne sont pas les pays les plus développés, telle la Norvège, tête de liste, qui consacreraient des dépenses somptuaires à des lieux de culte. Quand les Massajide ont été construits, avec ferveur et amour, en Andalousie, à Boukhara, à Damas et Baghdad, pour ne citer que ces cités illustres, ils côtoyaient des réalisations qui faisaient l'admiration du monde. Ils étaient l'expression ultime, aboutie des recherches scientifiques, des découvertes, d'une culture en pleine expansion. Certainement pas la recherche, à posteriori, du pardon par la dilapidation des biens de ceux que l'on espère envoyer « au paradis le ventre creux », selon l'expression du Président Boumediene. «Les hommes ne veulent pas aller au paradis le ventre creux, un peuple qui a faim n'a pas besoin d'écouter des versets. Je le dis avec toute la considération pour le Coran que j'ai appris à l'âge de dix ans. Les peuples qui ont faim ont besoin de pain, les peuples ignorants de savoir, les peuples malades d'hôpitaux » lançait-il au cours de son discours prononcé à Lahore lors de la Conférence de l'Organisation de la Conférence islamique. Sans lire de notes. Ce n'est, certainement, pas en demandant aux architectes de dessiner le haut minaret, aux ingénieurs d'assurer la composition des matériaux nécessaires à sa construction, qu'on se rapprochera du Créateur. Un architecte eut, un jour, un éclair de génie pour exprimer ce que représentait l'Algérie à ses yeux. « Une nuit à Alger, en 1968, alors que je m'apprêtais à m'endormir, me vint l'idée de dessiner une mosquée. J'ai travaillé, un peu comme dans un état second, une partie de la nuit, dans ma chambre de l'hôtel Aletti, donnant, directement, sur le port et la belle baie d'Alger. Au final, au petit matin : une mosquée suspendue au-dessus de la mer et reliée à la terre ferme par une superstructure, à côté d'une plage, à proximité du Port d'Alger? Boumediene, en voyant les plans de la mosquée, s'était exclamé : « Mais c'est une mosquée révolutionnaire. » Je lui ai alors répondu, en riant : « Président, la Révolution ne doit jamais s'arrêter, elle doit être partout. ». Cet extrait d'un entretien entre Oscar Niemeyer, l'architecte de Brasilia, mort à 104 ans, et le chercheur algérien Smaïl Hadj Ali, dit bien ce que doit être l'architecture. Elle dit une période de la vie des hommes. De ce qu'ils sont. Comme en Andalousie et ailleurs dans le monde musulman. Comme elle le dit si bien chez nous. Tristement dit. « La maladie qui l'a très brutalement arraché à la vie, ajoutait-il, est pour moi la seule explication de l'abandon de ce projet. Et d'autres ». Et d'autres, oui. Ainsi nous cessâmes d'oser. |