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Hier vendredi, au
lendemain du drame qui a secoué la petite localité de Hassi Labiod, un hameau à
l'extrême limite de la commune de Sidi Chahmi, dans la périphérie sud-est du
chef-lieu de la wilaya d'Oran, la protestation a baissé d'un cran, sans pour
autant tout à fait disparaître. 24 heures après l'acte d'immolation par le feu
commis par deux jeunes de cette petite bourgade, dont un a succombé le jour
même, dans le feu de l'action d'une opération d'expulsion ayant visé des
occupants d'une propriété privée, tous les accès menant à Hassi Labiod étaient
bloqués de part en part par des troncs d'arbres, pylônes en ciment et pneus
incendiés. Les nerfs à vif, plusieurs dizaines de jeunes habitants de cette
agglomération rurale, aux allures d'un misérable village égaré dans la nature,
imposaient l'embargo sur leur cité en installant des barrières formées d'objets
bric-à-brac sur les voies routières qui la desservent. La localité a été, en la
circonstance, transformée par les protestataires en un « no man's land » pour
toute personne « incarnant » l'Etat et il a fallu pour nous présenter nos
cartes professionnelles pour qu'on nous permette d'accéder au village, et plus
précisément au lieu du drame. La maison où a eu la double tentative de suicide
en s'immolant par le feu, dont une s'est soldée par le décès, quelques heures
plus tard, d'un jeune de 40 ans, alors que l'état de l'autre « victime », 23
ans, demeurait hier matin « très critique », selon des sources concordantes.
Seul le wali d'Oran, M. Zâalane Abdelghani, qui s'est déplacé en catastrophe,
sans le moindre dispositif sécuritaire, sur les lieux du sinistre dès qu'il en
a été informé, a su et a pu accéder au cœur du village où il s'est enquis in
situ et de visu de la situation, mais surtout des tenants et des aboutissants
de cette « histoire ». En effet, tous les habitants rencontrés hier, notamment
les membres des quatre familles occupant l'habitation ciblée par l'arrêt
d'expulsion, ont tenu à souligner que le wali s'est déplacé vers eux pour,
d'abord, savoir auprès d'eux ce qui s'est passé et, ensuite, prendre en charge
leurs revendications. Et la première décision « urgente » prise était
d'ordonner le transfert immédiat des deux « victimes » -brûlées au 3e degré
selon une source médicale- de l'EHU du 1er Novembre 1954 à Oran vers l'hôpital
militaire d'Aïn Naadja à Alger. Malheureusement, un des deux patients, le plus
âgé, Kh. Houari, 40 ans, a succombé au cours de son évacuation.
L'autre, M. Fethi, 23 ans, était hier encore dans un état comateux, sous soins intensifs, au service des grands brûlés de l'hôpital d'Aïn Naadja. Deuxième mesure prise par le chef de l'exécutif local consistait à ordonner de « laisser la situation telle qu'elle est », c'est-à-dire suspendre jusqu'à nouvel ordre l'exécution de l'expulsion des familles concernées, pour des motifs humanitaires et d'ordre public. Aux occupants des lieux, croyons-nous savoir, il a été donné des engagements officiels de trouver une solution à leur problème de logement, sous une forme ou sous une autre. Une autre décision, non moins importante, prise par le détenteur de l'autorité de l'Etat à l'échelle de la wilaya d'Oran, c'est l'ouverture d'une enquête pour faire toute la lumière sur le respect de la loi et des procédures réglementaires dans le cas de cette mise à exécution d'arrêt d'expulsion ainsi que les conditions exactes dans lesquelles elle s'est déroulée. Un acte d'investigation réclamé de vive voix par la population locale et qui est d'autant obligatoire qu'il y a eu mort d'homme. Des témoins de la scène d'expulsion, qui s'est faite en présence d'un dispositif sécuritaire déployé par les brigades de gendarmerie nationale de Sidi Chahmi et de Nedjma (ex-Chteïbo), en application d'une réquisition, qui accompagnait l'huissier de justice, « il y a eu une intervention musclée » visant le domicile en question, occupé par quatre familles. Il s'agit en fait d'une ancienne maison dans un état de délabrement avancé, d'une superficie de 1,4 hectare, dont la partie habitée sous forme d'un vieux bâti remontant à l'ère coloniale ne représente que le tiers. Au bout d'un long feuilleton procédural devant les tribunaux, la partie adverse, un particulier se prévalant d'un titre de propriété, a fini par avoir gain de cause en obtenant un jugement définitif en sa faveur, revêtant la force exécutoire. Dans des conditions dont il appartient à l'enquête de déterminer, les deux jeunes, tous deux célibataires, se sont imbibés d'essence qui était contenu dans une bouteille d'eau minérale puis se sont immolés, devant le regard des agents de la force publique. |
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