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Il n'est pas dans
notre objectif de discuter la décision du changement des journées du repos
hebdomadaire, même si cela a été fait sans préparation, sans réflexion aux
conséquences sur les différentes sphères, étroitement imbriquées, de la vie
sociale, ni de savoir si le vendredi est une journée sainte, sacrée ou pas, et
il y aurait beaucoup à dire à ce sujet sur les pseudo-fetwas du «pour» et du
«contre», motivées la plupart du temps plus par des arrière-pensées
idéologiques, souvent par des personnes non habilitées à se prononcer sur ce
genre de question. Notre propos est surtout d'attirer l'attention de l'opinion
publique et surtout les parents (biologiques ou symboliques) que nous sommes,
sur les dommages collatéraux qui menacent notre enfance (entendez par là
l'enfance algérienne), car tout enfant doit être vu comme l'enfant de chacun
d'entre-nous (valeur qui est en train de se perdre) et sur l'inconséquence des
réaménagements décidés personnellement et dans la précipitation par M. le
ministre de l'Education nationale sur l'étalement des cours sur l'année, le
volume horaire quotidien et sa répartition, en réponse au passage au Vendredi
et Samedi comme journées de repos hebdomadaires. Encore une fois, le slogan de
la réforme, qui ne finit jamais (oui reformer dans le sens d'améliorer (Islah),
est une tâche continue, mais chaque réforme précise a un début et une fin) a
servi de prétexte pour bricoler une solution temporaire, sans réellement
consulter les acteurs concernés (il ne suffit pas de convoquer un président
d'une association d'élèves au ministère pour une réunion de quelques heures
pour légitimer une décision), ni faire faire une étude par des spécialistes des
différents domaines concernés (sciences de l'éducation, sciences de la santé,
psychologie, etc.).
Par-delà les aspects éducatifs qui ont été dans l'ensemble largement discutées dans la presse, sans qu'il y ait eu d'ailleurs la moindre réaction de la part de la tutelle ou de ses porte-parole pour amener la contradiction, à part pour l'amusante histoire de la forme et la couleur des tabliers, il reste que sur le terrain, les conséquences néfastes commencent à être constatées depuis la rentrée. Des enfants du primaire sont obligés aujourd'hui de suivre huit heures de cours par jour avec une légère pose entre la session du matin et de l'après-midi, juste le temps de rentrer à la maison, d'avaler en vitesse quelque chose de comestible pour se retrouver de nouveau sur le chemin de l'école et assister aux premières leçons avec un estomac en pleine digestion, ceci pour ceux qui n'habitent pas loin de l'école. Des écolières et des écoliers du moyen, âgés de 11 à 15 ans, quittent leur maison à 7h30 du matin pour y revenir à 17 heures avec des cartables pleins et une pause d'à peine une heure (entre 12h et 13h) pour se nourrir, se rafraichir et se reposer. Mais tout cela où ? Dehors dans la rue, à manger quotidiennement des casse-croûte, du fait que les responsables des écoles les obligent à la quitter et refusent de les laisser dans la cours, et il est loisible de le constater devant beaucoup d'écoles. Car comment sortir à midi de la classe, quitter l'école à 12h 05, rentrer chez soi, et souvent c'est à plus d'un kilomètre, manger, se rafraîchir, et repartir pour être au plus tard à 12h45 devant l'école (une note dans ce sens à été envoyée aux directeurs et a été intégrée aux règlement intérieur que les écoles font signer avec légalisation par les parents). Pour ceux qui voudront rentrer pour la pause à la maison, il vous sera loisible de les voir courir à la sortie des écoles pour arriver essoufflés à temps chez eux et les revoir courrir dans l'autre sens quelque temps après pour ne pas être en retard. Que se passera-t-il en hiver, lorsqu'il pleuvra et qu'il fera froid ? Un autre aspect, plus grave encore, est le nombre de rôdeurs devant les écoles, à la sortie de ces jeunes adolescentes et adolescents, qui, devant rester dans la rue, auront à subir les désagréments de leur présence, seront des proies faciles pour les vendeurs de drogue, et, A Dieu ne plaise, exposés à d'autres dangers qu'il vaut mieux ne pas évoquer ici pour ne pas donner des idées à la bête immonde. Pour les Lycées, n'en parlons pas, il suffit de réfléchir un peu pour imaginer quelle sera sur le long terme la situation de ces jeunes Algériennes et Algériens et ce que cela représentera pour leur santé physique et morale, leurs résultats scolaires. M. le Ministre nous sort à chaque fois l'argument : «c'est ainsi que c'est ailleurs», «nous n'avons fait que rattraper le retard pour être dans Maoukab al Oumam al Moutakaddima», «de cette manière nous avons atteint le niveau des pays avancés». La plupart du temps, il s'agit surtout du quantitatif, et rarement du qualitatif, et de plus sans que ne soient offerts les mêmes moyens et les mêmes conditions que dans ces pays. Des chiffres, rien que des chiffres. Quelques questions intéressantes à poser à la tutelle de l'Education nationale : Dans le pays X ou chez la nation Y, l'année comprend tant de semaines et tant d'heures de cours par journée ou pas semaine ou par mois. Mais ces heures sont-elles en présentiel, dans la classe, sous formes de vraies leçons au cours desquelles on procède au remplissage des têtes des élèves ? Combien de semaines de vacances ont les élèves autrichiens, séoudiens, turcs, mongols ? Comment sont répartis les enseignements en Italie, au Portugal, en Norvège où en Hongrie ? A quelle âge entre-t-on à l'école primaire au Japon, en Afrique du Sud, en Zambie, en Australie ? En quoi consiste le pré-scolaire, comment fonctionne-t-il et quels sont ses objectifs, s'il existe, en Chine, en France, en Argentine, au Canada ? Comment sont enseignées les langues étrangères aux USA, en Indonésie, au Qatar ? Tous ces pays du monde ont-ils le même climat, les mêmes traditions culturelles, d'enseignement ? Autant de questions qui n'ont probablement jamais effleuré l'esprit de ceux dont dépend notre système éducatif et dont on n'en a jamais tenu compte. La devise principale a toujours été : «ça passe où ça casse». On se rappelle l'avancement de la langue française de la quatrième à la deuxième année primaire au nom du rapport d'une Haute Commission pour la Réforme du Système Educatif qui n'a jamais été rendu public et dont les arguments n'ont jamais été explicités, pour que, deux années plus tard, les mêmes responsables, devant l'échec sur le terrain et avançant des «raisons pédagogiques», «afin de permettre aux apprenants de bien assoir leurs connaissances dans la langue de scolarisation» (l'arabe), décident de la reporter à la troisième année primaire. Pour ce cas précis, et en réalité, l'introduction du français en deuxième année primaire n'aurait posé aucun problème si les auteurs algériens des programmes et du manuel s'étaient conformés aux recommandations des experts français qui les avaient encadré(e)s durant cette opération et au document d'accompagnement des programmes qui avait été élaboré et qui envisageait une introduction du français en deuxième année comme langue étrangère, sous forme d'initiation, de découverte. Nous nous sommes retrouvés, pour des raisons obscures, avec un manuel de français Langue Seconde, fait pour des élèves qui parlent déjà plus ou moins bien le français, et qui ne viendraient que pour apprendre à le lire et à l'écrire, ce qui n'est le cas que d'une infime minorité d'enfants algériens. Nous ne parlerons pas du contenu socio-culturel du manuel en question, qui semble avoir été élaboré pour d'autres espaces, facilement identifiables, et que l'on a adapté à notre pays en y plaquant, entre autres, certaines images dont la qualité des couleurs ne cadre pas avec le reste et surtout dévalorisantes pour l'enfant autochtone (pour la rubrique «où est-ce que j'habite ?», une tente Touareg à côté de la villa ou du chalet de l'Occidental, pour la rubrique sport, un enfant noir jouant pieds nus au ballon, à côté des sports chic de l'enfant occidental, etc.). Encore une fois, nous avons à subir un diktat. Juste hier, le Qatar, dont on insiste souvent sur le caractère monarchique, signifiant par là le manque de démocratie, a décidé par la voie de son Haut Conseil de l'Education (eh oui, ils en ont un !) et non par la voie de son ministre de l'Education, et après consultation avec le Haut Conseil de la Santé (ils en un aussi et il sert à quelque chose !), de reporter la rentrée scolaire d'une semaine comme mesure préventive face à la grippe porcine. Parce que ce pays, que l'on peut qualifier de «développé» dans de nombreux domaines, possède des institutions et des procédures de prise de décision qui fonctionnent. Pour conclure, même si c'est l'universitaire qui signe, c'est le parent qui en a le cœur gros. * Pr - Département de Français Université d'Annaba |
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