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Amandes concassées et arôme de miel

par Abdou BENABBOU

Les fidèles en sont à la dernière ligne droite du mois de Ramadan. Une semaine pour reprendre attache avec la régularité des habitudes, bien que ces trente journées de carême aient elles aussi la lourdeur de la monotonie qu'avaient imposée les deux années insupportables passées accompagnées du Covid.

Cette année encore, sans doute plus que celles d'avant, les rues, les commerces et les foyers n'ont pas dégagé les odeurs du miel et les arômes de la vanille. Les regroupements des familles d'antan autour des amandes concassées avec tous les esprits braqués sur les plateaux d'aluminium huilés et sur les fours des quartiers ne sont plus que des souvenirs. L'heure est aux désertions planifiées pour ne plus se liguer contre la semoule et la farine. Cela n'a pas empêché la pistache d'escalader les sommets pour jouer à la tsarine à 7.000 dinars le kilo et des pâtissiers en petit nombre ont tenté de jouer le jeu sans grand succès.

Les temps nouveaux ont décidé d'être implacables pour le monde entier et pour qu'il n'y ait pas de jaloux, les cuisines des demeures changent partout d'allure, que l'on soit à Bogota, à Tunis, à Londres ou à New York, pour s'adapter aux disponibilités en régime forcé et pour que la démesure devienne enfin un péché. Ailleurs et dans de nombreuses contrées proches ou lointaines, où la solidarité piétine on a fini par faire honneur aux poubelles.

Ici, les roublards se voient couper la tête, et l'on observe que l'on peut contrarier sérieusement sa vie en louvoyant autour du prix d'un kilo de banane ou celui de café. Il ne s'agit même plus de manque de scrupule mais d'une animalité sans réserve.

Qui aurait pensé que l'ombre des pénitenciers pouvait couvrir les flibustiers rapaces engagés à faire glisser toute une nation sur des peaux de banane ! Ceux-là n'ont rien compris à la misère humaine pour oser soudoyer leurs consciences et leurs âmes convaincus que leurs vies sont éternelles. Mais le loisir est accordé à tous pour que chacun donne un sens choisi au jeûne et à la fête.