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![]() ![]() ![]() 19 Mars 1962 -19 Mars 2025: Fête de la Victoire qui scelle la Défaite de la France en Algérie
par Salah Lakoues ![]() Les discussions, entamées à Melun en
1961, se sont étalées sur environ 15 mois, avant de déboucher sur la signature
des accords en mars 1962. Ces négociations ont été décisives, car elles ont
permis de mettre fin à un conflit sanglant et d'ouvrir la voie à l'indépendance
de l'Algérie, officialisée quelques mois plus tard, en juillet 1962.
Mon analyse rappelle un point de vue qui revient souvent dans l'historiographie sur la période des négociations d'Évian. En effet, certains historiens soulignent que de Gaulle a adopté une stratégie complexe mêlant concessions politiques et opérations militaires, tout en essayant de diviser et affaiblir les différentes composantes du mouvement nationaliste, qu'elles soient internes ou basées à l'extérieur. Cette approche visait à contrôler le processus de transition tout en maintenant un certain équilibre des forces sur le terrain. Du côté du FLN, malgré la pression et la turbulence des opérations militaires, les dirigeants ont maintenu fermement leur exigence centrale : l'obtention d'une indépendance totale et d'une pleine souveraineté pour l'Algérie. Ils ont ainsi refusé de céder sur ce point fondamental, consolidant leur position lors des négociations et sur le plan politique. Cette détermination a joué un rôle crucial dans le succès final de la lutte pour l'indépendance. Il convient toutefois de noter que l'interprétation des stratégies de de Gaulle et des réactions du FLN peut varier selon les sources et les analyses historiques. Certaines études mettent en avant le caractère pragmatique de la démarche gaulliste dans un contexte de crise, tandis que d'autres y voient une manipulation délibérée visant à préserver certains intérêts français. Les débats restent ouverts et reflètent la complexité de cette période charnière de l'histoire franco-algérienne. Mon analyse reflète une lecture fréquente de cette période charnière de l'histoire française. En effet, plusieurs historiens soulignent que le processus de décolonisation en Algérie a été perçu, par certains cercles politiques et militaires, comme une défaite militaire et politique de la France face au FLN. De Gaulle, confronté à des tensions internes croissantes, à la radicalisation de certains secteurs notamment via l'action de l'OAS a dû adopter une stratégie qui, selon certains, laissait présager le risque d'un conflit interne majeur, voire d'une guerre civile sur le territoire métropolitain. Les actions violentes de l'OAS, qui comprenaient des attentats et des tentatives d'assassinats, ainsi que l'engagement d'ultras de l'armée opposés à la décolonisation, ont contribué à créer une atmosphère d'instabilité et de crise profonde. Ces éléments ont renforcé la perception d'un choix presque fatal pour de Gaulle : négocier avec le FLN pour éviter l'escalade d'un conflit civil qui aurait pu déchirer la France. Toutefois, si l'on évoque une «défaite totale », il est important de nuancer : il s'agissait moins d'un revers militaire pur que d'un réajustement politique nécessaire dans un contexte où la poursuite de la guerre risquait de mener à des divisions irréconciliables au sein de la société française. Ces débats historiographiques montrent la complexité de la situation : d'un côté, la volonté de préserver l'unité nationale en engageant le processus d'indépendance, et de l'autre, la lutte des forces ultra-colonialistes opposées à ce changement radical. Ainsi, l'analyse de cette période reste sujette à interprétations multiples, tant sur les stratégies de de Gaulle que sur la dynamique interne de l'opposition, incarnée par l'OAS et certains segments de l'armée. Effectivement, l'idée est que la victoire politique ne s'obtient pas uniquement par des négociations ou des décisions idéologiques, mais qu'elle repose souvent sur une action militaire qui crée des conditions de pression suffisantes pour forcer un changement de situation. Autrement dit, lorsque l'on parle de «victoire politique », cela signifie que le contrôle du terrain, la neutralisation ou l'affaiblissement de l'adversaire, sur le plan militaire, a permis de dégager un contexte favorable pour des compromis ou pour l'imposition d'une nouvelle donne politique. Par exemple, dans le contexte de la guerre d'Algérie, les opérations militaires - avec des campagnes de pacification, le quadrillage des zones de combat et la tentative de démantèlement des réseaux du FLN - n'ont pas modifié le rapport de forces. Cet échec militaire a fini par inciter à la négociation, ouvrant la voie aux Accords d'Évian qui, bien qu'ils aient officialisé l'indépendance, ont été rendus possibles par la maîtrise militaire exercée sur le terrain par le FLN. En d'autres termes, sans ces actions militaires, le levier politique pour négocier ou imposer des conditions aurait été nettement moins présent. Cette logique se retrouve dans bien des conflits : l'action militaire crée un contexte où les acteurs politiques peuvent ensuite agir de manière décisive, transformant des succès tactiques en victoires politiques durables. Cela ne veut pas dire que la guerre est une fin en soi, mais bien qu'elle établit les conditions matérielles et psychologiques pour qu'une victoire politique puisse émerger. Mon affirmation met en lumière une lecture largement répandue dans les études sur la guerre d'Algérie. Bien que, sur le terrain, l'armée française ait parfois remporté des victoires tactiques, l'issue globale du conflit - marquée par les Accords d'Évian et l'indépendance de l'Algérie en 1962 est souvent interprétée comme une victoire politique et symbolique du FLN sur la France. En effet, c'est grâce à une lutte prolongée, à une mobilisation massive de la population et à une stratégie mêlant actions militaires et politiques (notamment par le biais de la guerre asymétrique et d'une campagne de propagande efficace) que le FLN a fini par forcer la France à reconnaître l'inévitabilité de la décolonisation. Cette victoire du FLN est donc avant tout celle d'une émancipation nationale qui a conduit à la fin du joug colonial français, malgré le coût humain et les vicissitudes de la guerre. La stratégie politique du FLN lors des négociations des Accords d'Évian reposait sur plusieurs axes complémentaires visant à garantir la légitimité de la lutte pour l'indépendance tout en préparant la transition vers un État algérien souverain sous son contrôle. On peut notamment relever : Affirmation de la légitimité historique Le FLN s'est présenté comme le représentant unique et légitime du peuple algérien. Cette posture lui a permis de faire valoir, lors des négociations, qu'il était le dépositaire de la volonté nationale, ce qui constituait un argument fort pour obtenir des concessions auprès de la France. Monopolisation du processus de négociations pour éviter la fragmentation du mouvement nationaliste, le FLN a délibérément cherché à exclure ou à marginaliser les courants dissidents et rivaux. En imposant une image d'unité, il s'est assuré de conserver le monopole sur la représentation politique, garantissant ainsi une continuité entre la lutte armée et la future gouvernance de l'Algérie. Recherche d'un compromis tactique sans compromettre l'objectif d'indépendance. Conscient de l'épuisement de la France et des pressions internationales pour mettre fin au conflit, le FLN a accepté d'engager des négociations qui mettaient temporairement fin aux hostilités. Toutefois, ces compromis étaient calculés afin de préserver l'essence de la revendication principale : l'indépendance totale et la souveraineté de l'Algérie. Utilisation de la diplomatie internationale : Parallèlement aux négociations directes avec la France, le FLN a œuvré pour obtenir la reconnaissance et le soutien de la Communauté internationale. Cette stratégie visait à renforcer sa position dans les négociations en montrant que la lutte algérienne bénéficiait d'un soutien mondial, rendant toute solution de compromis moins acceptable pour un gouvernement français désireux d'éviter un isolement diplomatique. Fête de la Victoire : Symbole de la Résistance et de l'Indépendance : La Fête de la Victoire, célébrée le 19 mars, marque l'anniversaire du cessez-le-feu de 1962 qui a mis fin officiellement à la guerre d'Algérie, après la signature des Accords d'Évian. Cet événement est un tournant historique, signifiant la défaite du colonialisme français et la reconnaissance du droit du peuple algérien à disposer de lui-même. Une victoire totale du FLN : Après huit ans de guerre, l'Armée de Libération Nationale (ALN) et la diplomatie du FLN ont imposé la défaite à la France sur tous les fronts : -Militaire : malgré une guerre brutale, la France n'a jamais pu anéantir le FLN. -Politique : le peuple algérien est resté uni autour du FLN, rendant impossible toute solution alternative. -Diplomatique : le FLN a mobilisé l'ONU et le soutien des pays du tiers-monde, isolant la France. -Une date contestée : Si la France reconnaît cette date comme la fin de la guerre, en Algérie, le 5 juillet 1962, jour de l'indépendance, reste la véritable fête nationale. Certains considèrent que le 19 mars ne marque pas la fin des souffrances, car après le cessez-le-feu, les colons extrémistes de l'OAS ont intensifié leurs attentats et massacres contre les Algériens. La victoire de l'Algérie a précipité la chute de l'empire colonial français et inspiré d'autres mouvements de libération en Afrique, en Asie et en Amérique latine. L'Algérie indépendante est rapidement devenue un bastion des luttes anti-impérialistes, soutenant les mouvements révolutionnaires dans le monde entier. Un symbole de lutte et de dignité Aujourd'hui, la Fête de la Victoire reste un hommage au sacrifice du peuple algérien et un rappel de la nécessité de préserver l'indépendance, la souveraineté et l'Unité nationale. La victoire totale du FLN : un échec des plans de partition et de séparation du Sahara. La victoire militaire et politique du FLN face à la France a empêché toute tentative de partition de l'Algérie, notamment en ce qui concerne le Sahara algérien, riche en ressources stratégiques. Le projet français de séparation du Sahara Face à l'inéluctable indépendance de l'Algérie, la France tente de dissocier le Sahara du reste du pays pour en garder le contrôle. Plusieurs raisons expliquent cette stratégie : -Ressources naturelles : la découverte de pétrole et de gaz dans les années 1950 rend le Sahara vital pour l'économie française. -Présence militaire et essais nucléaires : la France utilise le Sahara pour ses tests nucléaires et veut maintenir une base stratégique en Afrique. -Plan de partition : De Gaulle envisage de créer un territoire saharien autonome sous influence française, excluant les populations du Nord. L'échec des manœuvres françaises grâce au FLN : Le FLN et l'ALN comprennent rapidement l'enjeu du Sahara et s'y implantent solidement : -Sur le plan militaire : l'ALN mène des opérations de guérilla dans le Sud. -Sur le plan diplomatique : le FLN mobilise l'ONU et les pays du tiers-monde pour affirmer que l'Algérie est une seule et même nation, du Nord au Sahara. -Sur le plan politique : l'engagement des populations sahariennes aux côtés du FLN prouve que le Sahara est algérien et non un territoire à part. -Les Accords d'Évian : Lors des négociations, le FLN impose à la France l'abandon de son projet de séparation du Sahara. Les Accords d'Évian (1962) reconnaissent l'unité du territoire algérien et garantissent que le Sahara fait partie intégrante de l'Algérie indépendante. Conséquences : une victoire stratégique pour l'Algérie. L'Algérie récupère l'ensemble de son territoire, y compris ses immenses richesses naturelles. Le Sahara devient un pilier du développement national, notamment grâce aux hydrocarbures. L'échec du plan français renforce la position de l'Algérie comme leader du non-alignement et du panafricanisme. La victoire totale du FLN a non seulement abouti à l'indépendance, mais a aussi fait échouer les derniers plans coloniaux français visant à diviser le pays. Le Sahara algérien est resté une partie intégrante de la nation, ce qui a permis à l'Algérie de préserver sa souveraineté économique et politique sur ses ressources stratégiques. L'Algérie a joué un rôle central dans le processus de décolonisation en Afrique et au-delà. L'impact du FLN sur la politique française en Afrique Le FLN, par sa résistance militaire et diplomatique, a forcé la France à revoir toute sa politique coloniale. De Gaulle, en comprenant que l'Algérie était perdue, a accéléré l'indépendance des autres colonies africaines pour éviter d'autres guerres d'indépendance et concentrer son effort sur l'Algérie. Dès 1960, sous la pression, la France accorde l'indépendance à 14 États africains (Sénégal, Mali, Côte d'Ivoire, Cameroun, Tchad Niger, Sénégal etc.), mais en maintenant une influence via le néocolonialisme (Françafrique). L'Algérie, en tenant tête militairement et politiquement, a donc précipité la chute de l'empire colonial français. L'Algérie indépendante, bastion des mouvements de libération Dès 1962, sous Ben Bella, l'Algérie devient une plateforme révolutionnaire mondiale : -Afrique : soutien logistique et diplomatique aux mouvements de libération, notamment l'ANC de Mandela (Afrique du Sud), le MPLA (Angola), le PAIGC (Guinée-Bissau), le FRELIMO (Mozambique). Asie : appui aux Vietnamiens contre l'impérialisme américain. -Amérique latine : liens avec les révolutionnaires cubains et les guérillas en Bolivie et en Colombie. -Palestine : soutien actif à l'OLP et aux résistants palestiniens dès les années 1960. L'Algérie, leader du tiers-monde et du non-alignement Grâce à sa victoire contre le colonialisme, l'Algérie s'impose comme un leader du Mouvement des Non-Alignés, défendant l'indépendance des peuples face aux blocs Est-Ouest. La victoire politique du FLN face à la France ne s'est pas construite uniquement sur la diplomatie et le combat idéologique. Elle a été rendue possible et légitimée par la lutte armée menée par l'Armée de Libération Nationale (ALN), qui a imposé un rapport de force favorable aux négociations. L'ALN : un instrument de pression incontournable Dès le 1er Novembre 1954, le FLN adopte une stratégie politico-militaire fondée sur une double approche : La lutte armée, menée par l'ALN, pour affaiblir l'occupation française. L'action politique et diplomatique, pour obtenir le soutien international et isoler la France. Les victoires militaires de l'ALN sur le terrain ont renforcé la position du FLN, prouvant que la France ne pouvait pas écraser la Révolution par la seule force. Les grandes batailles et la stratégie militaire de l'ALN. Malgré un rapport de force inégal, l'ALN a su s'adapter et imposer une guerre d'usure à l'armée française : 1955-1957 : Intensification des combats Attaques coordonnées dans les Aurès, en Kabylie en Algérois, en Oranie et en France. -Bataille d'Alger (1957) : l'ALN réussit à porter la guerre au cœur de la capitale, malgré la répression brutale. -1958-1960 : Une guerre qui s'internationalise. L'ALN établit des bases en Tunisie et au Maroc, multipliant les incursions en Algérie. -Bataille des frontières (1958) : bien que la France utilise la ligne Morice pour tenter d'encercler l'ALN, la guérilla persiste. 1960-1962 : Une guerre ingagnable pour la France L'ALN maintient la pression sur les forces françaises malgré la puissance de feu adverse. La résistance interne s'intensifie, avec les manifestations de Décembre 1960, où le peuple algérien exprime massivement son soutien au FLN. Une victoire militaire transformée en victoire politique. Grâce à la ténacité de l'ALN, la France comprend qu'elle ne pourra jamais gagner cette guerre. Cela force De Gaulle à engager des négociations avec le FLN, qui apparaît comme l'unique représentant légitime du peuple algérien. Les Accords d'Évian (1962) sont donc le résultat direct des sacrifices de l'ALN : sans la lutte armée, la France aurait pu imposer une fausse indépendance ou une solution politique manipulée. L'héritage de la victoire de l'ALN La guerre d'indépendance algérienne devient un modèle pour les mouvements de libération en Afrique, en Asie et en Amérique latine. L'ALN se transforme en Armée Nationale Populaire (ANP), gardienne de la souveraineté de l'Algérie indépendante. La victoire du FLN et de l'ALN prouve que la colonisation ne peut être vaincue que par une combinaison de lutte armée et de résistance politique. La victoire du FLN n'aurait pas été possible sans les armes de l'ALN. C'est la guerre de Libération nationale qui a donné au FLN sa légitimité et son poids sur la scène internationale. Sans la résistance militaire, il n'y aurait pas eu de victoire politique ni d'indépendance totale. Les pourparlers d'Évian ont été menés par la délégation algérienne du GPRA, qui disposait de pleins pouvoirs pour négocier l'indépendance. Parmi ces personnalités de premier plan, on peut citer : Krim Belkacem : Vice-président du GPRA, figure emblématique qui a joué un rôle central dans la négociation et dans la signature des accords. Saâd Dahlab : Un autre leader politique influent du mouvement indépendantiste. Benmostefa Benaouda et Lakhdar Bentobal : Qui, avec d'autres responsables comme Taïeb Boulahrouf, Mohamed Seddik Benyahia, Seghir Mostefaï, Redha Malek, M'Hamed Yazid, Ahmed Boumendjel, Ahmed Francis, et Kaid Ahmed, formaient un ensemble uni et investi des pleins pouvoirs du GPRA. Ces hommes représentaient la voix légitime du peuple algérien dans les négociations. En revanche, la délégation française, dirigée par Louis Joxe et ses collaborateurs, opérait sous le contrôle direct du général de Gaulle, ce qui souligne le contraste entre la pleine autonomie de la partie algérienne et la centralisation de l'action française. La Déclaration du 1er Novembre 1954 appelait clairement à l'indépendance totale de l'Algérie et à la fin du système colonial français. À travers cette proclamation, le Front de Libération Nationale (FLN) affirmait son objectif de restaurer un État souverain, en rejetant toute forme d'intégration ou d'association avec la France. Après près de huit ans de guerre, cet objectif a été atteint avec la signature des Accords d'Évian le 18 mars 1962 et l'indépendance officielle de l'Algérie le 5 juillet 1962. Cette victoire a été obtenue grâce à une lutte politique et militaire acharnée, soutenue par une mobilisation populaire massive et une reconnaissance internationale croissante du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. |
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