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Une Algérie qui s'affirme

par Mustapha Aggoun

Depuis son indépendance en 1962, l'Algérie s'est construite sur un principe non négociable : la souveraineté n'est pas un slogan, c'est une réalité politique. Contrairement au Maroc, dont Paris n'a jamais cessé d'influencer la trajectoire, Alger a toujours refusé une relation asymétrique avec l'ancienne puissance coloniale.

Ce refus d'une quelconque subordination n'a fait que se renforcer sous la présidence d'Abdelmadjid Tebboune, affirmant une Algérie sûre d'elle-même, consciente de son poids stratégique et déterminée à imposer un rapport d'égal à égal. Une posture qui dérange la France, encore prisonnière du complexe algérien, ce même complexe qui la pousse à considérer son ancienne colonie comme une anomalie dans son pré carré postcolonial. Paris a su maintenir un Maroc sous influence, le traitant presque comme un néo-protectorat où l'interaction avec la monarchie s'inscrit dans une logique de dépendance. Mais l'Algérie, elle, n'a jamais accepté cette dynamique. La France ne sait pas comment gérer une ex-colonie qui ne demande ni aide, ni validation, ni compromis sur sa dignité. Ce refus de l'alignement heurte profondément la diplomatie française, habituée à des rapports de force où l'ancienne métropole garde un ascendant implicite.

L'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir a laissé croire un temps à une nouvelle ère dans les relations franco-algériennes. Mais très vite, l'illusion s'est dissipée. Tiraillé entre un discours de réconciliation mémorielle et une gestion politicienne à courte vue, Macron a progressivement cédé à la pression d'une extrême droite qui n'est plus une simple mouvance d'opposition, mais bien une force structurante de la politique française. Désormais, la crise avec l'Algérie n'est plus un simple dossier diplomatique, c'est un levier politique pour galvaniser une opinion publique en plein désarroi. Face à l'échec de sa politique intérieure, à la contestation sociale et à l'affaissement de son autorité, Macron a vu dans l'Algérie une brèche exploitable, un exutoire commode pour détourner l'attention.

Dans cette logique, la tension avec Alger n'est plus un accident diplomatique, mais une stratégie délibérée, instrumentalisée pour détourner le regard d'un pays en crise. Mais c'est un pari risqué, car en face, l'Algérie n'est ni vulnérable ni isolée. Elle avance selon ses propres intérêts, consolide son rôle central en Afrique et dans le bassin méditerranéen, et impose sa ligne avec une assurance qui contraste avec la fébrilité française.

Dans cette confrontation, la France ne fait que s'enliser. Incapable de se départir de son passé colonial, elle refuse d'admettre que l'Algérie n'est plus ce pays fragile de l'après-indépendance, mais une puissance régionale qui négocie avec les grandes nations d'égal à égal. Macron, pris au piège de ses propres contradictions, croyait peut-être pouvoir jouer avec la relation franco-algérienne comme un simple levier politique interne, mais il se heurte à une réalité implacable : l'Algérie ne cède pas aux pressions, elle ne se laisse pas instrumentaliser et elle ne cherche pas la reconnaissance, elle l'impose par sa politique et sa constance. La France d'aujourd'hui, prise dans ses tourments identitaires et sa déroute économique, tente de se rassurer en rejouant le vieux refrain du conflit algérien. Mais la France de Macron, marquée par la montée de l'extrême droite et l'érosion de son influence internationale, ne peut plus dicter ses conditions comme autrefois. Dans ce duel, l'Algérie avance avec assurance, tandis que la France vacille, incapable de comprendre que le temps des relations déséquilibrées est définitivement révolu.