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Une actualité qui interpelle la mémoire

par Abdelkrim Zerzouri

Encore un pli qui vient renforcer le dossier de la criminalisation du colonialisme qu'on s'apprête à ouvrir à l'APN et dans l'enceinte de l'UA. Torture, assassinats ciblés et assassinats de masses, explosions nucléaires, dégâts des mines anti personnels,…, aux crimes abjects commis par l'armée coloniale en Algérie, connus et répertoriés par les historiens, vient s'ajouter l'utilisation des armes chimiques pendant la Guerre de libération nationale. C'est un historien français, Christophe Lafaye, qui a dénoncé le recours de la France aux armes chimiques pendant la Guerre de libération nationale, affirmant avoir réussi à identifier « 450 opérations militaires » ayant eu recours à ces armes durant la période 1957-1959. Interviewé par le site d'information actu.fr, l'historien affirme que malgré les contraintes qu'il a rencontrées dans son travail, l'utilisation des armes chimiques par l'armée française a été retracée d'une manière assez précise. Mais « le tableau demande à être complété par l'ouverture d'archives encore aujourd'hui classées », a-t-il souligné. Quelles horreurs peuvent bien contenir ces archives qu'on cherche à garder dans des coins noirs ? Comme pour les explosions nucléaires, qui font obligation à la France de déterminer clairement les zones en question avant de procéder à leur décontamination, le recours aux armes chimiques exige de même une localisation des lieux où ces armes ont été utilisées afin d'évaluer et identifier les victimes de ces opérations monstrueuses, ainsi que la possibilité d'étudier les retombées dans les lieux en question. Selon l'historien, l'utilisation des armes chimiques a eu lieu dans les zones montagneuses en Haute-Kabylie et dans les Aurès, d'après le peu de documents consultés, et il faut bien croire que le recours à ces armes de l'horreur a touché plusieurs autres régions du pays.

Un voile est levé sur cette énième ignominie du colonialisme, qui ne manquera pas de livrer tous ses secrets maintenant qu'on tient le bout de l'histoire. Bien sûr, la poursuite de ce travail ne sera pas de toute aise. Déjà, on tente de mettre la chape de plomb sur ce dossier, comme en témoigne la déprogrammation de l'antenne de France 5 d'un documentaire inédit révélant, justement, l'utilisation d'armes chimiques par la France en Algérie. Programmée le 16 mars, ce documentaire a été retiré sous de fallacieux arguments et sans nouvelle date de diffusion.

L'historien Christophe Lafaye affirme dans ce contexte qu'il a pu à ce stade de l'enquête retrouver certaines décisions politiques qui impliquent les hauts responsables du gouvernement. « C'est le ministre Maurice Bourgès-Maunoury qui a signé l'autorisation d'utilisation des armes chimiques. La 4e République puis la 5e République ont totalement assumé, ordonné et organisé la conduite d'une guerre chimique » en Algérie, a-t-il soutenu. La responsabilité de l'Etat colonial français est clairement identifiée. Il ne s'agit pas de crimes qu'on peut coller à quelques responsables zélés. En parallèle à ces révélations, les restes d'un martyr de la Guerre de libération nationale sont venus revivifier une mémoire douloureuse du fond d'une grotte dans une montagne dans la commune de Chigara (Mila). Un témoignage poignant de la résistance des héros d'un peuple qui ne s'est jamais rendu à l'ennemi malgré toutes les atrocités qu'on lui a fait subir.

Et dire que de l'autre côté, du côté de ceux qui doivent faire profil bas devant ces crimes odieux commis contre les Algériens durant la période coloniale, le ton est à l'injure contre l'Algérie ! 63 ans après l'indépendance du pays, la rancœur est encore vivace dans les cœurs de certaines franges de la société française, qui continuent à nourrir la haine d'hier, alors même que les crimes commis par le colonialisme remontent en même temps à la surface avec des arguments massues pour rendre justice aux victimes.