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L'empire, c'est d'abord le territoire

par Sid Lakhdar Boumediene

Un empire, dans sa définition la plus courante, est la domination d'un chef d'État (nom moderne) qui place sous son autorité des États ou des groupements d'État. A cette suzeraineté la plus haute on attribue le nom d'empereur. Or, pour mettre en inféodation ces autres Etats, il a fallu les conquérir, les acheter (cela est souvent le fait en histoire) ou les échanger. Ainsi la notion de territoire est consubstantielle à l'empire. Parmi les exemples connus, le traité de Tordesillas en 1494 qui partage le monde en deux parties entre les Espagnols et les Portugais. La crise de Fachoda en 1898 qui oppose les puissances impériales britanniques et françaises et qui a conduit à la Conférence de Berlin qui fixera les règles économiques d'expansion européenne en Afrique. Et nous pourrions en citer tellement d'autres. Un empire se construit donc par une inféodation politique et économique. La croissance de l'empire ne peut alors se concevoir que par l'expansion territoriale. Le territoire est l'enjeu fondamental des empires. On avait cru en 1945 que les rapports de domination et de guerre entre les grands empires du XIXème siècle laissaient place à des accords pacifiés entre des Etats-nations et que les frontières étaient définitivement définies. C'était dès le départ une illusion fondée sur un mensonge car cette date supposée de la fin des empires a été le fait d'un partage des territoires d'une grande partie du monde par des empires réunis à Yalta. Puis on met souvent en silence que les colonisations, un état de fait qui valide l'existence des empires par l'élargissement de leurs territoires, ne se sont arrêtés, même si ce n'est pas d'une manière totale, que bien plus tard. On oublie également qu'une autre dimension territoriale des empires, soit les zones d'hégémonie économique, a non seulement perduré mais s'est amplifiée avec les nouvelles données technologiques et des moyens de communication. Le retour annoncé des empires dans leur dimension territoriale est impressionnant autant qu'inattendu. La règle de la taille revient pour nous rappeler que la souveraineté ne survit que pour ceux qui ont les territoires les plus importants, source de la véritable puissance. Les plus gros vassalisent politiquement et économiquement les plus petits et maintenant, ils veulent engloutir leurs territoires. Comme dans la nature, les plus gros finissent par s'affronter entre eux pour se disputer une partie du territoire de chacun. Pour paraphraser une célèbre phrase d'un président de la République à la tribune du Parlement européen, nous dirons que « Les empires, c'est la guerre »!