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![]() ![]() ![]() ![]() Il fut un
temps où les nations, même fragiles, avaient encore l'orgueil de la
souveraineté. Un temps où l'on négociait, où l'on discutait, où l'on pesait
encore, fût-ce d'un poids plume, dans la balance des intérêts mondiaux. Mais
voici venu l'âge où certaines capitales ne font plus que parapher des décisions
prises ailleurs, dans le silence pesant de leur effacement diplomatique.
L'Irak, ce pays martyr, n'a plus même le droit de décider d'où viendra l'électricité qui éclaire ses nuits sombres. Washington, dans un geste, à la fois brutal et révélateur, a décidé d'éteindre l'interrupteur. Depuis des années, l'Irak était contraint de mendier auprès des États-Unis une simple dérogation pour acheter son énergie à son voisin iranien, pourtant naturel et logique fournisseur. Une autorisation, un délai, un sursis et puis plus rien. Trump a tranché : les sanctions contre l'Iran l'emportent sur les besoins élémentaires du peuple irakien. Mais le plus tragique n'est pas l'embargo en lui-même ; il est dans le fait que Bagdad n'ait même pas été consultée, pas même sollicitée dans cette décision qui touche à sa propre survie énergétique. L'Irak, réduit à un simple exécutant, n'existe plus sur l'échiquier diplomatique. L'Iran, lui, est au cœur des tourments, mais d'une autre manière. Toujours debout, toujours résilient, mais toujours sous sanction, sous pression, enfermé dans un siège économique et militaire implacable. Sa capacité de projection diplomatique s'amenuise, ses alliés se raréfient, et le voilà peu à peu cerné, trahi parfois même par ceux qui, naguère, faisaient commerce avec lui dans le dos des grandes puissances. L'Iran n'est pas un pays soumis, mais il est un pays isolé, ce qui est souvent la première étape d'un étouffement diplomatique. Et puis, il y a le Maroc, cet allié zélé, trop empressé à répondre aux injonctions de ses bienfaiteurs. Quand Paris tousse, Rabat s'enrhume. Quand Washington ordonne, le Makhzen exécute. La soumission ici n'est pas subie ; elle est revendiquée, assumée, revendiquée comme un art de gouverner. Dans la dernière affaire qui l'oppose à l'Algérie, le Maroc ne prend même plus la peine de dissimuler qu'il n'agit pas de son propre chef. Il se fait relais, extension, instrument. L'affaire des manœuvres militaires n'est que la dernière illustration de ce rôle d'auxiliaire des ambitions étrangères. Car l'Algérie, elle, l'a bien compris. Ce n'est pas avec le Maroc qu'il faut discuter, mais avec son véritable maître d'orchestre. D'où cette saisine immédiate de la diplomatie française. Paris, qui n'a jamais digéré son éviction du Sahel, tente de réactiver d'anciennes méthodes : susciter les tensions régionales pour justifier son ingérence. Rabat, dans ce jeu, n'est qu'un pion, consentant, certes, mais un pion tout de même. Ce qui se joue ici, ce n'est pas seulement la soumission de certains États à des puissances plus grandes. C'est la disparition progressive de toute diplomatie autonome. L'effacement de la voix des nations au profit d'un alignement pur et simple, sans condition, sans nuances, sans débat. L'Irak qui se tait, l'Iran que l'on isole, le Maroc qui obéit. Trois visages d'un même phénomène : celui de pays qui, chacun à sa manière, perdent la capacité de dire « non ». L'histoire nous enseigne que lorsqu'un pays n'a plus de voix, il finit par ne plus avoir de destin. |
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