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Prendre les devants

par Abdelkrim Zerzouri

Le criquet pèlerin est la plus grande menace qui pèse sur l'agriculture saharienne, cet axe stratégique de la politique du gouvernement algérien pour assurer sa sécurité alimentaire. Certainement que les autorités ont pris en compte cet aspect de l'environnement saharien, et qu'elles engagent régulièrement des campagnes de lutte contre ces ravageurs qui peuvent consommer en une journée une quantité de nourriture équivalente à 35.000 personnes, mais cette lutte ne peut pas être efficace sans l'engagement des pays qui partagent des frontières dans ces vastes territoires désertiques. Car, les essaims de criquets pèlerins traversent les frontières à la recherche de nourriture, et si un pays ne fait rien pour se protéger contre ces ravageurs, c'est le voisin qui sera automatiquement menacé par l'invasion.

Ainsi, les comptes rendus médiatiques qui signalent, ces derniers jours, une invasion d'essaims de criquets pèlerins dans les villes du sud de la Libye, où un kilomètre carré peut contenir jusqu'à 80 millions de criquets adultes, laissent présager un désastre dans ces régions, et doivent sonner l'alerte en Algérie. Selon ces rapports, les régions méridionales de la Libye sont témoins d'une large propagation des essaims de criquets pèlerins, causant des dommages aux cultures agricoles et des dommages à la couverture végétale. À la suite d'une visite sur le terrain visant à évaluer l'étendue des dégâts causés par ce ravageur, le Centre libyen de recherche sur le désert et de développement des communautés a confirmé que les exploitations agricoles des régions méridionales sont confrontées à de graves défis en raison de la propagation des criquets pèlerins, qui constituent une grave menace pour les cultures agricoles et les pâturages. Le centre a expliqué que les régions méridionales «souffrent d'un grave manque de capacités et d'équipements pour lutter contre ce ravageur, car on compte sur des moyens limités tels que des voitures et de petits réservoirs de pulvérisation, qui ne sont pas suffisants pour faire face au grand nombre de criquets». Ce qui laisse les portes ouvertes au déplacement de ces essaims de criquets vers d'autres régions.

En Tunisie, des comptes rendus médiatiques ont prévenu que la menace d'un désastre agricole plane sur plusieurs sites si les efforts des gouvernements ne s'unissent pas pour éliminer les œufs pondus. Un reportage du journal espagnol El Pais compare la situation au passage d'un ouragan après la traversée des essaims de criquets pèlerins dans certains endroits en Libye, où les conflits politiques ne permettent pas d'engager une lutte sérieuse contre ce fléau transfrontalier. Un désastre environnemental frappe aux portes de plusieurs pays. Le dernier rapport de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture FAO, daté du 7 mars 2025, lance une alerte précoce à propos de groupes de criquets pèlerins adultes qui ont continué à s'accoupler entre In Guezzam et Tin Zaouatene près de la frontière entre le nord-ouest du Niger et le nord-est du Mali. Le même bulletin indique que plus au nord, des criquets pèlerins, isolés ou en groupes, ont été observés à l'ouest de Tamanrasset. Ainsi que dans d'autres régions du Sud algérien près de Djanet et de la frontière libyenne, dans les monts du Hoggar et près d'Illizi. La sonnette d'alarme est tirée.