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Un autre sommet... Le hic ?

par Mustapha Aggoun

Aujourd'hui 4 mars, Le Caire sera le théâtre d'un sommet arabe extraordinaire, une réunion de plus, une de ces rencontres diplomatiques qui se suivent et se ressemblent, où l'on vient avec de grandes déclarations et où l'on repart avec des promesses en suspens. Les salons du pouvoir seront remplis de dirigeants en costume sombre, de conseillers aux mines graves, de discours mille fois répétés, calibrés pour ne rien dire, pour éviter l'embarras, pour donner l'illusion que quelque chose se joue, alors que tout semble déjà décidé d'avance. Au centre des discussions, une question lancinante, lourde, insoluble : que faire de l'armement de la résistance palestinienne ? Faut-il en parler frontalement, au risque d'exposer des désaccords profonds ? Faut-il, au contraire, esquiver, contourner, chercher une formule creuse qui satisferait tout le monde sans ne rien régler ? La vérité, c'est que ce sommet est né d'une urgence tragique mais qu'il se tiendra sous le signe de l'impuissance. Parce que derrière les mots, il y a la peur. Peur d'une rue arabe en ébullition, qui voit dans la défense de la Palestine la dernière cause sacrée, la dernière ligne rouge à ne pas franchir. Peur des conséquences d'un soutien trop affiché à la résistance, qui pourrait provoquer des représailles économiques, diplomatiques, voire sécuritaires. Peur aussi des accusations de trahison, car jamais la fracture entre les peuples et leurs dirigeants n'a été aussi béante sur la question palestinienne.

Et dans cette mer d'incertitudes et d'ambiguïtés, un seul pays, un seul, assume sans détour sa position : l'Algérie. Seule contre tous, seule contre les pressions, seule à refuser cette normalisation rampante qui s'installe dans le monde arabe, seule à défendre ouvertement la cause palestinienne sans détours, sans compromis, sans faux-semblants. L'Algérie, qui n'a jamais courbé l'échine face aux diktats étrangers, qui ne cède ni aux menaces, ni aux promesses de gains économiques en échange d'un silence complice.

L'Algérie, qui regarde ce sommet avec lucidité, qui sait que derrière les déclarations de soutien à Ghaza, beaucoup ont déjà fait leur choix, que la normalisation avec Israël n'est plus un tabou pour nombre de pays arabes, que certains, en coulisses, murmurent même que la résistance palestinienne est un obstacle à la stabilité régionale. L'Algérie, qui refuse cette hypocrisie, qui rappelle que la Palestine n'est pas une question de circonstances, mais une question de principe.

Et pourtant, ce sommet tentera de faire comme si tout cela n'existait pas, comme si l'évidence ne sautait pas aux yeux. On parlera reconstruction de Ghaza sans parler de ceux qui l'ont détruite. On évoquera la nécessité d'un retour à la stabilité sans mentionner que cette stabilité, pour beaucoup de Palestiniens, passe par la capacité à se défendre. On prononcera de grandes phrases sur la solidarité arabe sans aborder le fait que cette solidarité s'effrite, que l'unité n'est plus qu'un lointain souvenir, que certains préfèrent des accords discrets avec Israël à un soutien bruyant à la cause palestinienne.

On adoptera un communiqué final, comme toujours, un texte consensuel, vague, fait pour être oublié dès qu'il sera publié. Et pendant ce temps, à Ghaza, les immeubles en ruine témoigneront de ce que vaut réellement cette solidarité de façade. Les hôpitaux débordés, les familles endeuillées, les enfants traumatisés sauront que derrière les mots du sommet du Caire, il n'y avait rien, sinon du vide. Parce que ce sommet, comme tant d'autres avant lui, ne changera rien. Parce qu'il y a longtemps que les décisions ne se prennent plus dans les réunions officielles, mais dans l'ombre des grandes puissances. Parce que les dirigeants arabes, pour la plupart, sont condamnés à l'inaction, pris entre des intérêts contradictoires, incapables de se positionner autrement que dans la prudence et l'attentisme.

Et c'est là que réside la tragédie. Car la Palestine, elle, n'a pas le luxe de l'attente. Elle ne peut pas se permettre des sommets stériles, des discussions sans fin, des communiqués fades qui ne changent rien à son quotidien. Elle est là, sous les bombes, sous le blocus, sous l'occupation, et elle attend. Elle attend une position claire, un engagement ferme, un soutien réel. Elle attend que les mots deviennent enfin des actes. Mais elle sait déjà que ce 4 mars, au Caire, il n'y aura rien de tout cela. Il y aura des discours, des poignées de main, des conciliabules feutrés. Et puis, une fois la réunion terminée, chacun reprendra son avion, retournera à ses affaires, tandis que Ghaza, elle, continuera de s'effondrer sous le poids du silence et de l'indifférence.