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Le culot des suppôts de la haine

par El Yazid Dib

Devant les impasses internes d'une politique huée presque par toutes les classes sociales ; la France tient à brandir, comme une échappatoire, le spectre effarant d'une immigration devenue, croit-elle, brutalement dangereuse. De surcroît lorsque celle-ci vise essentiellement la frange algérienne.

Le déficit de légitimité d'un gouvernement érigé à moitié mort, l'excès fiscal d'un budget à contre-courant de la petite gens, le chômage galopant, l'aigreur des gilets jaunes, les procès d'inceste, la perte d'audience internationale, les suicides successifs, la mal-vie ont fait qu'il faudrait cacher tout ça et braquer l'attention sur un épouvantail qui n'a pas lieu d'être.

Alors que le peuple français ami regarde avec inquiétude son quotidien, son gouvernement adopte un mode opératoire estampillé clairement d'une signature de la pire extrême droite. Il n'y a plus de «macronie», quasi centriste, il n'y a que le Rassemblement national sous différentes étiquettes. Le «Lepénisme» a ainsi investi les têtes qui jouent à l'alarmisme migratoire, tant à l'Elysée qu'à Matignon ou au Quai d'Orsay.

L'Algérie est devenue l'affaire idéale qui peut cacher les vraies affaires que vivent dans leur chair les citoyens français honnêtes. A défaut de pouvoir juguler les anicroches qui obstruent l'épanouissement de ce peuple, les suppôts, en charge de l'exécutif, ne trouvent que des faux-fuyants, des détournements de regards pour cibler l'un des sujets les plus prisés et usités dans la malversation communicative ; à savoir l'immigration et/ou l'insécurité.

Ils savent que c'est un créneau porteur. Apte à conquérir ceux qui cultivent la haine ou en mal d'inspiration pacifique. Néanmoins, l'Algérie, pour la France n'est pas n'importe quel pays. L'histoire qui les lie est longue, pénible, terrifiante, chacun dans un rôle différent, n'est pas prête à s'oublier. Inutile de rappeler que c'est un pays souverain qui a arraché son indépendance au prix de suprêmes sacrifices.

La tête de veau de l'Europe et des affaires étrangères ou le visage rachitique de l'intérieur excite de jour en jour l'escalade d'une propagande qui ne réussira pas. Dans le même sillage, le chef de la primature se trouve mollement entraîné et ne sait quoi décider. Son gouvernement est dispatché entre l'obstination et la flexibilité diplomatique.

C'est leur dire que le meilleur «rapport de force» hypothétique à imposer n'est ni la suppression des visas qui sont déjà chiches, ni la dénonciation de l'accord de 1968, qui d'ailleurs ne rime à rien, ni la cessation des supposées subventions, ni l'arrêt des échanges commerciaux, mais l'essai d'une conquête à l'instar de celle de 1830. Ils savent qu'ils n'ont plus de général de Gaulle et qu'en face, il y a des milliers de Benboulaïd et de Amirouche. Leurs larbins locaux, progéniture postérieure de la promotion Lacoste, ne pèsent pas trop. Ils ne pourront jamais le faire. Le fellaga d'hier est devenu un officier professionnel, l'indigène un ingénieur, un médecin, un informaticien, un stratège.

L'Algérie et encore l'Algérie, cet alibi de toujours, ce pays qui est resté en travers de la gorge d'une caste politicienne en manque d'assumer ses tares. Cette nostalgérie qui tend à exhumer les relents fétides d'une guerre perdue reste la carte idéale pour supplanter les vrais problèmes. Un paravent, un cache-poussière. Éviter la surenchère, les provocations, ne pas exacerber l'animosité, c'est un peu aller vers l'apaisement par une diplomatie mature et responsable.