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![]() ![]() ![]() ![]() Le ramadan
se présente sans grand fracas. Il arrive cette année sans tambour battant et il
passera aussi vite comme ceux qui l'ont précédé. Sans doute avec une
pondération et une circonspection assurément plus fortes chez les croyants
forts de l'apprentissage de la retenue et probablement avec, chez de nombreux
d'entre eux, une hauteur de vue sur une existence qu'ils ont fini par mieux
encadrer.
Avec les lourds impondérables du temps, dans une ère où tout est chamboulé, la fixation sur le couffin et sur la table a changé de direction pour accorder au sens de la mesure et de la sagesse une certaine noblesse quand à la limite d'un individualisme presque honteux, le croyant découvre en lui un égoïsme malgré tout humain. En jeûnant, il s'oblige alors à garder ses pieds sur terre, et il détourne ses yeux des étalages des marchés pour les orienter vers le ciel, heureux et coupable en même temps de savoir que dans un monde torturé, il s'en tire on ne peut mieux. Pêle-mêle, il s'accommode du confort relatif que lui procure la providence quand son esprit endosse chaque matin et chaque jour les calvaires insoutenables de milliers de ses semblables, martyrisés par le sort et par la folie humaine. Des millions d'êtres dans plusieurs contrées du monde dorment à cieux découverts faute de toits. L'errance et la pauvreté sont leurs seuls attributs. Des millions d'autres meurent de soif et de faim et ont depuis longtemps des ramadans particuliers toute l'année. Ceux-là maîtrisent le vrai sens d'une gorgée d'eau et d'un bout de pain. Jeûner curieusement procure une immense satisfaction à s'enrichir d'un humanisme et d'une dignité lorsqu'on l'en parvient à se rendre compte de sa faiblesse et de sa vulnérabilité. Le ramadan sacré a plus qu'une dimension religieuse. Il offre la latitude et la bénéfique recommandation de convoquer le soi pour que l'homme plus que s'appliquer sur son devoir de foi, quantifie aussi sa représentation. Il permet d'être le grand juge de soi. |
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