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Nous savons
tous que les expressions ou qualificatifs varient à travers le temps par
mouvements culturels, générationnels et par toutes autres influences.
J'ai connu plusieurs variations où tout d'un coup certaines apparaissaient puis disparaissaient dans l'usage collectif. Pour exemple, nous avons eu les périodes «voilà !», «c'est clair !», «le narratif» pour le discours des hommes politiques, «résiliant» pour un peuple, «concupiscence» et ainsi de suite. Il suffit de l'entendre une fois dans la bouche d'un journaliste ou d'un commentateur et voilà soudainement que vous vous apercevez que tout le monde s'y était mis sans que vous l'ayez remarqué dès le début. Tous existent depuis toujours dans les dictionnaires, les écrits et le langage, bien entendu, mais apparaissent d'une manière plus massive, plus généralisée et constante à un moment puis reviennent dans un usage plus banal. Et il y en a même, en ce qui concerne l'Algérie, pour lesquels on vous répond que c'est de longue date et que vous deviez être sur une autre planète. Pourtant, si j'étais loin de l'Algérie, je n'étais pas aussi loin tout de même. Je peux affirmer qu'ils ne se disaient pas il y a encore peu d'années. Parmi eux il y en a un que je viens de découvrir dans la bouche des jeunes Algériens. Je veux dire dans son usage particulier et non pas dans son existence. Au repas d'un mariage, le marié est cordialement passé derrière tout le monde pour leur demander comment ils allaient et s'ils appréciaient le repas. Arrivé à mon tour, il me dit: «Tout va bien, tonton» ? La mariée était la nièce de mon épouse, ce qui rendait encore plus étrange ce qualificatif. En fait, il y a deux ou trois ans, un jeune Algérien m'avait dit «Merci tonton» ! J'avais pris cela comme une marque sympathique d'humour. Puis une autre fois et encore une autre fois. J'étais devenu un tonton Amish avec dix épouses et quarante neveux. Sans que personne ne m'en donne l'explication, je ne suis pas aussi abruti pour ne pas conclure qu'il s'agissait d'un usage récent pour signifier un respect à une personne plus âgée. C'est une découverte pour moi mais il y a tellement d'autres choses dont je ne suis plus au courant. Mes chers lecteurs, je l'ai échappé belle car si l'usage n'avait pas changé, les jeunes m'appelleraient «Cheikh» ! ou «Hadj» ! Le mot respectueux était traduit en arabe par Khali et en français par tonton. Mais je n'avais jamais entendu dire tonton en français lorsqu'il ne s'agissait pas du véritable oncle. Voilà ce que sont les usages collectifs, ils sont la preuve que les langues sont vivantes et donc par définition ne se figent pas dans des expressions et qualificatifs immuables. Ils sont toujours présents mais se réveillent soudain pour prendre le pouvoir langagier avec inévitablement d'autres qui viendront ensuite les remettre dans l'ombre du quotidien. Et Alors, mes chers lecteurs, vu le respect que vous devez à mon âge et par ma très grande modestie, je vous autorise à me dire « Maître » au lieu de tonton. Je sais rester simple. |
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