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Une indifférence cruelle

par Mustapha Aggoun

C'est avec une tristesse accablante, presque écrasante, que l'on constate la lente banalisation du génocide en cours à Ghaza. Chaque jour, la lumière s'éteint pour des milliers d'innocents, mais le monde, lui, semble s'habituer, se distraire, oublier. Les médias du monde entier en parlent comme d'un fait divers, un simple paragraphe au milieu des actualités sportives ou des nouveautés de la mode. Comme si ces vies arrachées, ces enfants brisés, ces familles effacées n'étaient rien de plus que des chiffres parmi d'autres. Et au milieu de ce chaos, les puissants d'un certain voisinage ouvrent grand leurs bras à des icônes du divertissement, organisant des soirées fastueuses où l'éclat des rires et des danses noie la douleur des voisins tout proches.

Dans les rues de Ghaza, les familles veillent sur leurs morts ; à quelques kilomètres à peine, on danse sous des feux d'artifice, dans des nuits de débauche et de luxe. C'est une scène cruelle, un contraste qui heurte l'âme. Les corps meurtris, les regards vides des survivants sont là, mais la musique à plein volume et les éclats de rire masquent les cris. Le monde continue de tourner, comme si tout allait bien. En Europe, la Coupe d'Europe de football poursuit son spectacle grandiose, et de même pour la Coupe d'Afrique ; des millions de spectateurs scandent des noms, acclamant les victoires et les déceptions de chaque match. Pendant ce temps, dans le même monde, d'autres tombent sous les bombes sans que personne ne prenne même la peine de regarder.

Les dirigeants arabes se rassemblent bien sûr, comme un acte de politesse, mais leurs voix sont faibles, leurs mots résonnent dans le vide. Ils supplient l'ONU, ils demandent poliment, comme des enfants en quête d'attention, que le massacre cesse. Mais le massacre ne cesse pas. Au contraire, il gagne du terrain dans l'indifférence totale, pendant que les mots de solidarité deviennent, eux aussi, des répétitions banales, des murmures qui finissent par se perdre dans l'air.

L'Ukraine, elle, a su mobiliser la terre entière, les discours se sont enflammés, les alliances se sont formées, les appels à l'aide ont traversé les frontières. Mais Ghaza… pour Ghaza, le monde détourne les yeux, comme si les vies palestiniennes étaient différentes, comme si elles comptaient moins, ou peut-être pas du tout. Depuis des décennies, ils meurent, ils souffrent, mais le monde choisit de ne pas voir, de ne pas s'indigner. Les Nations Unies s'enfoncent dans la passivité, s'embourbent dans des débats sans fin, laissant l'injustice s'enraciner plus profondément.

Chaque jour, les rues de Ghaza se teintent d'un rouge plus sombre, mais l'oubli s'installe, comme un voile de silence sur les souffrances de ce peuple abandonné. Combien de vies fauchées faudra-t-il pour que le monde se lève enfin ? Combien de cris étouffés, combien de mères arrachées à leurs enfants ? Ghaza saigne, Ghaza crie, mais le monde danse et se divertit. Il est insupportable de voir ce génocide s'inscrire dans la banalité des choses, de sentir que l'horreur se transforme en routine, que les injustices deviennent un bruit de fond, comme si l'innommable devenait supportable.