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Entre le feu et l'oubli

par Mustapha Aggoun

Ghaza est plongée dans une nuit qui semble infinie, où chaque matin, au lieu de se lever avec l'espoir du renouveau, n'apporte qu'un nouveau voile de cendres et de sang. C'est une terre enfermée dans les serres d'une violence implacable, un espace où la vie se résume à une lutte acharnée pour arracher un souffle de plus, pour préserver un battement de cœur de plus. Dans cette nuit sans fin, les voix des Ghazaouis s'éteignent sous les décombres, les cris des enfants se dissipent comme des murmures fauchés par la tempête. Chaque regard est une prière muette, une clameur désespérée que le monde n'entend plus, que le monde semble refuser de voir.

Sous un ciel enragé qui s'effondre sans répit, les Ghazaouis sont pris au piège d'un territoire exigu, cerné par des murs d'acier et de peur. Les explosions, incessantes et aveugles, sont devenues la sinistre mélodie de leur quotidien, un martèlement de mort qui broie tout sur son passage. Les rues autrefois grouillantes de vie ne sont plus que des ruines silencieuses, des labyrinthes hantés de poussière et de fragments de vie brisée. Partout, des familles errent, égarées, les yeux remplis de chagrin, les visages marqués d'une souffrance si ancienne qu'elle semble faire corps avec eux.

Dans cette prison à ciel ouvert, chaque Ghazaoui porte sa douleur comme un fardeau inévitable, un poids que l'indifférence du monde alourdit encore davantage. Les voix des dirigeants et des nations qui, autrefois, prônaient la paix et la justice sont aujourd'hui réduites au silence ou des simulacres d'actions de paix. La communauté internationale, autrefois éprise d'idéaux et de solidarité, détourne son regard, laisse Ghaza se consumer seule dans son malheur. Le monde arabe, ce monde lié par l'histoire et le sang, reste impuissant et muet. La fraternité, autrefois porteuse de promesses, s'est évaporée dans l'indifférence et le calcul, ne laissant qu'un silence aussi coupant qu'une lame, un abandon que rien ne saurait apaiser.

Sous l'ombre oppressante des tanks et le bourdonnement des drones, les Ghazaouis avancent, chaque pas une victoire contre la peur, chaque instant une preuve de leur résilience. Ils vivent sans répit, sous un ciel qui n'offre plus ni lumière ni espérance, mais qui crache, chaque jour, un malheur innommable. Les résolutions de paix, ces promesses à peine esquissées, se dissipent avant même d'avoir pris forme. Les Ghazaouis restent seuls face à une machine de guerre qui semble n'avoir pour dessein que de les effacer, de réduire en cendres leur existence, leur histoire, leur humanité même. Et comme une ombre perfide, cette violence empoisonne même les liens entre Palestiniens. Mahmoud Abbas, par ses accusations contre le Hamas, ravive des tensions qui creusent davantage encore les plaies d'un peuple déchiré. Là où la solidarité aurait dû cimenter les cœurs et fortifier les âmes, il ne reste que des regards chargés d'amertume, des blessures à vif, et un fossé toujours plus profond entre Ghaza et la Cisjordanie. Cette dernière qui, en dépit de sa coordination avec l'entité sioniste, vit à son tour les malheurs. Les Ghazaouis, face à cette fracture béante, se sentent trahis non seulement par le monde, mais aussi par ceux qui partagent leur terre et leur lutte. Abandonnés par ceux qui devraient être à leurs côtés, ils se retrouvent seuls, seuls face à un monde qui les oublie.

Les manifestations de soutien se sont évaporées, et la flamme de la solidarité s'est éteinte dans les replis de l'oubli. Chaque jour, le sentiment d'abandon les étreint davantage, tel un étau qui resserre sa prise, un rappel amer que leur existence semble dérisoire aux yeux d'un monde aveuglé par ses priorités. Ce n'est plus seulement une guerre de bombes et de missiles ; c'est une guerre contre l'essence même de l'âme des Ghazaouis, une tentative insidieuse de les rayer de l'histoire, de réduire leur voix à une plainte inaudible, un murmure perdu dans l'immensité d'une indifférence glaçante.

Et pourtant, malgré cette souffrance, malgré cette douleur qui les accable, les Ghazaouis continuent de lever les yeux vers un ciel qui n'est plus que le reflet de leur désolation. Ils observent, avec une amertume poignante, ce monde qui les a oubliés, qui a laissé leurs vies se consumer sous le poids de la violence et de la résignation. Ils ressentent, avec une douleur presque physique, l'injustice de voir leurs espoirs s'étioler sous le regard de ceux qui pourraient agir, mais choisissent de ne rien faire. Et dans cette nuit noire qui les enserre, un dernier espoir vacille, presque éteint, étouffé par les promesses non tenues, par des résolutions qui s'évaporent dans l'air saturé de poussière, de feu et de larmes.

La voix des Ghazaouis, faible mais résistante, est celle d'un peuple qui refuse de se taire, même lorsque tout semble perdu.