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Les «auteurs» du SILA

par El Yazid Dib

Je ne sais pas si écrire est une passion, une vocation, un métier ou une occasion. Personne, d'ailleurs n'en détient le monopole puisqu'il est permis à quiconque de s'installer devant un écran, mettre un clavier sous la main et voilà que des mots courent pour s'arranger, se triturer, se mettre en diapason et créer ainsi quelque chose.

Ces derniers temps, un phénomène est apparu laissant voir énormément d'auteurs et peu de lecteurs, beaucoup de maisons d'édition et très peu de librairies.

C'est surtout à l'approche du SILA, que tous les esprits épris d'écriture s'échauffent pour pondre de la poésie au roman à l'autobiographie, jusqu'à, par défaut d'inspiration, faire un livre de sa thèse ou de son mémoire. L'important est d'avoir une table de signature dans n'importe quel stand de la foire du livre. Et parfois y élire domicile tout le long de l'événement. La dédicace se fait entre copains et copines sous le clap des selfies et des grands sourires de réjouissance que l'on transfère instantanément sur l'un des réseaux. J'en suis sûr que c'est là un moment de grande extase, voire d'un accomplissement tant espéré et à mon tour d'être très heureux pour eux.

Cet engouement est principalement suscité par ces boîtes, érigées en maisons d'édition qui pullulent sur les réseaux sociaux, offrant aux désireux l'opportunité de publier leur «œuvre». C'est l'aubaine pour les nouveaux «écrivains». C'en est une autre pour ces boîtes de se faire payer au prorata du tirage, sans en assurer ni lecture, ni correction, ni publicité, ni promotion, ni distribution. Elles foisonnent sous des raisons sociales de «manchourat» un nom hybride suivi de «li nachr wa tawzi3». Ce sont en fait les auteurs du SILA ou les poètes du Facebook. Ça concerne en majorité, les produits en langue nationale (tant mieux) et les victimes heureuses ne sont que des jeunes que refusent les éditions ayant pignon sur le monde du livre.

Pour ce qui est de ces maisons virtuelles, l'affaire est juteuse. Mettre son logo, imprimer la quantité demandée et faire payer l'auteur, sans nulle autre initiative.

J'ai vu, dans ce sillage, une personne publier d'un seul coup sept «œuvres» allant des «khawater...» des récits personnels, des écrits épars, jusqu'à la poésie des amourettes en vers libres et que l'on ne trouvera jamais sur l'étal des libraires. Est-ce là, une autosatisfaction, un pari sur soi, un défi sur les autres ou un simple remplissage de CV?

Certains diront que cette inondation de production n'est pas le résultat d'une prouesse créative, elle serait due, en grosse partie, aux faveurs de l'intelligence artificielle. Ce qui, somme toute, n'est pas à écarter.

Si le talent y est, tout l'encouragement doit être porté à ces jeunes plumes, que l'univers de l'édition soit ouvert à tous, selon la mesure de l'art et de la compétence.