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Bon sang,
doit-on dire «tu» ou «vous» à une personne ? L'histoire nous fait souvent
hériter d'usages dont on se serait bien volontiers passé. Qui d'entre nous n'a
pas rencontré la grande hésitation entre le tutoiement et le vouvoiement ?
Qui vous autorise à me tutoyer ? Par cette seule remontrance on constate la présence du pluriel alors qu'elle est la plupart du temps adressée à une seule personne. Cette situation a été épargnée aux Algériens et c'est un bonheur car elle pose un tracas constant en langue française lorsqu'on discute avec une personne, essentiellement lorsqu'on l'aborde ou l'interpelle. Le souci est que nous sommes également francophones et que beaucoup d'Algériens résident en France. Comment savoir si le vouvoiement est à respecter ? Si les choses sont parfois évidentes, elles restent une difficulté dans bien d'autres circonstances. Vouvoyer ou tutoyer, quelle bizarrerie qui nous place dans un dilemme constant, tutoyer au risque de manque de respect ou vouvoyer au risque du ridicule. Tutoyer ses proches est si évident comme il n'est pas acceptable par la société envers une personne inconnue ou qui détient un statut hiérarchique supérieur par exemple. Ces cas trouvent une dérogation lorsque la personne vouvoyée donne l'autorisation de tutoiement. Il y a aussi des situations marginales et si stupides qu'on en arrive à penser que c'est une provocation, deux époux qui se vouvoient comme le firent les Chirac et le font certains autres par excentricité de ceux qui veulent rappeler la noblesse de leur descendance. Mais qui a inventé cette stupidité ? Il nous faut remonter à l'origine historique. Nos enseignants nous avaient appris que le début de cette affaire remonte à l'antiquité lors de la grande époque de l'empire romain. Pendant un moment de son histoire, deux frères ont partagé le pouvoir sur l'Empire romain, Flavius Honorius et Flavius Arcadius, tous les deux restant dans la mémoire historique comme les deux empereurs Flavius. Comme il ne fallait manquer de respect à aucun des deux, il était de coutume de s'adresser symboliquement aux deux même en l'absence de l'un. L'usage du pluriel ne disparaîtra plus jamais. Voilà pourquoi nous esssayons de nous dépêtrer pour savoir lequel des deux pronoms utiliser, singulier ou pluriel. Le vouvoiement est définitivement devenu une marque de respect. Bravo Rome pour cette incongruité qui nous pose tant de soucis ! La révolution française avait tenté de le faire disparaître par un décret interdisant la pratique du vouvoiement (les braves hommes !). La raison était évidente car il représentait la marque de féodalité à laquelle étaient soumis les citoyens par les nobles et autres puissants. Rien n'y a fait car l'usage était profond et, surtout, à la république se substituera plus tard un renouveau de la royauté et même la création d'un empire. Dans mon ancienne profession il y avait un reste de ce stupide dilemme. «Tu tutoies les étudiants ?» me disaient certains. Je leur répondais que si je vouvoyais des gamins de vingt ans que je côtoie tous les jours, ce serait la fin de tout. Et puis quoi encore ? Baiser la main du chef d'établissement en faisant une génuflexion ? Et si un jour je rentrais à la maison en disant «Comment allez-vous, ma chère épouse ?». Elle me répondrait certainement «comme une algéroise qui a eu la folie de vous épouser !». |
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