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L'âme de Ben M'hidi et la conscience de l'Elysée

par El Yazid Dib

Ce premier novembre, soixante-dixième anniversaire du déclenchement de la Révolution pour la Libération de l'Algérie, tient lui aussi à marquer autrement l'histoire. Le défilé militaire était grandiose, à la mesure de l'événement. Ce n'était pas une démonstration de forces mais de capacités de défense territoriale. Il y avait la quintessence de nos enfants en tenue d'une armée viscéralement nationale et populaire qui ont voulu honorer le serment fait aux aïeux. Il n'y avait ni régiment de légion étrangère, ni contingents d'autres horizons. Ce sont de dignes héritiers d'une glorieuse armée de libération. Une fusion sacro-sainte en un jour béni.

Macron a choisi cette occasion pour reconnaître solennellement que «Larbi Ben M'hidi, héros national pour l'Algérie et l'un des six dirigeants du FLN qui lancèrent l'insurrection du 1er Novembre 1954 a été assassiné par des militaires français placés sous le commandement du général Aussaresses». Il croit ainsi réchauffer un climat devenu glacial depuis longtemps. En lançant une embrassade royale par-là et un clin d'œil mémoriel par-ci, l'on dirait qu'il veut mettre sa nouvelle vision du Sahara occidental et Larbi Ben M'hidi dans la même pesée de reconnaissance. Il y a, cependant, une reconnaissance qui panse un tant soit peu les blessures atroces d'un peuple, et une autre, qui au contraire bafoue et dénie le droit d'être, d'un autre peuple.

Rien n'est étonnant quand une position corroborant un fait colonial émane d'une progéniture qui s'est nourrie de la même substance impérialiste.

Ya Si Macron ! Ces «militaires français» n'ont pas uniquement «assassiné» ce «héros national pour l'Algérie» et rebelle, fellaga, hors-la-loi pour la France, mais ont brisé, torturé, asservi, tout un peuple insurgé et tué tous ses vaillants combattants. Et puis, l'Algérie, libre, souveraine et indépendante n'a pas attendu une telle reconnaissance pour que son héros soit logé dans les honneurs que lui confère chaque mètre carré de cette noble terre. Il n'est pas un clandestin dans l'espace de l'histoire, ni un sans papiers dans une mémoire bafouée, il n'a pas besoin d'un OQTF pour qu'il puisse se reposer dans le plus prestigieux des sanctuaires. Le cœur de tout Algérien.

Que faut-il comprendre, en finalité de cet aveu palliatif, venu en ce jour mémorable? Une tentative de rapprochement, après une brouille politique qui n'avait pas lieu d'être ? Ou bien un commencement d'acte de volonté allant vers une vérité pénible à accepter ? C'est dire que gérer un pays au passé houleux, plein de colonialisme n'est pas une mince affaire devant l'appel strident de cette mémoire que l'on voudrait «apaiser» . Il faudrait d'abord apaiser les pulsions et les volte faces d'un présent mal géré. Ensuite, penser à ouvrir le registre aux multiples pages fâcheuses. L'histoire, peu importent ses travers, ses torts, ses controverses doit être assumée.

L'on sent que l'âme de Ben M'hidi, pas que, hante les parois de l'Elysée et dérange sa longue nuit coloniale.