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Contre la sécheresse et les inondations, optons pour la restauration écologique

par Ben Amara El Habib*

L'eau au centre des débats internationaux sur le climat

Voici des remarques reprises du site de l'ONU, couvrant la COP26 à Glasgow, «Les dirigeants de la coalition Eau et Climat, présents à la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP26), à Glasgow, ont lancé un appel urgent et uni en faveur d'une action intégrée pour l'eau et le climat, afin de remplacer l'approche actuelle, fragmentée et axée sur la crise».

«Le changement climatique exacerbe à la fois la pénurie d'eau et les risques liés à l'eau, car la hausse des températures perturbe le régime des précipitations et l'ensemble du cycle de l'eau».

«Dans la lutte contre le changement climatique, l'eau est le grand connecteur». Les comptes rendus de la COP26 ont mis l'accent sur la question de l'eau et son rapport au climat.

Les chercheurs slovaques ont initié une voie qui a fait des émules entre-temps, partout dans le monde, axée sur la conservation des l'eau et ses procédés.

Des programmes de revitalisation du paysage et de gestion intégrée des bassins versants peuvent se concrétiser en appliquant ces nouvelles conclusions: ainsi lorsque vous avez une chaîne de montagnes et une zone désertique derrière elle, vous réalisez une technique de conservation de l'eau de pluie suffisamment bonne pour en capturer une partie : que se passe-t-il? L'eau est captée, elle s'évapore, elle crée un nuage local qui ombrage la zone locale, elle refroidit la zone, et crée la possibilité que la pluie vienne de plus en plus vers l'intérieur des terres, et vous pouvez transformer le désert ou le semi-désert en zone verte.

La solution au sein des grands barrages n'est pas durable, et sont coûteux : il est temps de commencer à construire les écosystèmes et à restaurer le petit cycle de l'eau. Les barrages de l'avis des spécialistes sont le siège de dépôt des sédiments des crues érosives des terres agricoles. En comprenant le cycle de l'eau et en régénérant les paysages, nous pouvons réhydrater et rafraîchir naturellement notre climat, exploiter le cycle de l'eau pour refroidir le climat changeant.

Ces programmes de conservations des eaux, de protection anti-crues réalisée en amont de chaque fil d'eau, évitant l'érosion et les ravinements, des plantations de l'eau avant les arbres par des noues, ou fossés perpendiculaires au sens des ruissellements.

Les arbres permettent la modération de la température et la réduction de la poussière atmosphérique; ils abaissent l'albédo, fournissent de l'ombre et favorisent l'infiltration et la redistribution hydraulique. Les arbres favorisent l'évapotranspiration, libèrent des aérosols et des particules, et augmentent la densité de vapeur d'eau atmosphérique, favorisant ainsi les pluies. La pluie suit la pluie, la pluie suit la végétation, suivez ces instructions vous transformerez des déserts en savanes. Principe de base, retenez l'eau là où elle tombe pour éviter le déluge.

Un proverbe chinois : Quand est-ce que c'est le meilleur moment pour planter un arbre? Réponse : il y a 20 ans. Et le deuxième moment meilleur : maintenant.

La diminution du processus d'érosion hydrique au niveau des bassins versants réduit le processus de dégradation du couvert végétal et est le moyen le plus efficaces et le plus durable dans la lutte contre la dégradation des sols. Comment ? Il faut s'investir et investir plus dans : le reverdissement des bassins versants par la plantation d'arbres et d'arbustes; la régénération des vieilles forêts; la défense contre les incendies; le recours aux techniques de conservation de l'eau et du sol; la sensibilisation des populations des dangers qui menacent les générations futures, suite à la dégradation du support de vie «le sol».

C'est en suivant toutes ces actions qu'on peut garantir un développement durable des sociétés, de l'environnement et de l'économie nationale. Nous devons orienter les recherches et les programmes vers les techniques de restauration et d'amélioration de la productivité des sols, et celles cherchant à rendre plus efficace l'utilisation des eaux devenues rares, en récupérant les eux de pluie et surtout en traitant et réutilisant les eaux usées.

L'agriculture

Selon la FAO, Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, pour les ressources naturelles, environ 70% du prélèvement mondiale d'eau douce est lié à l'agriculture. C'est donc l'un des domaines les plus cruciaux vis-à-vis de la question de l'eau et aussi du changement climatique.

Plusieurs études convergent vers les conclusions suivantes :

La raison fondamentale de la productivité agricole est la santé du sol. Le sol participe à de nombreux processus de recyclage de l'eau, des nutriments et du carbone. Il le fait en hébergeant des millions d'espèces de micro-organismes qui pilotent ces processus.

L'agriculture intensive a, dans de nombreuses régions du monde, profané la santé du sol et les populations de microbes du sol. Avec des sols pauvres, il est difficile de cultiver quoi que ce soit de manière durable, et plus il faut d'engrais, de pesticides et d'eau d'irrigation. Les produits agrochimiques sont de plus en plus coûteux et moins efficaces.

Les sols et les pratiques agricoles intensives ont peu de résilience naturelle aux sécheresses ou aux inondations, et cela est aggravé avec le changement climatique.

Des solutions naturalistes aux problèmes d'eau peuvent être apportées au profit de la biodiversité et de l'agriculture. Les exemples incluent des principes tirés de l'agriculture biodynamique, de la permaculture*, dont l'expérience de Geoff Lawton (Zaytouna Farm) en Australie est très illustrative, de l'équilibrage microbien ou du plan australien Keyline** (écrit par Yeomans). Ces alternatives sensibles à l'agriculture intensive reconnaissent l'interdépendance des écosystèmes et favorisent un écosystème sain (des habitats à l'échelle du bassin versant jusqu'au micro-habitat des bactéries et des champignons du sol). Ce faisant, le cycle de l'eau est une composante majeure des approches, apportant les nombreux avantages supplémentaires déjà mentionnés.

*La permaculture est un concept systémique et global qui vise à créer des écosystèmes respectant la biodiversité. L'inspiration vient de la nature et de son fonctionnement. C'est une méthode appliquée de conception de cultures, de lieux de vie, et de systèmes agricoles humains utilisant des principes d'écologie et le savoir des sociétés traditionnelles pour reproduire la diversité, la stabilité et la résilience des écosystèmes naturels.

**Le plan Keyline prépare le terrain pour absorber rapidement et contenir une proportion croissante de ses précipitations. Le résultat de ce plan directeur stratégique est de régénérer et améliorer le paysage existant. Il planifie également le stockage du surplus des eaux de ruissellement dans des étangs pour plus tard servir à diverses utilisations. Yeomans, K. B. (2008) De l'eau pour chaque ferme.

La modernisation des pratiques agricoles (avec la technicité) a permis d'augmenter considérablement les rendements agricoles. L'agriculture intensive qui en découle menace particulièrement les équilibres naturels. En effet, l'agriculture intensive consiste à créer de grandes surfaces cultivables qui sont exploitées à partir de modèles productivistes. En rassemblant les champs pour créer de très grandes surfaces cultivables rentables où la technicité peut être introduite, l'homme a supprimé en grande partie les bandes enherbées, les haies (...) qui séparaient auparavant les différentes cultures. Ainsi, l'homme a effacé les retenues d'eau végétales naturelles, a favorisé le ruissellement et a asséché les sols.

Il existe différentes techniques d'irrigation qui puisent dans les eaux de surface ou dans les eaux souterraines. La raréfaction de l'eau en période estivale et l'intensification des usages amènent à prélever dans les nappes; une eau dont le renouvellement est plus long. L'usage d'eau souterraine pour l'irrigation dans le monde a triplé depuis les années 1960. Certaines techniques d'irrigation ne sont pas durables et posent aujourd'hui des problèmes majeurs du fait de l'origine de la ressource pompée et de sa non restitution au milieu naturel. En effet, cette consommation d'eau participe au processus d'érosion et de salinisation des sols. D'autant plus que 30 à 60% des eaux issues des techniques d'irrigation traditionnelles ne profitent pas aux cultures et s'évaporent directement. L'agriculture intensive pose de nombreux problèmes pour la ressource en eau qui se voit impactée tant en terme de quantité que de qualité. L'agriculture pollue l'eau du fait des apports d'engrais et de pesticides (insecticides, fongicides, herbicides).

En somme, l'agriculture intensive appauvrit et entraîne la désertification des sols avec des techniques d'exploitation intensive, pollue avec les multitudes d'intrants chimiques utilisés, prélève et consomme de très grandes quantités d'eau ce qui perturbe les cycles de l'eau, nuit à la santé des producteurs et des consommateurs ! Pour minimiser les impacts sur la ressource en eau, de nombreuses techniques peuvent être employées pour retenir l'eau dans les surfaces agricoles. Par exemple, il est possible de réimplanter des haies ou des arbres sur nos terres. D'autres techniques comme la réimplantation de bandes enherbées, la rotation des cultures, l'utilisation de techniques d'irrigation durables (telle que le goutte à goutte), l'agriculture biologique (...) permettent de réduire les pertes d'eau et de diminuer la consommation en eau. Des économies d'eau peuvent être également réalisées si nous décidons de cultiver uniquement des semences adaptées à notre climat.

La Faune

Parallèlement à de nombreux problèmes liés à l'eau, il y a eu une dégradation progressive et une perte d'habitats et de biodiversité, en particulier dans les écosystèmes aquatiques. Des solutions naturalistes aux problèmes d'eau peuvent être apportées au profit de la biodiversité.

L'occasion ici est d'attirer l'attention sur les problèmes que posent les usines de dessalement d'eau de mer, à savoir une salinisation accrue des eaux et des écosystèmes marins qui rend la vie difficile sinon impossible à leur flore et à leur faune. D'autant plus que s'y ajoute la présence de nombreuses substances chimiques utilisées dans le processus de traitement.

Dans un écosystème, tout est lié. Les dommages causés à une seule espèce ou à un petit habitat ont des répercussions ailleurs dans la chaîne alimentaire. Au nom de la protection contre les inondations, les rivières ont été redressées, draguées, revêtues de béton et débarrassées de la végétation. Cela a considérablement perturbé l'écosystème, supprimant des habitats vitaux pour les plantes, les animaux et même les micro-organismes.

La gestion écologique de l'eau exige le retour des zones sèches aux zones humides. Dans la pratique, consacrer seulement 1% de tout bassin versant d'une rivière à un stockage d'eau supplémentaire protégera contre toute inondation probable.

Les zones humides fonctionnelles peuvent être aménagées selon diverses variations en de nombreuses roselières et bassins saisonniers simples. Une approche de récolte des eaux de pluie en amont des inondations est également appropriée à la sécheresse dans les régions arides et pourrait raisonnablement être désormais proposée comme modèle hydraulique compensatoire universel dans tous les bassins versants partout où le cycle de l'eau a été perturbé sur tout le territoire.

Il est important que les communautés s'impliquent dans l'amélioration de leur environnement local.

Le rôle de la végétation

La végétation joue un rôle majeur dans les processus d'évaporation. Les plantes favorisent l'infiltration de l'eau dans la terre grâce à leurs racines. Ce phénomène se nomme la captation. L'eau absorbée par les plantes lui permet de garder une température constante. C'est le phénomène de thermorégulation. En effet, ces dernières transpirent à travers leurs pores sur la surface de leurs feuilles. La végétation joue un rôle majeur dans les cycles de l'eau puisqu'elle a la capacité de retenir l'eau, de l'infiltrer dans la terre (en permettant un processus de dépollution via une infiltration lente) et de la restituer sous forme d'évapotranspiration. La végétation facilite les échanges d'eau entre les réservoirs et contribue favorablement aux cycles de l'eau. Plus un sol est végétalisé, plus l'énergie solaire est transformée en chaleur latente (chaleur servant à l'évaporation de l'eau sans réchauffement de la surface provoquant un rafraîchissement). A contrario, moins un sol est végétalisé, plus l'énergie solaire est transformée en chaleur sensible (correspondant au réchauffement des territoires).

L'humidité retenue par les sols et les végétaux rafraîchit l'air ambiant et tempère les températures extrêmes : un sol asséché transforme jusqu'à 60% du rayonnement solaire en chaleur sensible. Dans une zone saturée en eau, jusqu'à 80% du rayonnement peut être transformé en chaleur latente et seule une faible partie du rayonnement solaire devient de la chaleur sensible.

En plus de retenir et de favoriser l'infiltration de l'eau dans nos sols, le couvert végétal tempère les effets thermiques et donc le réchauffement de la planète. Si un sol est recouvert d'une couverture végétale importante, il contient plus facilement l'eau de pluie puisque les plantes absorbent et laissent infiltrer l'eau. Sur ce bassin, les phénomènes d'évaporation et d'évapotranspiration de l'eau avec la chaleur du soleil sont privilégiés. La température est régulée puisque l'énergie solaire consomme l'eau retenue par les végétaux qui non seulement créent de l'ombre mais aussi transforment l'énergie en chaleur latente. En conséquence, la croissance des végétaux et l'apparition du petit cycle local de l'eau sont favorisées.

L'exploitation des écosystèmes et de la ressource par l'homme

«Une promesse essentielle de sauver et de restaurer les forêts de notre planète a été officiellement annoncée le deuxième jour du sommet des dirigeants de la COP26. Cette promesse s'accompagne d'une longue liste d'engagements de la part d'acteurs des secteurs public et privé pour lutter contre le changement climatique, enrayer la destruction de la biodiversité et la faim, et protéger les droits des populations autochtones». Dixit le site de l'ONU.

L'urbanisation ne cesse de croître et devient préoccupante. Des milliers d'hectares d'espaces agricoles et naturels sont recouverts de béton et de bitume chaque année, l'étalement des villes induit la mise en place de nombreuses infrastructures, l'imperméabilisation des sols, la chenalisation et l'endiguement des rivières. L'imperméabilisation des sols contribue au ruissellement de l'eau au détriment de son infiltration. L'eau qui ruisselle des zones urbaines est souvent chargée de matières polluantes (de type hydrocarbures, métaux lourds...) et contamine ainsi les cours d'eau. En effet, dans certaines villes le réseau d'assainissement (le tout-à-l'égout) permet une évacuation de l'eau vers les rivières.

L'urbanisation a modifié l'environnement et façonné les paysages. L'exploitation des écosystèmes et de la ressource en eau participe au déséquilibre des cycles de l'eau. Les forêts jouent un rôle majeur dans l'équilibre climatique puisqu'elles captent les molécules de CO2 et retiennent les molécules d'H2O. Les forêts font partie des infrastructures naturelles de tout pays et sont essentielles au cycle de l'eau. Elles réduisent les effets des inondations, préviennent l'érosion du sol, régulent le niveau de la nappe phréatique et assurent à la population une alimentation en eau de bonne qualité».

Les forêts sont des espaces qui participent à l'équilibre des cycles de l'eau avec les phénomènes de retenue, d'infiltration de l'eau et d'évapotranspiration des végétaux. En détruisant les forêts, l'homme influence et perturbe cet équilibre et favorise l'érosion. L'érosion est un processus naturel qui provoque la dégradation et la transformation du relief. Ce phénomène modifie les habitats des espèces animales et végétales. Par ailleurs, le dénuement des sols favorise le ruissellement et de ce fait diminue la réserve hydrique du sol. De plus, ce sont des eaux polluées qui ruissellent sans traitement artificiel ou naturel dans les fleuves.

L'arrêt de la déforestation et la revégétalisation des terres usées représentent des enjeux majeurs pour minimiser les impacts sur la ressource en eau et atténuer les effets du changement climatique.

Des programmes de reboisement doivent être mis en place, avec l'objectif de restaurer les zones boisées détruites dans le passé. Parallèlement à la déforestation, l'on a réalisé de nombreuses opérations d'aménagement des cours d'eau. Nombre d'entre eux ont vu le tracé de leur lit modifié : la chenalisation: les pics de crue et les étiages à certains endroits du bassin sont augmentés; la pente et la vitesse d'écoulement sont modifiées; les méandres de la rivière sont supprimés et donc la présence de refuges où le débit est moins fort et qui constituent des endroits de repos et de reproduction pour les poissons; le cours d'eau est isolé de son environnement. Cela entraîne la disparition de zones humides à côté du lit de la rivière et la disparition de la biodiversité dans ses zones. Le cours d'eau n'est plus connecté aux eaux souterraines et ne se recharge pas en minéraux -la chenalisation impacte donc aussi la qualité intrinsèque de l'eau. Ainsi, en favorisant l'accélération du ruissellement ou sa retenue, en supprimant les végétaux aux bords de nos berges, l'homme déséquilibre les cycles de l'eau.

Les villes deviennent très rapidement des îlots de chaleur qui transforment l'énergie qui tombe sur le sol en chaleur sensible. Les îlots de chaleur sont des microclimats artificiels qui se caractérisent par des élévations de température localisées. En éliminant la végétation et en favorisant le ruissellement de l'eau, l'urbanisation (imperméabilisation des sols, dénaturation du paysage) contribue au déséquilibre des cycles de l'eau. Aujourd'hui, de nombreuses solutions existent pour minimiser les impacts de l'imperméabilisation des sols. La solution la plus viable est de contrôler l'aménagement des territoires à travers une politique de gestion des eaux pluviales intégrées aux plans d'urbanisation. De nombreuses techniques favorisant les espaces verts, les toitures végétalisées, les écoquartiers, l'implantation de noues, de chaussées réservoirs, de puits d'absorption, de tranchées drainantes ou encore de bassins d'infiltrations (...) permettent de minimiser les impacts de l'urbanisation sur la ressource en eau.

Les usages domestiques de l'eau

Nos canalisations d'adduction d'eau potable présentent de nombreuses failles. Le réseau est vétuste. Pour minimiser les impacts, Il faut renforcer les actions de réduction des fuites d'eau par des travaux d'entretien des canalisations, et entretenir des campagnes de sensibilisation afin de réduire notre consommation d'eau qui va de pair avec la réduction de notre consommation d'énergie.

Il existe une forte corrélation entre l'eau et le climat. Le climat a une influence sur l'eau puisque la disponibilité en eau est déterminée par des phénomènes saisonniers. Réciproquement, la gestion de l'eau influence les phénomènes climatiques puisque nous tendons à perturber l'équilibre naturel des cycles de l'eau qui participent aux phénomènes climatiques. L'exploitation de la ressource en eau n'est pas sans conséquence sur sa qualité et sa durabilité.

Le nouveau paradigme de l'eau met en évidence que la gestion de l'eau et son emprise sur les écosystèmes perturbe l'équilibre naturel des cycles de l'eau. L'eau est une ressource difficilement renouvelable (temps de résidence parfois long). La variabilité climatique, sécheresse, inondations... est un produit de l'urbanisation provoquée en partie par la gestion de l'eau.

Aujourd'hui, ce sont les services écosystémiques qui sont mis à mal avec la perturbation des cycles de l'eau et autres. Les services écosystémiques sont les bénéfices que les humains retirent des écosystèmes sans avoir à agir pour les obtenir. Par exemple, les zones humides sont des milieux qui rendent des services écosystémiques (réserve de biodiversité, épuration naturelle de l'eau, recharge de la nappe phréatique). La maîtrise des usages de l'eau et la minimisation des aménagements du territoire semblent être les solutions les plus viables pour revenir à des cycles de l'eau équilibrés. Pour limiter nos impacts sur l'eau, il est nécessaire de multiplier des politiques et des actions visant à protéger localement la ressource.

C'est en agissant au niveau local que nous pouvons espérer faire changer le global.

Avec une gestion adaptée de l'eau et du territoire, nous pouvons freiner le réchauffement climatique. Nous comprenons que les phénomènes liés au changement climatique sont complexes et interdépendants. Il est nécessaire d'alimenter nos recherches sur le climat avec des études d'impacts cumulés (CO2 et autres facteurs) pour envisager le plus largement possible toutes les solutions à nos échelles locales. Nous pourrons ainsi, non seulement réduire les effets du réchauffement climatique mais aussi nous y adapter.

Des solutions peuvent être adoptées à notre échelle, au-delà de l'adoption de pratiques plus environnementales, il s'agit aussi de réinterroger notre manière de concevoir et de gérer les ressources.

Parmi les solutions de réduction du risque d'inondation et de gestion des eaux pluviales en accord avec le développement durable, nous citons la réalisation de fossés végétaux (noues) pour récupérer les eaux pluviales de manière douce. La présence de végétation et de gravier dans les fossés permet un prétraitement de l'eau via la sédimentation des matières en suspension.

Ensuite, l'eau des noues se déverse lentement dans des ouvrages d'infiltration constitués notamment de bassins d'infiltration. La filtration à travers le sol permet une dernière épuration des eaux avant leur restitution dans la nappe phréatique. Les ouvrages de gestion des eaux pluviales sont complètement intégrés au site et leur fonction première est peu ressentie. Ces différents équipements permettent la rétention de l'eau en cas de fortes pluies. Ils créent un écosystème humide qui diminue la température via l'évaporation naturelle. Ils constituent également une zone refuge pour la faune. De plus, leur très bonne intégration dans le paysage favorise la pratique d'activités ludiques et sportives.

Il faut la prise en compte dès le début de chaque projet de la gestion des eaux pluviales, en utilisant les techniques (noues, tranchées drainantes, lacs et bassins d'infiltrations), et en les valorisant dans le paysage urbain. La technique des noues est d'une très grande efficacité pour le prétraitement : les hydrocarbures sont stoppés dans l'herbe et n'accèdent pas aux lacs (aucune contamination constatée). Pour l'entretien paysager, l'on crée des zones végétalisées qui permettent la présence d'une faune et d'une flore développées et assurent une continuité écologique, notamment à travers une trame verte et bleue (corridor écologique). Ainsi seront provoqués les phénomènes suivants:

-L'évaporation naturelle de l'eau et la présence de végétaux permettent de rafraîchir l'air ambiant de la zone en opposition à l'imperméabilisation des sols qui a tendance à favoriser les phénomènes des îlots de chaleur. Le revêtement en carreaux striés et le bitumage semblent être l'aménagement de prédilection de nos espaces publics.

-La restauration du paysage offrant au public des activités récréatives (balades, sports).

-La dépollution des eaux grâce aux différentes retenues qui favorisent l'infiltration des eaux de pluie dans la nappe phréatique.

-La diminution des risques d'inondation.

Ces aménagements sont de bons exemples de projets d'urbanisation qui intègrent en amont la question de l'eau. Ils favorisent la présence de la végétation et de l'eau dans un paysage urbain. Ils permettent de diminuer les risques liés au changement climatique (inondation, canicule) et favorisent le bon fonctionnement du petit cycle local de l'eau indispensable au climat. De plus, l'efficacité des décisions et des actions futures ne peut se faire sans l'intégration des enjeux liés à la ressource en eau. Nous l'avons vu c'est au travers de l'eau que les effets du changement climatique sont les plus sensibles (montée des eaux, inondation, sécheresse...).

L'eau est au cœur du processus de restauration du climat. C'est pourquoi cette ressource ne peut pas continuer à être absente de la réflexion et de l'action «climatique». Elle doit avoir sa place dans toutes les politiques sectorielles (agriculture, urbanisation...).

Des alternatives existent dans chacun de ces domaines pour restaurer et préserver les cycles de l'eau (local et global). Pour l'agriculture, il s'agit d'améliorer les techniques d'irrigation et de privilégier des cultures locales pour diminuer les besoins en eau, limiter l'apport d'intrants chimiques pour préserver la qualité de l'eau, réintégrer la rotation des cultures et la présence de haies pour ne pas appauvrir les sols et favoriser l'infiltration.

L'agriculture est définitivement le premier secteur d'action pour sauvegarder nos ressources en eau. La sécurité alimentaire et la protection de l'environnement ne sont pas opposées. D'autres systèmes de cultures existent et sont possibles. L'autre domaine stratégique est celui de la production d'énergie. Il s'agit de se tourner dès à présent vers des énergies plus durables et respectueuses du cycle de l'eau : l'éolien, le solaire, le biogaz et de renoncer définitivement au gaz de schiste.

Enfin, nous devons inventer les villes de demain qui redonnent une place à la nature et à l'eau pour supprimer des effets des îlots de chaleur. Pour permettre à l'eau de s'infiltrer localement, il nous faut aussi rompre avec l'imperméabilisation des sols et l'évacuation systématique de l'eau vers le réseau d'assainissement. La présence de la végétation est indispensable: espaces végétalisés, parcs avec mares et points d'eau, jardins partagés, fossés verts le long des routes, plantation d'arbres... Ces solutions ne représentent pas de défis technologiques. Elles ont fait leurs preuves et sont déjà mises en œuvre avec efficacité partout dans le monde par des acteurs locaux mobilisés et optimistes.

Il ne s'agit plus de chercher que faire mais de faire. D'une manière plus globale, nous devons repenser notre lien avec la nature et redonner de la place aux espaces naturels qui protègent le cycle de l'eau. C'est l'enjeu du reboisement et de la préservation des forêts. Les écosystèmes et la biodiversité sont indispensables à notre bien-être, nous devons reconnaître cette interdépendance.

Un des exemples non seulement à ne pas suivre, mais à bannir, est ce qui s'est réalisé ces dernières années dans certaines places, où l'on a abattu les arbres et revêtu toutes les surfaces par des carreaux striés. Aucune végétation n'est laissée, tout est imperméabilisé, aucune ombre. Un sort qui ne saurait être justifié que par la décision non réfléchie, et strictement indiscutable des responsables, que par la rapine des entreprises de revêtement et la médiocrité du bureau d'étude, et le silence complice des associations de l'environnement ou du patrimoine. L'allergie à la végétation et aux arbres est un syndrome typique d'arriération mentale. On avancera la raison d'abattage des arbres dans la traque aux fumeurs et autres délinquants qui se cachent sous leurs ombres. Cette raison avancée par un cadre de l'urbanisme est une insulte au travail des policiers. Comment réparer l'affront fait à la nature, aux arbres ?

Nous pouvons tous à notre échelle être acteurs du changement : au quotidien, en tant qu'utilisateur en refusant la le gaspillage à outrance de l'eau; en tant que citoyen en incitant nos représentants à s'impliquer dans la question de l'eau; en tant que chef d'entreprise en mettant en place un système de récupération d'eau de pluie dans les édifices; en tant qu'urbaniste en proposant des infrastructures innovantes intégrant la gestion de la ressource en eau extra-muros et intra-muros des agglomérations; en tant qu'élu local en privilégiant la gestion durable de conservation de l'eau.

*Architecte-Urbaniste