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3. Réponse de l'Occident à la
crise de 2008. Austérité et financement non conventionnel «synchronisé» entre les
Banques centrales
L'urgence était donc de résorber les déficits courants qu'il enregistre avec le reste du monde. Ce qui n'est pas donné tant l'Occident a perdu en compétitivité. Et la crise financière est là. De plus, la mondialisation qui s'est développée a intensifié la concurrence internationale, laissant peu de choix à l'Amérique, à l'Europe et au Japon. D'autant plus que ces pays ont vécu durant presque une décennie avec de l'argent qui n'était pas cher et abondant. Certains analystes occidentaux n'hésitent pas à dire d'un «Occident en sursis». Aussi, devons-nous dire que la crise de 2008 est venue à bon escient, comme «avertisseur», montrant l'extrême vulnérabilité de l'Occident, et que la politique économique et monétaire menée jusqu'à cette crise n'était plus tenable. Il fallait par conséquent couper aux dépenses publiques, diminuer les guerres ou faire les guerres par les autres, comme ce qui s'est passé après 2011, en Syrie, en Irak, au Yémen, en Libye, et mettre en avant l'objectif suprême, la «diminution des excédents commerciaux» des pays émergents et surtout avec la Chine, et bien entendu les pays exportateurs de pétrole qui ont accumulé des excédents commerciaux via la hausse du prix du pétrole, et par conséquent amassé des réserves de changes considérables. Des réserves de change qui signifient de l'endettement pour l'Occident. L'objectif pour l'Occident est d'inverser cette donne, ce qui en clair est «se désendetter» du reste du monde. La question est comment ? Et surtout que l'Occident devait d'abord sortir de la crise. La réaction occidentale, dans premier temps, sera triple. 1. Mener des politiques économiques austéritaires tous azimuts. 2. Procéder au financement non conventionnel pour sauver leurs systèmes bancaires au plus fort de la crise. 3. Mener ensuite des politiques de relance. Pourquoi le financement non conventionnel ? Le taux d'intérêt directeur de la Fed étant arrivé à son plancher, presque à zéro, et vu le blocage du système bancaire ? les créances toxiques dans les bilans des banques provoquant la méfiance entre elles, les amenant à ne se prêter plus ?, il est apparu rapidement que la politique monétaire conventionnelle, i.e. l'utilisation du taux d'intérêt directeur, les opérations open-market et la fixation des réserves obligatoires, n'apportait pas de solution à la crise financière. Donc il était nécessaire pour débloquer la situation de crise de passer au financement au non conventionnel. Ce qui en clair signifie que les Banques centrales, en tant que prêteur en dernier ressort, doivent recapitaliser les banques par des rachats de titres publics et privés, y compris des créances «toxiques». Ce financement non conventionnel, en allégeant les bilans des banques et rétablissant la confiance entre elles, et fort du soutien de leurs États, amènera de nouveau les banques occidentales publiques et privées à financer leurs économies. C'est ainsi qu'aux États-Unis, la Fed américaine lança, de 2008 à 2014, trois programmes de financement non conventionnel, appelé en anglais «quantitative easing ou (QE)» et une opération twist. Un programme (QE1), de l'automne 2008 au printemps 2010, qui s'est soldée par des rachats de titres publics et privés pour un montant de 1750 milliards de dollars, dont 500 milliards de bons du Trésor américain et 1250 milliards de crédits hypothécaires. Compte tenu de l'affaiblissement de l'économie américaine et du fort taux de chômage à 9,7% de la population active (4), un deuxième programme (QE2) est mis en œuvre. Débutant en novembre 2010 et achevé en juin 2011, il a permis le rachat de 600 milliards de dollars de bons de Trésor américain. D'autre part, la Fed réinvestit en achats de bons du Trésor les liquidités qu'elle se faisait rembourser des créances hypothécaires qu'elle détenait, au fur et à mesure qu'elles sont reprises sur les marchés. En septembre 2011, la Fed lance l'opération Twist. Semblable au QE2 sauf que les liquidités injectées sont stérilisées, i.e. sans création monétaire. Dans le but de baisser les taux d'intérêt des titres publics, la Fed mettait en place un programme d'allongement des échéances, appelé «Matury Extension Program» ou opération «Twist», qui consistait à vendre des bons de Trésor d'une échéance de moins de trois ans et, d'un montant équivalent, acheter des titres d'échéances plus longues, comprise entre 6 et 30 ans. Ce programme, d'une ampleur initiale de 400 milliards de dollars, et qui devait se terminer fin juin 2012, a été prolongé jusqu'à fin de 2012. L'opération Twist n'a pas augmenté le bilan de la Fed. Le troisième programme (QE3) est lancé en 2012. Au départ sans limitation de durée, il consistait, comme les précédents, au rachat des mêmes actifs financiers, i.e. les titres obligataires émis par le Trésor américain (bons de Trésor...) et des titres hypothécaires. Initialement d'un montant de 85 milliards de dollars par mois. Ces montants ont ensuite été progressivement diminués à raison de 10 milliards par mois, i.e. 75 milliards de dollars, 65 milliards de dollars... jusqu'à leur extinction en octobre 2014, avec la baisse continue du taux de chômage aux États-Unis, qui passe, en mars 2014, sous les 6%. (5) Au Royaume-Uni. Comme la FED, pour éviter que la livre sterling s'apprécie fortement, la Banque d'Angleterre a aussi procédé à partir de cette même date au lancement d'un programme d'assouplissement monétaire quantitatif (QE) qui l'a conduite au rachat, jusqu'en septembre 2009, pour environ 165 milliards de livres sterling d'actifs aux institutions financières, et à un degré moindre, des créances de qualité élevée émises par des entreprises privées. En 2010, ce montant fut porté à 200 milliards de livres, puis, entre octobre 2011 et juin 2012, à 375 milliards de livres, soit 25 % du PIB. La Banque d'Angleterre a également réduit fortement son taux d'intérêt directeur, pour répondre à la crise financière de 200. Son taux directeur s'est établi, depuis mars 2009, à son niveau plancher de 0,5%. Au Japon. Le Japon a connu, dans les années 1990, une situation monétaire marquée par une longue période déflationniste. Après une baisse du taux d'intérêt directeur à son plancher à %, en 2000, la Banque du Japon est la première banque centrale à adopter en mars 2001 une politique d'assouplissement quantitatif. Elle l'abandonnera en 2006, après un tassement de la déflation (l'inflation à - 0,3 % en 2006 par rapport à -0,7% depuis 2000). En 2010, elle recourt de nouveau au quantitative easing entre 2010 et 2012, sans se fixer d'objectif précis en terme de cible d'inflation. Il est évident qu'en tant que pays émetteur de monnaie internationale, la Banque du Japon doit synchroniser ses émissions monétaires avec les émissions des autres grandes Banques centrales du monde, pour éviter une appréciation à la hausse du yen, nuisant à ses exportations. Comme pour la Fed, cela passe par le rachat de titres souverains (bons de Trésor du Japon, obligations d'État...). En 2013, elle adopte une stratégie encore plus offensive dans les QE, appelés aussi «abénomics» du nom du Premier ministre du Japon Shinzo Abe (en fonction depuis le 26 décembre 2012) qui a prôné une politique économique et financière nettement «offensive». En réalité, cette politique abénomic, donc du QE comme nous l'avons défini, n'est que le calque d'une politique monétaire «synchronisée» avec les politiques non conventionnelles des autres puissances occidentales. Si, par exemple, ce n'était pas le cas, la monnaie japonaise aurait subi une dégringolade sur les marchés monétaires mondiaux telle qu'elle mettrait le yen en grand danger. La Banque du Japon n'aurait alors d'autre recours, pour sauver le yen d'un krach, que de sacrifier une partie de ses réserves de change pour retirer des marchés le surplus de liquidités en yens et arrêter la spirale baissière de sa monnaie. Et ce processus est valable pour le dollar, l'euro ou la livre sterling, si une synchronisation des autres grandes Banques centrales occidentales dans leurs politiques non conventionnelles n'avait pas existé. C'est ainsi que, grâce à cette synchronisation, la BoJ a racheté pour 80.000 milliards de yens par an d'obligations d'Etat, contre 50.000 milliards précédemment, et 3.000 milliards sur le marché des actions japonaises contre 1000 milliards auparavant. (6) 4. Le financement non conventionnel, une nécessité de survie pour la zone euro. Et d'une grande importance pour le commerce mondial Pour la zone euro, Agnès Bénassy-Quéré, directrice du Centre d'études prospectives et d'informations internationales, explicite les mesures prises par les Etats de la zone euro pour sauver les banques. (7) «Comment est-on passé d'un plan européen de 300 milliards d'euros à des plans à 1.700 milliards ? écrit-elle. Le premier plan proposé à la hâte par le gouvernement français aux autres pays européens se voulait la réplique du plan Paulson américain, sans qu'on sache très bien ce qu'il allait contenir : le rachat des actifs douteux des établissements financiers ? Des mesures destinées à la recapitalisation des banques ? Des garanties sur les prêts interbancaires ? Le second plan européen est d'une tout autre ampleur car il a été discuté et structuré à partir de trois types d'interventions possibles. Première possibilité (à l'américaine) : récupérer les actifs douteux d'une banque, lui donner du cash à la place, puis revendre -ou plutôt tenter de revendre- ces actifs toxiques. Deuxième option (à l'européenne) : prendre des participations dans une banque en lui versant du cash. Cette entrée d'un Etat dans le capital d'un établissement se veut, en principe, temporaire. Il faut espérer que la plupart des banques vont se redresser et donc se revaloriser, ce qui permettra à l'Etat actionnaire de revendre sa participation en faisant une plus-value. Troisième voie (à la britannique) : garantir les prêts entre les banques afin d'assurer au prêteur qu'il récupérera, quoi qu'il arrive, son argent. C'est le principe de la caution. Ce dispositif ne coûte rien tant qu'un emprunteur ne fait pas défaut. [...] D'où vient l'argent ? C'est l'un des aspects les plus simples. Le monde entier court après des bons du Trésor ou des obligations d'Etat, encore perçus comme un refuge. La crise financière n'a pas fait disparaître l'épargne. L'appétit pour de la dette publique est fort chez les Chinois, les Russes, mais aussi en Europe, dans les fonds de pension, par exemple. Les fonds souverains à eux seuls ont un portefeuille de l'ordre de presque 3.000 milliards de dollars. Est-ce de la création de monnaie ? Au niveau mondial, il ne s'agit pas de création de monnaie, plutôt d'un transfert. Un Etat émet des obligations ou des bons du Trésor qui sont souscrits par tel ou tel prêteur, qui lui verse du cash en échange. Ces liquidités sont ensuite distribuées dans l'économie. Si le prêteur est de la zone euro, les liquidités passent d'une main à l'autre sur le territoire de la zone. S'il est extérieur à la zone, les liquidités en devises doivent être converties en euros, mais cela ne crée pas forcément de la monnaie. Quoi qu'il en soit, il est clair que l'Etat augmente son taux d'endettement brut.» (7) Cette synthèse d'Agnès Bénassy-Quéré est édifiante. Cependant, le même processus va jouer quand bien même le financement n'est pas défini comme non conventionnel parce qu'il est interdit par les textes juridiques qui empêchent la Banque centrale de racheter, voire de monétiser les titres souverains des dix-neuf États de la zone euro. Il demeure cependant que le Fonds européen de stabilisation monétaire (FESF), lancé en 2010, d'un capital initial de 440 milliards d'euros, et porté jusqu'à 1000 milliards d'euros (avec effet de levier), a été nécessaire pour le sauvetage des pays de la zone euro, alors que la crise de l'endettement, durant toute l'année 2009, l'enfonçait dans la récession. En 2012, le FESF est remplacé par le Mécanisme européen de stabilité (MES), pour un montant de 700 milliards d'euros. Evidemment, tous ces pays recevant l'aide financière sont soumis à des conditionnalités, puisqu'ils doivent après la reprise rembourser leurs créanciers. Vu l'ampleur de l'endettement, une partie des dettes est effacée. Sur ces rachats de titres souverains par la BCE, des citoyens et parlementaires allemands ont saisi la Cour de Karlsruhe, en 2012, au motif que la Banque centrale a enfreint la constitution. «Dit en termes plus juridiques : premièrement, par cette politique d'achat d'obligations d'Etat, la BCE n'accomplirait pas sa mission de politique monétaire (au sens de l'art. 127 du Traité sur le fonctionnement de l'UE, TFUE), mais mènerait une politique économique et une politique européenne, toutes deux étrangères à ses missions. Deuxièmement, la BCE violerait l'interdiction de monétariser la dette et l'interdiction qui lui est faite expressément de contourner cette disposition par l'acquisition directe d'obligations d'Etat sur le marché primaire (art. 123 TFUE). Le programme OMT équivaudrait donc à un contournement de cette interdiction. » (8) A suivre... * auteur et chercheur indépendant en économie mondiale, relations internationales et prospective Notes : 4. «L'impact de la crise sur le chômage a été jusqu'à présent moins prononcé dans l'UE qu'aux États-Unis» par Eurostat, le 11 juin 2010 https://www.diploweb.com/L-impact-de-la-crise-sur-le.html 5. «Le taux de chômage aux États-Unis passe sous les 6 %», par Le journal Le Monde.fr. Le 3 octobre 2014 http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/10/03/le-taux-de-chomage-aux-etats-unis-passe-sous-les-6 6. «Les politiques monétaires non conventionnelles», par la Finance pour tous. Le 27 avril 2015 https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/vie-economique/politiques-economiques/politique-monetaire/les-politiques-monetaires-non-conventionnelles/ 7. «Comprendre les plans de sauvetage» par le journal Le Monde.fr. Le 15 mai 2009 http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2009/05/15/comprendre-les-plans-de-sauvetage 8. «Le programme OMT et le droit de vote» La Cour de Karlsruhe avait été saisie par des citoyens allemands» https://www.cairn.info/revue-regards-sur-l-economie-allemande-2014 |
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