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L'impact du S.N.M.G sur la remuneration : Element de protection ou de blocage ?

par M. Benkrama

Notre pays connaît une situation particulière en raison de l'importance de l'impact du SNMG, sur la politique globale des salaires. L'Etat détient un rôle majeur dans la fixation de cette politique. Cette situation conduit, naturellement, à réduire les enjeux des négociations collectives et même individuelles, notamment dans le secteur da la petite et moyenne Entreprise.

La définition du contenu du SNMG, à travers le décret législatif n° 94-03 du 11 avril 1994, instituant l'article 87 bis, intégré à la loi n°90-11 du 21 avril 1990, relative aux relations de travail, et modifié par le décret législatif n° 15-59 du 08 février 2015, n'encourage nullement le développement harmonieux du dialogue social.

L'HISTORIQUE DU SALAIRE MINIMUM.

Le salaire minimum mis en œuvre en Algérie, depuis l'indépendance, a connu plusieurs évolutions et plusieurs appellations. En effet, il a pris la dénomination de salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) et a concerné, à l'origine, les travailleurs du secteur industriel et de services, exprimé en taux horaire, il avait un montant différencié selon les zones au nombre de 03 (le Nord, les Hauts Plateaux et le Sud).

Une autre notion se rapportant à un minima de salaire a fait son apparition. Il s'agit du salaire minimum agricole garanti (SMAG) qui s'appliquait au secteur de l'Agriculture et ce, à la faveur des textes concernant l'autogestion.

Cette situation caractérisée par la dualité sectorielle et la différenciation spatiale, a duré jusqu'à la fin des années 1970. A la faveur de la loi relative au statut général du travailleur (S.G.T.), ces notions ont été unifiées sous l'appellation de salaire national minimum garanti (S.N.M.G) applicable au même taux, à travers tout le territoire national et à tous les secteurs d'activité.

Le S.N.M.G a comme objectif essentiel de garantir un « Minimum social», autrement dit, un certain niveau de revenu par rapport au pouvoir d'achat des travailleurs du bas de la classification professionnelle.

Les réformes politiques et économiques mises en place à partir de l'année 1990, sont venues pour, d'une part réhabiliter le travail en tant que source principale de création de richesse et en tant qu'instrument indispensable à la promotion du développement économique et social, et d'autre part, accorde à l'entreprise la pleine capacité juridique de stipuler, de s'engager et de contracter d'une manière autonome et donc de négocier les conditions d'emploi, de travail et de rémunération, qu'elle établit, en son sein, dans l'intérêt exclusif de la production des richesses et partant de l'économie nationale.

EVOLUTION DU SNMG (DE 1963 A 1978)

1963 : Décret 63-159 S. NON AGRICOLE S. AGRICOLE

-1re Zone 135 ,80/MOIS 7,54 / JOUR

-2° « 124,80 /M 6,94 / J

-3° « 113,15 /M 6,42 / J

1970 : Décret 70-107 1,36 DA / heure

1972 : Décret 72-122 1,73DA / H 9,80 / J

1974 : Décret 74-6       2,08 DA / H

1976 : Décret 76-25     2,40 DA / H 13,50 / J

1977 : Décret 77-142  3,21 DA / H 600DA/M

1978 : Décret 78-98    3,69 DA / H A/C mai 700/M alignement

                                    4,21 DA / H A/C nov. 800/M

1979 : Décret 79-301 instituant les seuils minimaux de salaires globaux

EVOLUTION DU SNMG (DE 1990 A 2012)

01/01/1990 : 1.000 DA

01/01/1991 : 1.800 DA

01/07/1991 : 2.000 DA

01/04/1992 : 2.500 DA

01/01/1994 : 4.000 DA

01/03/1997 : 4.400 DA

01/05/1997 : 4.800 DA

01/01/1998 : 5.400 DA

01/09/1998 : 6.000 DA

01/01/2001 : 8.000 DA

01/01/2004 : 10.000 DA

01/01/2007 : 12.000 DA

01/01/2010 : 15.000 DA

01/01/2012 : 18.000 DA

Avant l'avènement des lois sociales de 1990, il faut noter que durant plusieurs années le SNMG n'avait aucun effet sur le niveau général des salaires pour les raisons essentielles suivantes:

Les seuils minimums de salaire applicables à toutes les

catégories socioprofessionnelles et à tous les secteurs juridiques étaient fixés par voie réglementaire.

les niveaux de ces seuils étaient supérieurs au SNMG et constituaient en fait les salaires de base minimum en vigueur au sein des organismes employeurs.

A titre de rappel, les catégories socioprofessionnelles étaient :

Seuil 1 : Personnel sans qualification

Seuil 2 : Personnel d'aide et ouvriers spécialisés

Seuil 3 : Personnel qualifiés +ouvriers professionnels+assimilés

Seuil 4 : Agents techniques+chefs d'équipes,

Au fur et à mesure de l'évolution des rémunérations ainsi fixées, le SNMG se trouvait déconnecté complètement du système des salaires. Il servait essentiellement à la détermination des montants minima des prestations et cotisations de sécurité sociale, de la rémunération des apprentis et de la prime de panier. Durant cette période, donc, les salaires minima étaient fixés par rapport au salaire minimum d'activité (SMA) et non, par rapport aux montants du SNMG.

LE CADRE LEGAL EN VIGUEUR:

L'ensemble des dispositions légales du titre IV de la loi 90-11 du 21 avril 1990, relative aux relations de travail, intitulé: la rémunération s'articule autour de trois axes (chapitres):

1er Axe (art 80 à 86: Les obligations des employeurs en matière de salaire,

2ème Axe (art87): Le salaire national minimum garanti (SNMG), qui concerne en fait, les pouvoirs publics directement et non les employeurs

3ème Axe (art 88 à 90): Les privilèges et garanties consacrés à la rémunération.

Nous allons aborder succinctement les deux premiers axes, lesquels nécessitent, un traitement séparé en relation avec les concernés par les prescriptions qui leurs sont réservées.

LES OBLIGATIONS DES EMPLOYEURS:

La rémunération, étant l'un des trois éléments fondamentaux dans la formation de la relation de travail ou du contrat de travail, constitue la contrepartie d'un travail fourni par le salarié, qu'il soit manuel ou intellectuel, dans le respect de l'organisation de travail mise en place par l'employeur.

La rémunération peut être servie par l'employeur soit en terme de:

A - Salaire.

B - Revenu proportionnel aux résultats de travail

C - une rémunération combinée (salaire fixe + revenu)

La loi s'est consacrée le droit de définir ce que l'on doit entendre par salaire et par revenu. Elle a déterminé, à titre indicatif, les éléments devant être pris en charge par l'employeur dans le cadre de la négociation individuelle et/ou collective des conditions d'emploi et de travail afin de s'entendre sur leurs niveaux.

A/- Salaire: - Le salaire de base résultant de la classification professionnelle,

- Les indemnités versées en raison de

* l'ancienneté

* des heures supplémentaires

* ou des conditions particulières de travail notamment :

* Le travail posté

* Les nuisances

* L'astreinte

* Le travail de nuit

* L'indemnité de zone

- Les primes liées à la productivité et aux résultats du travail

B/- Revenu proportionnel : C'est la rémunération au rendement, notamment : à la tâche, à la pièce ou au chiffre d'affaires

Par ailleurs les frais engagés par les salariés à l'occasion des missions commandées, et dans le cadre de l'utilisation du véhicule personnel pour les besoins de service ou alors imposés par des sujétions similaires.

Tels sont les éléments qui constituent du coup, pour les travailleurs, des droits dans la mesure où les conditions d'octroi y afférentes sont réunies, et pour les employeurs, des obligations à respecter et qui sont citées, doit-on le préciser, à titre indicatif, par les dispositions législatives sachant que, ce qui est fixé de la loi, constitue un minimum légal, puisqu'il peut être enrichi par des dispositions conventionnelles plus favorables.

En tout état de cause, l'employeur peut traiter dans le cadre des conditions d'emploi et de travail, entre autres : la classification professionnelle, les normes de travail, les salaires de base minimum correspondants, ainsi que les indemnités attachées aux conditions de travail : (art: 120 de la loi 90-11).

En conséquence, il est clairement stipulé, par ailleurs, que « le montant de la rémunération ainsi que celui de tous les éléments qui la composent figurent nommément, dans la fiche de paie périodique établie par l'employeur » (art 86 de la loi 90-11).

Quels sont les éléments susceptibles de composer la rémunération ?

Deux types d'éléments :

a) les éléments cités par la loi

b) les éléments contenus dans les contrats de travail et les conventions et accords collectifs.

Les éléments cités par la loi 90-11 :

Article 81 :

- L'ancienneté, à ne pas confondre avec

l'expérience professionnelle

Les heures supplémentaires (art 32)

Le travail posté (art 30)

Les nuisances

L'astreinte

Le travail de nuit (art 27)

L'indemnité de zone

Les primes liées à la production et aux résultats de travail

L'ensemble des éléments cités dans la loi, à titre indicatif, constituent des droits ouverts à tous les travailleurs réunissant les conditions d'octroi; les modalités d'application sont à déterminer dans les conventions et accorts collectifs.

Les sources du droit du travail comportent, outre la source légale, des sources professionnelles dont principalement les contrats de travail et les conventions collectives. Elles peuvent contenir des droits plus avantageux que la loi, ou encore, des éléments nouveaux non prévus par la loi, et dont l'employeur est tenu de les respecter et de les prendre en charge concrètement, à travers la rémunération. Ces éléments spécifiques ne peuvent être pris en compte dans la définition légale du SNMG.

II- LE SNMG : FACTEUR DE PROTECTION OU DE REGULATION ?

Le Salaire National Minimum Garanti (SNMG) institué par l'Ordonnance n°74-2 du 16 janvier 1974 et qui avait, en 1963, pour dénomination le Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), avait été instauré pour assurer aux travailleurs dont les rémunérations sont les plus faibles, la garantie d'un minimum de leur pouvoir d'achat.

Le voie réglementaire (Décret) a pour mission exclusive de déterminer son montant, après consultation des organisations syndicales de travailleurs et d'employeurs les plus représentatives, en tenant compte de l'évolution de la productivité moyenne nationale enregistrée, de l'indice des prix à la consommation et de la conjoncture économique générale.

Dans cet ordre d'idées, le SNMG est institué, à sa naissance, dans le but de faire protéger, par les pouvoirs publics, en termes de contrôle, les travailleurs dont les rémunérations sont les plus bas en imposant un minimum à respecter.

Cependant, il est relevé, que le SNMG intéresse, en fait, beaucoup plus et en premier lieu, d'autres catégories de personnes, à la charge de l'Etat, et dont le SNMG constitue une référence et/ou de base de calcul pour leurs revenus, notamment, pour :

- les pensions des moudjahidine et ayants-droit ;

- la détermination des minimas des pensions de retraite, et d'autres prestations sociales (chômage, invalidité, etc.) ;

- les cotisations de sécurité sociale de certaines catégories particulières d'assurés sociaux;

- la fixation des présalaires des stagiaires et apprentis des établissements de la formation professionnelle ;

- les bénéficiaires des différents dispositifs de placement et d'insertion

L'importance de l'impact financier résultant de toute réévaluation du SNMG constitue l'obstacle majeur pour les pouvoirs publics. La grille des traitements des fonctionnaires en dépend sérieusement, en particulier pour le bas de l'échelle indiciaire.

Ainsi, il est constaté, en matière de salaire, que l'Etat protecteur est en même temps, un Etat employeur.

Dans cet esprit, le SNMG a eu à connaître, et pour la première fois, une définition de son contenu, à travers le décret législatif n° 94-03 du 11 avril 1994, instituant l'article 87 bis, intégré à la loi n°90-11 du 21 avril 1990 relative aux relations de travail.

Cette définition a marqué, sérieusement, l'histoire du SNMG et du coup, de la politique générale des salaires.

L'article 87 bis, en question, consistait à considérer que le SNMG, en tant que salaire minimum garanti, englobait toutes les indemnités et primes de toute nature à l'exclusion des indemnités versées au titre de remboursement de frais engagés par le travailleur.

Autrement dit, il est tout à fait légal de donner le même salaire à deux travailleurs qui ne subissent pas les mêmes contraintes ou sujétions du même poste qu'ils occupent, quels que soient leurs importances et leurs nombres.

A titre d'exemple l'indemnité d'ancienneté étant incluse dans le SNMG, un salarié ayant vingt (20) ou même trente (30) ans d'ancienneté pouvait légalement percevoir le même salaire que celui d'un salarié nouvellement recruté dans le même poste de travail. (Avant nouvelle définition : 1994-2015). Le travail de nuit étant inclus dans le SNMG, un salarié travaillant la nuit peut légalement percevoir le même salaire que celui d'un salarié occupant le même poste de travail et exerçant les heures normales de jour d'une même entreprise? Ces légalités injustes trouvent leur explication dans la dualité SNMG/SALAIRE.

La nouvelle définition (Décret-Exécutif n°15-59) représente une avancée importante, mais pas suffisante, en direction de l'abrogation pure et simple de toute définition, ce qui libérerait totalement, l'expression des volontés des deux parties à la relation de travail, de toute contrainte.

Maintenant que quelques éléments de salaire ont été rétablis et libérés du SNMG, il est temps de mettre un terme, aux conséquences négatives subies, en réhabilitant concrètement les éléments de salaire exclus du nouveau SNMG, pour l'ensemble des travailleurs concernés.

A cet effet, il y a lieu de relever l'absence du cadre légal idéal (structures syndicales représentatives) pour arrêter les modalités d'application des droits relatifs aux éléments composants le salaire. Cette situation dispense-t-elle les employeurs de leurs obligations légales?

Non, il appartient à ces derniers, de convenir des modalités d'application avec leurs travailleurs, à travers leur contrat individuel de travail, ou collectivement, à travers l'engagement des négociations, à défaut du partenaire social représentatif, avec des représentants élus directement du collectif pour les besoins exclusifs de déterminer ces modalités. En effet, les exemples suivants illustrent parfaitement les anomalies dans l'application des obligations légales

1-/L'employeur qui fait travailler des salariés la nuit, il leur doit une compensation pécuniaire conformément aux dispositions de l'article 27 de la loi 90-11 suscitée, faute de quoi l'obligation n'est pas respectée.

2-/ L'employeur qui rémunère deux travailleurs occupant le même poste de travail, le même salaire alors qu'ils ont une ancienneté différente dans le travail ne respecte pas, l'obligation découlant des dispositions de l'article 81 de la même loi,

3-/ L'employeur qui fait travailler ses salariés des heures supplémentaires leur doit, conformément aux dispositions de l'article 32 de la même loi, une majoration qui ne peut être inférieure à 50% du salaire horaire normal, faute de quoi l'obligation n'est pas respectée

4-/ L'employeur qui organise son travail en équipes successives, doit à ses travailleurs, conformément aux dispositions de l'article 30 de la même loi, une indemnité, faute de quoi l'obligation n'est pas respectée.

Ainsi on peut faire appliquer la même règle pour tous les droits déterminés par les sources légales et professionnelles.

Le vide juridique existant à ce niveau, c'est que les dispositions légales en vigueur relatives à un élément fondamental de la relation de travail, qui est la rémunération, ne sont pas impératives; aucune pénalité n'a été prévue pour imposer l'application des obligations qui en découlent.

En effet, en matière de rémunération, seules les infractions relatives à la non remise de fiche de paie ou l'omission de la remettre pour le salaire perçu (art 148 de la loi 90-11) et celles concernant le non respect du SNMG ou du salaire minimum, fixé par la convention ou l'accord collectif de travail ( art 149 de la loi 90-11 ) sont prévues et elles ne peuvent s'appliquer pour non prise en charge d'un ou de plusieurs éléments composant la rémunération à percevoir, comme il se doit par rapport aux conditions d'emploi et de travail réelles pour chaque poste de travail, en relation avec son occupant. Par ailleurs l'infraction prévue pour non respect du salaire minimum fixé par la convention ou l'accord collectif de travail est inopérante car l'obligation y afférente est facultative (art 120 de la loi 90-11).

L'inexistence de mesures coercitives conséquentes prive non seulement, les travailleurs de bénéficier de leurs droits fondamentaux à travers une rémunération réelle et à une couverture sociale complète mais également, encourage la non déclaration d'éléments importants du salaire à la sécurité sociale et aux impôts, notamment au niveau des petites et moyennes entreprises, représentant une bonne partie du tissu socio-économique national, où souvent, le dialogue est absent.

Les éléments de salaire cités au niveau de l'article 120 susvisé et faisant partie du domaine de la négociation sont prévus à titres facultatif et indicatif (? peuvent, notamment, traiter des éléments ci-après). Cependant et dans le souci de garantir mieux les droits fondamentaux des travailleurs, deux éléments, au moins, doivent être traités obligatoirement, dans chaque convention collective, à savoir la classification professionnelle et les salaires de base minimum correspondants à chaque groupe socioprofessionnel. Le non respect des éléments devant composer le salaire réel à percevoir doit constituer une obligation impérative.

En attendant, éventuellement, la prise en charge de ces insuffisances, dans le nouveau code de travail en projet, les services de l'Etat, notamment l'Inspection du travail et les tribunaux siégeant en matière sociale, peuvent jouer un rôle déterminant pour aller dans le sens de la prise en charge du salaire correspondant à l'ensemble des éléments sanctionnant les conditions réelles de travail; les règles générales du droit ainsi que les spécificités du droit de travail le permettant.

Aussi l'introduction au niveau de la loi cadre 90-11, de la possibilité d'étendre par voie réglementaire (décret), le bénéfice d'une pratique salariale répandue, aux établissements ne disposant pas de partenaire social ou dont les effectifs sont réduits, s'avère plus qu'indispensable, pour permettre le rétablissement d'une bonne partie de la population active, dans ses droits.