|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Pour les gestionnaires qui
croyaient pouvoir tirer leur épingle du jeu en se cachant derrière la
responsabilité diluée et impersonnelle, les tableaux bourrés de chiffres et les
argumentaires hyper-techniques -et ils étaient nombreux en ce conseil exécutif
dédié en grande partie à la fameuse 08/15- c'était sans compter sur la sagacité
d'un Saïd Sayoud rompu à l'exercice.
Une mise au point d'entrée : pas de commentaire complaisant. Donnant lecture du compte-rendu sur l'état d'exécution du dispositif 08-15 relatif à la régularisation foncière, l'inspecteur général de wilaya a cru bien dire en glissant dans son avant-propos ce petit commentaire : «Le processus de mise en œuvre de la loi 08-15 a connu localement une nouvelle dynamique ces trois dernières années...». Le wali l'interrompt : «Je n'y vois aucune dynamique, ni nouvelle ni ancienne. Il y a jusqu'ici un échec total dans cette opération». Une façon d'enjoindre au chargé de mission de s'affranchir des appréciations personnelles et de s'en tenir aux termes de sa mission, à savoir : passer au peigne fin la mise en application du 08-15 à travers la wilaya et en établir un rapport détaillé. Les «autres» sont prévenus. Avec le même franc-parler, et dans ce qui semble être à mi-chemin entre le réquisitoire et l'aveu, Saïd Sayoud enchaîne : «Par les agissements bureaucratiques, nous avons malheureusement plus que détourné de sa vocation le dispositif de 08-15 mis en place par l'Etat, en le transformant d'un instrument de grâce et d'indulgence en un outil de malédiction et de sévérité. C'est l'effet inverse. Tant et si bien que le citoyen a fini par perdre confiance en ce mécanisme». 37% DES DOSSIERS VALIDÉS ET UN BILAN SANS LE NOMBRE D'ACTES DÉLIVRÉS Le rapporteur expose le premier tableau-bilan. C'est l'élément «baromètre» de l'exécution de la 08-15 dans la wilaya d'Oran puisqu'il est censé être une matrice condensée des indicateurs-clés de ce processus à travers les neufs daïras. Or, bien qu'on y trouve (dans la 1ère colonne) le nombre total par chaque daïra des dossiers déposés, la matrice ne fait ressortir en revanche aucune donnée sur le volume des actes délivrés, la finalité de l'opération. Dans les deux colonnes suivantes de la même grille récapitulant l'état global du cheminement des dossiers, on a accès aux volumes totaux des demandes de régularisation au niveau des neuf daïras, aussi bien pour ce qui est des dossiers «avec acte» que pour ceux «sans acte». Ainsi, tout en bas de la 3ème colonne, figure le global des dossiers déposés à l'échelle de la wilaya : 46.377. De cet immense paquet, seulement 17.520 dossiers ont été acceptés (soit 37%), 7.325 autres acceptés avec réserves, 8.243 rejetés et 2.908 différés. Quant aux dossiers en instance d'enquête, ils sont au nombre de 934 au niveau des daïras et de 4.707 au niveau des communes. Le reste du volume réceptionné, il est inscrit au chapitre «dossiers transférés» et consiste en 1.032 dossiers au niveau des Domaines, 1.561 au niveau de l'Agence foncière et 236 au niveau de la DUAC. Bref, un gros tableau pour... un si petit résultat. DES MOTIFS DE REJET À L'EMPORTE-PIÈCE Et en guise d'explicatif pour cette forte disproportion du taux de validation par rapport à la demande enregistrée, et ce à défaut de toute donnée quantitative sur les actes établis, une image en grand plan mettant en évidence en 6 ovales d'un fond vert frais -contrastant avec la réalité- les 6 motifs de rejet : construction sur fond de parcelle, absence de certificat d'alignement, manque de preuves attestant la postériorité de la construction par rapport à l'année 2008, non-accord des voisins, défaut du rapport d'expertise et superficie non conforme à l'acte. De quoi faire sortir Saïd Sayoud de ses gonds : «Là, on est carrément dans le tragi-comique. D'où sortez-vous ces faux mobiles pour bloquer les affaires des citoyens ? Rien de cela n'existe dans le texte de la 08-15, dont la lettre et l'esprit vont dans le sens d'assouplir et d'avancer et non pas d'alourdir et de bloquer. Les cas de non-régularisation dans le cadre de la loi 08-15 fixant les règles de mise en conformité des constructions et de leur achèvement sont bien définis et précisés par les textes, dont à titre d'exemple les édifices érigés sur une parcelle réservée aux servitudes ou sur une zone relevant du domaine protégé du littoral. En dehors des cas exceptés par la législation, toutes les bâtisses sont régularisables, y compris celles construites sur une terre agricole. Dorénavant, tout refus de dossier par un motif en-dehors des rares cas énoncés vaudra aux responsables concernés des sanctions extrêmement sévères», a averti le wali. LA DIRECTION DES DOMAINES APPELÉE À HUILER SA MÉCANIQUE Il n'est un secret pour personne que c'est le plus souvent au niveau des Domaines que ça coince. De toutes les instances étatiques impliquées dans le processus de régularisation foncière (Conservation foncière, Cadastre, DUAC, Daïra, APC...), c'est l'administration domaniale, chargée entre autres missions du contrôle, des conditions de fond et de forme des documents portant sur la propriété immobilière publique ou privée et sur les autres droits réels immobiliers, qui brille le plus par son traitement autant lourd que rigide et parfois même contraire à la lettre et à l'esprit du 08-15. Rien que dans le simple volet de transmission par courrier-papier (alors que le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, n'a de cesse d'insister sur la numérisation, y compris celle de l'administration des Domaines, avec en perspective à court terme le livret foncier électronique) entre la direction des Domaines et sa propre Inspection, beaucoup d'eau peut couler sous les ponts avant que le bordereau n'arrive à l'autre bout. Et bien beaucoup plus avant que le rapport d'enquête ne parvienne au même service expéditeur qui, parfois, décide de le renvoyer à nouveau pour contre-enquête. Mais les daïras ne sont pas en reste, avec entre autres signes probants de pesanteur et de dysfonctionnement administratifs, des tas de dossiers en instance d'une décision au cas par cas via une commission. 15 JOURS POUR SE CONFORMER ET JUSQU'AU 31 DÉCEMBRE POUR TOUT ASSAINIR Passant au vif du sujet, Saïd Sayoud a accordé un ultimatum aux uns et aux autres pour assainir la situation sous quinzaine. «Régularisez !», c'est le mot d'ordre donné. L'instruction est claire : «Tout ce qui n'est pas à démolir, vous le régularisez». «Au 31 décembre 2024, il faut qu'on arrive à zéro dossier en instance», a-t-il prévu et prévenu à la fois. Pour la énième fois, rappelle-t-on, l'Etat a dû procéder, en vertu de la LF 2024 cette fois-ci, à la prorogation jusqu'au 31 décembre 2024 des délais de régularisation dans le cadre de la loi 08-15 du 20 juillet 2024, et ce sur fond de résultats mitigés et avec comme finalité de mettre en conformité le cadre bâti et de conforter par là même le plus grand nombre possible de citoyens dans leur droit de propriété immobilière. |