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Comme le rappelle justement
l'économiste indien, prix Nobel d'économie, Sen, A.K, «pas de bonne économie
sans vraie démocratie tenant compte des anthropologies culturelles », d'où
l'importance d'institutions démocratiques pour une société participative.
1.- La majorité de la population a de moins en moins confiance aux partis, pouvoir et opposition traditionnels et cela n'est pas propre à l'Algérie. Cela a été accentué tant par les nouvelles technologies qui façonnent de nouveaux comportements et récemment par ces innombrables affaires de justice qui ont provoqué un véritable choc de rejet de l'ancienne classe politique par l'opinion publique, face à l'ampleur des faits de corruption et de délits d'initiés reprochés aux hauts responsables auditionnés qui demandaient à la population de serrer la ceinture. D'où l'importance de renouer les relations entre l'Etat et les citoyens pour redonner une confiance brisée dont un des axes majeurs est d'impliquer la société loin de toute vision autoritaire bureaucratique. Dans ce cadre, attention à ces slogans des courants extrémistes populistes : « dégagez tous », la majorité des fonctionnaires, des cadres tant au niveau de la société civile que de l'ANP/forces de sécurité sont honnêtes, devant à tout prix éviter le vide des institutions ce qui conduirait à l'anarchie profitable aux conservateurs. Le temps ne se rattrapant jamais en économie, le statu quo politique et la stagnation économique conduira à la régression sociale avec des réserves de change tendant vers zéro et le retour au FMI. Alors, quel dirigeant, pouvoir ou opposition, pourra alors parler d'indépendance économique, politique, voire sécuritaire? Il existe un lien dialectique entre sécurité et développement, espérant un plus grand équilibre des pouvoirs, évitant la centralisation à outrance du passé, nécessitant une réelle décentralisation autour de six à sept grands pôles économiques régionaux, impliquant tant acteurs économiques que la société. Tout projet social est porté par des forces politiques, sociales et économiques, d'où l'importance d'une réorganisation profonde tant des partis politiques pouvoir/opposition que de la société civile. 2.-Secouées périodiquement par des crises internes, frappées de discrédit pour la majorité des partis est l'objet de la défiance nourrie à leur égard, les formations politiques étant aujourd'hui inaptes à faire un travail de mobilisation et d'encadrement efficient. D'où leur incapacité à éviter un affrontement direct entre citoyens et forces de sécurité, et donc de contribuer significativement à la socialisation politique et à l'œuvre de redressement national. Aussi face à cette situation, il y a urgence à adapter les partis politiques, souvent déconnectés de la société et présentant pour la majorité d'entre eux la spécificité d'être liés à des intérêts de rente. Quant à la société civile en Algérie, elle est éclatée. Contrairement aux idées reçues et illusoires des années passées, dans un contexte de désintégration sociale et d'une jeunesse « parabolée », la majorité des confréries religieuses officielles ont de moins en moins d'impacts. Sa diversité, les courants politico-idéologiques qui la traversent et sa relation complexe à la société et à l'Etat rendent impératives des actions collant avec la réalité sociale Ainsi la verra-t-on rapidement se scinder en quatre sociétés civiles fondamentalement différentes : trois au niveau de la sphère réelle et une, dominante, dans la sphère informelle. Le premier segment, plus important segment, interlocuteur privilégié et souvent unique des pouvoirs publics, est constitué par des appendices du pouvoir, situé à la périphérie des partis du pouvoir et dont les responsables sont parfois députés, sénateurs, vivant en grande partie du transfert de la rente. Le deuxième segment est celui d'une société civile franchement ancrée dans la mouvance islamiste, avec là aussi des appendices de partis islamiques légaux. Le troisième segment est celui d'une société civile se réclamant de la mouvance démocratique. Faiblement structurée, en dépit du nombre relativement important des associations qui la composent, elle est minée par des contradictions en rapport, entre autres, avec la question du leadership. Le quatrième segment le plus important est une société civile informelle, inorganisée, totalement atomisée, formant un maillage dense, composée de différents courants idéologiques tant sur le plan économique que politique Lorsqu'un pouvoir émet des lois qui ne correspondent pas à l'Etat de la société, celle-ci émet ses propres lois qui lui permettent de fonctionner accentuant le divorce Etat-citoyens par la dominance de l'informel, à tous les niveaux : politique, économique, social et culturel. Intégrer la réelle société civile, dans toute sa riche diversité, n'a de chance de réussir que si le mouvement associatif est assaini et si les associations qui le composent ne sont pas au service d'ambitions personnelles. 3.-Le redressement national implique la refondation de l'Etat, conciliant la modernité et notre authenticité, l'efficacité économique et une profonde justice sociale, de redonner la confiance actuellement brisée entre l'Etat et les citoyens sans laquelle aucun développement n'est possible sans parler d'une éventuelle démobilisation face à une agression extérieure. Il n'existe pas d'Etat standard mais que des équipements anthropologiques qui le façonnent Dès lors, des stratégies d'adaptation politique, militaire, sociale et économique tenant compte de l'innovation destructrice, en ce monde turbulent et instable pour reprendre l'expression du grand économiste Joseph Schumpeter, évitant le juridisme stérile, mentalité du bureaucrate où à tout problème l'on veut pondre en contradiction avec le fonctionnement de la société. Une loi n'est qu'une loi fût- elle la Constitution, devant être sous-tendue par une nette volonté politique de réformes structurelles et le renforcement de l'Etat républicain dans les faits et non dans les discours. Tout pouvoir a besoin d'une opposition forte, organisée avec des propositions productives pour se corriger, devant l'associer dans les grandes décisions qui engagent l'avenir du pays. L'Algérie a besoin pour éviter la léthargie et la stérilité que tous ses enfants dans leur diversité, par la tolérance des idées d'autrui, se regroupent au sein d'un même objectif à savoir le développement économique et social tenant compte de la dure réalité mondiale où toute Nation qui n'avance pas recule forcément. Le défi de l'Algérie 2020/2030 peut se résumer ainsi : soit une véritable stratégie d'adaptation à ce monde turbulent et instable, de profondes réformes afin de favoriser le développement durable ou une régression de l'Algérie tant dans le domaine économique, social, politique et militaire ce qu'aucun patriote ne souhaite. Le dialogue et la tolérance des idées contradictoires productives, le plus grand ignorant étant celui qui prétend tout savoir, sont les outils par excellence de la bonne gouvernance afin de réaliser les transformations nécessaires nécessitant un minimum de consensus économique et social qui ne saurait signifier unanimisme signe de décadence de toute société afin de stabiliser le corps social. C'est que la région africaine et euro-méditerranéenne, devant connaitre d'importants bouleversements horizon 2022/2030, impose à l'Algérie une stratégie d'adaptation tant politique, économique que militaire. 4.- L'Algérie souffre actuellement d'une crise de gouvernance qui avec l'incohérence de la politique socio-économique et les tensions budgétaires a induit une crise financière, où les réserves de change sont passées de 194 milliards de dollars le 01 janvier 2014 à 48 fin 2020 selon le programme du gouvernement et à environ 44 fin mai 2021,et ce malgré toutes les restrictions d'importation qui ont paralysé l'appareil de production et sans qu'aucun investissement créateur de valeur ajoutée durable de grande envergure n'ait été réalisé. La solution de facilité, même un illettré aurait pu agir ainsi, pour préserver les réserves de change, on limite les importations sans ciblage (la vérité, le blocage des importations de voitures rentre dans ce sens), on dévalue le dinar pour combler artificiellement le déficit budgétaire, et on a recours à la planche à billets sans réaliser les réformes structurelles, ce qui suppose à la fois un minimum de consensus social car douloureux à court terme, de l'intelligence et une nette volonté politique, ces trois facteurs avec les dysfonctionnements des appareils de l'Etat et la bureaucratie qui produit la sphère informelle étant à l'origine du processus inflationniste accéléré depuis janvier 2021. Du fait de la chute en volume physique de la production du gaz et du pétrole entre 2005/2021, en plus du peu d'investissement toujours pour préserver les réserves de change, du manque de prévision tant pour la politique des subventions, la consommation intérieure risquant de dépasser les exportations actuelles 2025/2030, que des nouvelles mutations énergétiques mondiales, avec la percée des marchés spot, ayant privilégié l'indexation du prix du gaz sur celui du pétrole, où même en cas de hausse, elle ne peut être répercutée qu'au bout d'une certaine période, modalités incluses dans les contrats, l'Algérie profite peu du niveau élevé du prix du gaz que celui du pétrole. Ce qui risque d'exacerber les tensions financières et sociales avec le risque d'une déstabilisation interne et par ricochet une crise régionale du fait de sa situation géographique. En résumé, face aux nouvelles mutations mondiales, avec l'avènement de la quatrième révolution économique qui se fondera essentiellement sur la transition énergétique avec le développement des industries écologiques, l'économie de la connaissance à travers le digital et l'intelligence artificielle s'impose une nouvelle gouvernance. Il s'agit là de l'unique voie empruntée afin de transcender les différences et à trouver de nouvelles raisons de vivre harmonieusement ensemble et de construire le destin exceptionnel que nos glorieux aînés de la génération du 1er Novembre de 1954 ont voulu pour eux. *Professeur des universités, docteur d'Etat 1974, expert international |