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Le président du Conseil
national des enseignants du supérieur a dévoilé, en ce mois de septembre 2021, un
véritable séisme qui doit faire bouger nos gouvernants pour une profonde
réforme de l'école du primaire au supérieur en passant par la formation
professionnelle et surtout dynamiser l'économie en berne, que plus de 22.000
docteurs sont en chômage, sans compter les centaines de milliers de jeunes
Algériens, formés par les universités du pays, détenteurs de masters et de
licences. Or une société sans son élite est comme un corps sans âme et ne peut
se développer.
Combien de compétences avérées a formé l'Algérie, privilégiant dans bon nombre de cas les relations de clientèles, des diplômés organiques aux ordres, selon l'expression du philosophe italien Gramsci, fondement de tout système bureaucratique, au lieu des compétences qui s'expatrient constituant une fuite de capitaux indirects se chiffrant en milliards de dollars. Or contrairement aux discours, la réalité sur le terrain démontrant le contraire, il reste un long parcours pour améliorer pour que nos gouvernants intègrent l'économie de la connaissance où l'Algérie a été classée 120ème sur 132 économies dans son rapport 2021 de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (WIPO). Mettant fin au mythe que c'est la possession d'importantes fortunes qui fait la valeur d'une personne et des relations de clientèles reposant sur la distribution de la rente, lorsque des responsables de la présidence de la République, le Premier ministre, un ministre ou un wali recevront au perron de leurs bureaux avec un tapis rouge, les véritables entrepreneurs créateurs de richesses, des professeurs et chercheurs de renom, on pourra alors dire que l'Algérie aura changé. Dans cette présente contribution, j'analyse un élément fondamental du savoir, la maîtrise du transfert de technologie, fondement du développement, mais qui ne saurait se limiter à l'aspect technique mais renvoie à l'organisation de la société algérienne d'une manière générale face aux mutations tant internes que mondiales. 1.- Selon l'OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) le transfert technologique est le processus désignant le transfert formel à l'industrie de découvertes résultant de la recherche universitaire et la commercialisation de ces découvertes sous la forme de nouveaux produits et services. Pour la recherche académique, le transfert de technologie est une opération qui consiste à transmettre les connaissances issues d'une recherche, formalisées ou non sous forme de brevet(s) ou de droits de propriété déposés, à un autre centre de recherche, public ou privé, destiné à les poursuivre à des fins de développement industriel ; ou à transformer la recherche en innovation industrielle, en cédant ses découvertes à une société. Si l'on se limite à l'industrie, un transfert de technologie consiste à vendre, par contrat, à un acquéreur, les droits d'utilisation d'une technique, d'un procédé, d'un produit (bien marchand) dont on est propriétaire, ainsi que le savoir-faire nécessaire à sa production industrielle. Le propriétaire de la technologie reste donc propriétaire, et l'acquéreur est contractuellement limité à un marché (limites géographiques, type de clientèle, volumes, par exemple) et soumis à des contraintes de diffusion (l'acquéreur ne peut pas lui-même transférer la technologie). Comme on ne doit pas confondre un transfert de technologie avec une cession de licence, le transfert de technologie incluant la communication d'un savoir-faire adapté au contexte de l'acquéreur. Droit public ou privé. Quelles sont les différentes formes de transfert de technologie ? Nous pouvons classer cela en différentes formes d'ailleurs souvent complémentaires. D'abord, la diffusion des connaissances, parfois nommée diffusion et transfert de connaissances, qui est une discipline pratiquée par les centres de recherche à des fins d'information des organismes publics, des entreprises. Cette diffusion est pratiquée lors de congrès, par des publications constituant une des sources d'information de la veille technologique, veille qui permet de surveiller l'évolution des connaissances, du savoir-faire, de la faisabilité et des inventions dans un domaine et ses environnements de développement. Mais à proprement parler la veille technologique n'est pas un transfert de technologie mais facilite le transfert. Vient ensuite le siphonage technologique qui consiste à déterrer les projets somnolents dans les laboratoires de recherche, les universités, qui n'ont pas trouvé de débouchés industriels, pour les promouvoir à fin de créations d'entreprises. Une autre méthode de transfert souvent utilisée dans l'industrie pour faciliter la maîtrise du savoir-faire est le recrutement des cadres et des spécialistes d'une technologie. C'est une des activités des chasseurs de têtes, des cabinets de recrutement ou parfois cela débouche sur l'espionnage industriel si les bénéficiaires des informations savent les exploiter. Egalement on peut citer comme facilité de transfert dans une première phase la rétro-ingénierie appliquée dans l'enseignement technique, la contrefaçon ou piratage, prohibée selon les clauses de l'OMC qui a introduit la protection de la propriété intellectuelle, débouchant parfois sur une acquisition du savoir-faire, par la méthode des tâtonnements. Enfin nous avons le transfert partiel de technologie à travers la licence de production accordée à l'acquéreur mais exclut certaines technologies comme la protection du secret d'un savoir-faire.(Ces axes ont été largement développés dans le cadre de l'audit réalisé sous ma direction, sur les axes de la relance de l'économie algérienne 2015/2025, (huit volumes 900 pages) volume quatre (4) d'une brûlante actualité remis au Premier ministre le 15 janvier 2013, audit auquel ont participé des experts étrangers et trois éminents experts algériens- 1.-Le capital humain, comme socle d'un nouveau développement : éléments pour une analyse comparée du système éducatif algérien par le Docteur Mohamed BAHLOUL, expert en ressources humaines ? 2.- Éducation : que faut-il faire ? Docteur Abdelhak LAMIRI, expert international en ressources humaines -3- De la nécessité d'insérer l'Algérie dans un nouveau régime de croissance tiré par l'économie du savoir et de l'innovation, Professeur Abdelkader DJEFLAT, Université Lille/ France, coordinateur du réseau de recherche sur la science et la technologie dans le développement du Maghreb ?Maghtech.) 2.- Face à la pression de la concurrence par l'innovation, du développement de produits sur mesure et de technologies de plus en plus complexes, à la production de services de plus en plus personnalisés, le travail demandé aux salariés n'a plus rien d'immédiat. De plus en plus, les directions d'entreprises demandent aux salariés de produire la connaissance de leur propre travail d'où l'importance d'une formation permanente. Cette production de connaissances repose sur des formes d'engagement et d'implication qui font jouer un rôle central à l'initiative, à l'intuition, aux jugements (la fameuse boîte à outils japonaise source d'innovation par le collectif des travailleurs) mais aussi aux capacités des individus et plus largement aux «savoirs sociaux ». Le Knowledge Management qui est stratégique pour chaque entreprise qui veut continuer à réussir. Le management des connaissances s'appuie sur les leviers de succès à savoir, les connaissances incorporées dans les produits et services ; les connaissances et compétences humaines au sein de l'entreprise (le capital humain) ; les connaissances contenues dans les processus (la structure interne) ; la mémoire organisationnelle ; la mémoire transactionnelle et enfin les connaissances en tant que biens immatériels (capital intellectuel). Cette ouverture traduit la nécessaire rupture avec les formes de gouvernance centralisées, disciplinaires et mutilantes héritées de l'ère fordienne. Aussi, le capital se socialise dans différents dispositifs technico-organisationnels influant dans le rapport des individus au travail. Les enquêtes montrent clairement que cette extension des savoirs sociaux s'accompagne de nouvelles formes de segmentation (qualifiés/non qualifiés ; mobiles /immobiles ; jeunes/vieux ; homme/femme) et d'un partage des activités et services qui deviennent de plus en plus marchands (délocalisation avec l'informatique en Inde, l'électronique au Japon, Corée du Sud). Cette approche socioculturelle qui rend compte de la complexité de nos sociétés dont le transfert de technologie en est l'aspect apparent doit beaucoup aux importants travaux de l'économiste indien, prix Nobel, Amartya Sen où d'ailleurs, selon cet auteur, il ne peut y avoir de développement durable sans l'instauration de l'économie de marché concurrentielle et d'une véritable démocratie solidaire qui seule permet à la fois la tolérance, la confrontation des idées contradictoires utiles et l'épanouissement des énergies tenant compte des anthropologies culturelles des sociétés. Il existe un lien dialectique entre le transfert de technologie et la culture d'une manière générale. La culture nationale n'étant pas figée, mais évolutive fortement marquée par l'ouverture de la société sur l'environnement englobant l'ensemble des valeurs, des mythes, des rites et des signes partagés par la majorité du corps social est un constituant essentiel de la culture d'entreprise et du transfert technologique. Les expériences réussies du Japon, des pays émergents comme la Chine et l'Inde montrent que l'on peut assimiler la technologie sans renier sa culture. D'ailleurs le transfert est favorisé lorsqu'existe une meilleure compréhension des valeurs convergentes et divergentes qui s'établissent entre deux groupes et vouloir imposer ses propres valeurs, c'est établir une relation de domination qui limite le transfert. Aussi, la culture d'entreprise est un sous-produit de la culture nationale et par conséquent un ensemble de valeurs, de mythes, de rites, de tabous et de signes partagés par la majorité des salariés et un élément essentiel pour expliquer les choix stratégiques en renforçant les valeurs communes : exemple, les règlement de conduite, les descriptifs des postes, ainsi que par le système de récompense et de sanctions adopté afin de mobiliser les salariés, qu'ils s'identifient à leur entreprise et s'approprient son histoire. Tout cela facilite le transfert de technologie qui ne doit pas se limiter à l'aspect technique, mais également managériale, organisationnel et commercial. L'indice de développement humain ou IDH développé en 1990 par l'économiste pakistanais Mahbub ul Haq et l'économiste indien, prix Nobel d'économie Amartya Sen traduit l'importance du développement du capital humain dont l'éducation et la santé. En conclusion, la bataille de la relance économique de l'Algérie et notre place dans la compétition mondiale se remportera grâce à la bonne gouvernance et notre capacité à innover. Nous sommes à l'aube de la quatrième révolution technologique mondiale, avec le développement de l'intelligence artificielle, la transition numérique et énergétique qui préfigure un bouleversement mondial. Concilier l'efficacité économique et une profonde justice sociale dans le cadre d'une économie ouverte, par la maîtrise du savoir, constitue en fin de parcours le défi principal de l'Algérie. Aussi, le passage de l'Etat de «soutien contre la rente» à l'Etat de droit «basé sur le travail et l'intelligence» est un pari politique majeur car il implique tout simplement un nouveau contrat social et un nouveau contrat politique entre la Nation et l'Etat. *Professeur des universités, expert international |