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Les deux dernières décennies
ont vu une baisse sans précédent des coûts de transport, la réduction des
barrières douanières et une intégration plus poussée des économies du monde.
Ces évolutions, accompagnées d'un développement rapide des technologies de l'information, ont favorisé l'éclatement des processus de production entre des pays ayant des niveaux de développement différents. Le commerce des biens intermédiaires, résultant de ces phénomènes et croissant de manière considérable, schématise un processus communément appelé le développement de chaines de valeur. L'ensemble des activités impliquées dans la chaine de production d'un bien depuis sa conception à son arrivée sur le marché comme produit final est considéré comme faisant partie intégrante de la chaine de valeur, y compris les activités de marketing et de transport. La fragmentation verticale des étapes de production est au cœur de cette évolution. Elle invite à une maitrise absolue des réseaux mondiaux de circulation de biens et services pour une maitrise des coûts et délais. Le poids pris par les grandes multinationales dans l'économie mondiale, et notamment celles présentes dans le secteur des NTIC, a contribué à ce développement (Del Prete, Giovannetti et Marvasi, 2016). Les pays en développement ont bénéficié de cette évolution positive des chaines de valeur mondiales (CVM), en intégrant des processus de production de biens afin d'exploiter au mieux certains de leurs avantages comparatifs. Ces derniers seraient restés inexploités sans cette segmentation de la production. Les CVM ont permis à ces pays de se spécialiser dans un segment de la chaine de production et générer ainsi une valeur ajoutée propre sans avoir à développer des industries intégrées qui fournissent les biens intermédiaires nécessaires aux producteurs de biens finis (Grossman et Rossi-Hanberg, 2006). Les CVM représentent une part importante du commerce mondial puisque l'Organisation Mondiale du Commerce (2014) estime que près de 30% du commerce mondial de marchandises est composé de biens intermédiaires et de composantes. L'estimation du contenu en importations des exportations est également un indicateur du développement considérable des CVM dans l'économie globale. Le développement des chaines de valeur au niveau régional est également un instrument de promotion de l'intégration régionale, qui repose, entre autres, sur une amélioration des relations économiques. Les réseaux de production peuvent être, à travers la chaine de production, partagés entre plusieurs économies. Des CVR peuvent être créées pour dynamiser l'intégration régionale et contribuer à la transformation structurelle du groupement régional. A ce titre, le développement de politiques sectorielles intégrées et cohérentes au niveau régional permettrait d'encourager les acteurs économiques à tirer bénéfice d'une segmentation des chaines de production pour répondre aux besoins spécifiques de leurs économies. Les CVR sont également un mécanisme de promotion du tissu productif local à travers la création d'opportunités économiques plus larges que celles offertes par le marché national. En exploitant les dotations factorielles différenciées entre pays membres, les entreprises, intervenant sur ces chaines, renforcent leur compétitivité et agissent comme stimulateur de l'interconnexion des économies de la région. L'analyse des échanges croisés entre les pays de l'Afrique du Nord indique qu'en 2015, uniquement 5,8% (1) du total des exportations des pays de l'Afrique du Nord est de nature intra- Afrique du Nord. De même, les importations de biens et services en provenance des pays de l'Afrique du Nord représentent 3,1% des importations totales de ces pays. Ces constats confirment que le degré d'intégration régionale des pays de l'Afrique du Nord reste assez faible. (1) Selon des calculs réalisés à partir de la base de données de " International Trade Center ". En 2015 la part des exportations de biens et services destinée aux pays de l'Afrique du Nord ne dépassait pas 10% du total des exportations vers le monde. La Tunisie et l'Égypte peuvent être considérées comme étant les mieux insérées dans les échanges intra-Afrique du Nord avec des exportations intra-Afrique du Nord qui représentent, respectivement, 9,8% et 9,6% des exportations totales. En revanche, la part des exportations intra-Afrique du Nord du Maroc, du Soudan et de la Mauritanie ne dépasse pas les 3,6% des exportations totales de biens et services. Enfin, l'Algérie occupe une situation intermédiaire grâce à ses exportations de gaz naturel vers la Tunisie, le Maroc et l'Égypte. Ces constats issus des données statistiques relatives aux flux d'échanges croisés entre les pays de l'Afrique du Nord permettent de confirmer l'idée que les CVR en Afrique du Nord sont assez limitées mais qu'il peut y avoir d'énormes potentialités à développer, d'où l'intérêt de réaliser des cartographies sectorielles. L'analyse des CVR dans les pays de l'Afrique du Nord montre que la caractéristique commune de l'Algérie, la Libye et la Mauritanie réside dans le fait que leur intégration dans les chaines de valeur mondiales (CVM) se fait par les fins de chaînes : ils exportent principalement des matières premières comme le pétrole et le gaz pour l'Algérie et la Libye, les minerais de fer et les produits de pêche pour la Mauritanie; et ils importent environ tous leurs besoins en produits manufacturés et en produits nécessaires à leur industrie locale. Leur performance économique est liée aux fluctuations des prix des matières premières et aux crises économiques. FAIBLESSE DE L'INTEGRATION ECONOMIQUE ET COMMERCIALE DES PAYS D'AFRIQUE DU NORD L'Afrique du Nord jouit d'une position géostratégique unique, au croisement de dynamiques régionales et continentales qui fournissent des opportunités importantes de développement et de prospérité. Ainsi, les pays nord-africains peuvent tirer profit de leurs relations solides avec l'Europe, leur partenaire économique traditionnel, pour monter en gamme et intégrer les chaînes de valeur mondiales. La sous-région peut également bénéficier de sa position privilégiée au Moyen-Orient, et de la construction d'un marché unique africain qui offre des perspectives considérables. Dans ce contexte, les analyses prospectives de l'impact du projet de construction d'une Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) montrent le rôle prépondérant que devraient jouer les chaînes de valeur régionales et l'importance de la contribution des pays d'Afrique du Nord au développement industriel qui en résulterait. En effet, ces derniers tireraient particulièrement bénéfice du développement des échanges de biens industriels intra-africains, dont l'augmentation devrait atteindre entre 25 et 30% à l'horizon 2040 (2), contribuant à l'intégration des tissus productifs du continent. (2) Les secteurs industriels qui bénéficieraient le plus sont le textile, l'habillement, le cuir, le bois et le papier, les véhicules et le matériel de transport, l'électronique et les métaux. Afin de mieux bénéficier des opportunités qui s'offrent au niveau africain et global, l'Afrique du Nord doit d'abord surmonter la faiblesse de son intégration économique et commerciale qui constitue un obstacle en elle-même. Plusieurs analyses confirment que l'intégration régionale en Afrique du Nord est des plus faibles au niveau continental. Les relations économiques et commerciales entre les sept pays de la sous-région (3) ne répondent pas aux ambitions affichées et ne traduisent pas la proximité géographique, culturelle, linguistique et religieuse de ces pays. (3) Algérie, Egypte, Libye, Maroc, Mauritanie, Soudan et Tunisie. Une politique commune de développement régional supposerait : - D'établir une cartographie sectorielle des chaînes de valeur régionales existantes et une analyse de leur potentiel de développement ; -D'évaluer les défis et les opportunités pour une gouvernance efficace des chaînes de valeur régionales spécifiques (4) ; - D'esquisser un plan d'actions ainsi que de soumettre des recommandations pour faciliter le commerce intra-régional ; - De réformer le cadre institutionnel et réglementaire existant ; - De renforcer les capacités des acteurs clés pour une meilleure intégration régionale. Ainsi, une meilleure intégration régionale en Afrique du Nord induirait de fait une croissance économique soutenue, partagée et durable, tirée par une des investissements intra-régionaux rentables et une augmentation du volume des échanges commerciaux entre les pays membres. Les tissus productifs des différentes économies deviendraient à la fois inter-reliés et interdépendants jouant un rôle de catalyseur dans l'intégration réelle et dans la transformation structurelle des économies de la sous-région. Toute la problématique consiste donc à renforcer les capacités des pays membres à mettre en place les politiques publiques à même de développer des chaînes de valeur régionales qui serviront d'instruments à l'intégration régionale. (4) La théorie identifie cinq types fondamentaux de gouvernance de la chaîne de valeur, soit : la hiérarchie, la captivité, le relationnel, le modulaire et le marché, qui vont de la coordination explicite à l'asymétrie de puissance. INTEGRATION INDUSTRIELLE : DEFINITION L'intégration industrielle signifie le regroupement au sein d'une même firme des activités étant situées sur plusieurs niveaux du processus de production. Une intégration industrielle est synonyme d'une concentration verticale. Cette dernière est l'acquisition d'une étape dans la chaîne de production en amont ou en aval de l'étape où se situe l'entreprise. En microéconomie et en stratégie d'entreprise, l'expression " intégration verticale " décrit un mode de propriété et de contrôle regroupant sous une seule autorité les divers stades de production et distribution concernant un type de biens ou services donnés aux différentes étapes de l'ensemble de la chaîne de valeur. D'une manière plus simple, l'intégration verticale consiste, pour une entreprise, à intégrer dans sa propre activité celle de l'un de ses fournisseurs, ou de l'un de ses clients. ANALYSE DES SYSTEMES CONCURRENTIELS Un système concurrentiel est un sous-ensemble d'un ensemble économique, sociologique et politique plus large. Les forces concurrentielles dans une industrie donnée sont liées à des forces de cet ensemble plus large que nous appellerons " macro-environnement ". L'identification de ces liens est nécessaire pour saisir la dynamique d'un système concurrentiel (le concept d'industrie est utilisé comme synonyme de système concurrentiel). L'étude du jeu concurrentiel, en termes de positionnement des opérateurs les uns vis-à-vis des autres et d'évaluation de leurs aptitudes respectives à exploiter le potentiel du secteur, constitue l'autre aspect majeur de l'analyse de l'environnement. La réflexion stratégique est une démarche tournée vers le futur, la compréhension de cette dynamique est donc l'aboutissement normal de toute analyse de l'environnement. Dans une certaine mesure, l'art de la stratégie consiste à être présent dans les industries et les segments les plus attractifs. De ce principe découle un des buts majeurs à savoir : porter un jugement sur l'attrait des industries dans lesquelles l'entreprise s'est engagée ou envisage de s'engager et sur la valeur des segments composant chaque industrie. On notera que : - Une industrie est définie comme une catégorie relativement stable à moyen terme, formée de quatre composants : acteurs, objets, offre et demande. L'offre sera appréhendée comme un ensemble de technologies relativement homogènes et la demande comme un ensemble d'applications relativement homogènes. Les technologies et les applications seront des " objets " ; les entreprises qui mettent en œuvre les technologies et les acheteurs qui utilisent les biens et les services seront considérés comme des " acteurs ". - Un segment d'industrie (sous-ensemble homogène au sein d'une industrie) a, par définition, des facteurs clés de succès spécifiques s'ajoutant aux facteurs communs à l'ensemble de l'industrie. Les deux niveaux (ensemble et segments) seront considérés tout au long de l'analyse du système concurrentiel : - Pour apprécier l'hétérogénéité des caractéristiques de l'industrie et pour évaluer l'attrait de chaque segment ; - Pour analyser les positionnements stratégiques des entreprises engagées dans l'industrie et pour imaginer les manœuvres stratégiques possibles dans le futur. Cela dit, deux facteurs seront identifiés pour décrire une activité : - le premier est le nombre de sources de différenciation exploitable pour créer de la valeur et se distinguer par conséquent de la concurrence, - et le second est l'importance de l'avantage concurrentiel. En croisant ces deux dimensions nous obtenons quatre types de systèmes concurrentiels : fragmenté, de spécialisation, de volume et en impasse concurrentielle. Quel que soit le type de contexte, une entreprise a théoriquement le choix entre 3 comportements stratégiques : - Jouer les règles du jeu sans transformer le système ; - Changer les règles du jeu sans transformer la nature du système ; - Transformer la nature du système. Dans les systèmes en impasse concurrentielle, la stratégie de transformation est vivement recommandée avec toutefois : - Un préalable lié à l'identification des caractéristiques du système concurrentiel en termes d'évolution de la demande, de cycle de maturité des technologies et de dynamique des avantages concurrentiels (différenciation et coût) ; - Une contrainte inhérente à la maîtrise des innovations de produits et/ou procédés ; - Un impératif de changement des règles du jeu pour faire évoluer l'activité vers un système concurrentiel plus favorable. Nota La confusion totale qui règne entre " types d'industries et relations entre part de marché et rentabilité ", embrouille nos industriels quand il s'agit de savoir quelles activités (Etoiles, Dilemmes, Vache à lait ou Poids morts) évoluent dans quel type d'industrie (Fragmentée, de Spécialisation, en Impasse concurrentielle ou de volume). Cette confusion a pour conséquence une imprécision coûteuse du segment d'industrie à cibler comme champ possible de diversification. REGULATION INDUSTRIELLE, STRATEGIE INDUSTRIELLE ET FILIERES INDUSTRIELLES - La régulation industrielle des entreprises permet une optimisation du cycle de vie des produits et une meilleure exploitation des activités créatrices de valeur au cours des cycles de transformation des produits par les différents types de technologies en usage. Les technologies n'ont pas la même importance stratégique. Les plus importantes sont celles qui constituent des facteurs-clés de succès durables. Le portefeuille technologique apprécie à la fois le degré de maîtrise des ressources technologiques et leur impact concurrentiel et de ce fait permet d'évaluer le degré de solidité des facteurs de succès de l'entreprise. Comme le patrimoine technologique évolue, les entreprises performantes s'efforcent d'en tirer le meilleur parti, d'exploiter au mieux ce que d'autres ont déjà trouvé et d'innover pour apporter les meilleures réponses aux impératifs du marché. Le renforcement des capacités technologiques ainsi que l'insertion des filières industrielles dans les chaînes de valeur mondiales, par l'intermédiaire de sociétés transnationales, sont les conditions nécessaires pour être éligible au rang de pays émergent. - La stratégie industrielle d'une entreprise est l'articulation entre sa fonction de production et sa stratégie. La stratégie industrielle a pour objectif d'améliorer le positionnement structurel de l'entreprise et d'ajuster ses moyens industriels sur sa stratégie commerciale. La stratégie industrielle prend donc en compte l'implantation géographique de ses unités de production, la technologie de sa production ou sa gamme de produits. La stratégie industrielle est une préoccupation pour les grandes entreprises comme pour les PMI. - La notion de filière qui fait référence à une chaîne de valeur peut être définie comme un ensemble de produits (biens ou services) et d'acteurs économiques concourant à la desserte d'un marché. Ces marchés sont organisés par des entreprises qui structurent la chaîne de valeur le long de grands processus (marketing et définition de produits, design et conception, production, etc.) et définissent les activités qu'elles conservent en interne et celles qu'elles sous-traitent. Dans le cas de produits ou de processus industriels complexes (automobile, aéronautique), la supply-chain peut être articulée en plusieurs niveaux : on distingue alors des sous-traitants de rang 1, de rang 2 et dans certain cas de rang 3. Le sous-traitant de rang 1 est lui-même intégrateur de prestations ou sous-ensembles venant de sous-traitants de rang 2. La structuration d'un secteur en une filière suppose que les entreprises qui servent le marché correspondant structurent leur chaîne de valeur de manière telle que des entreprises externes industrielles ou de service puissent devenir leurs fournisseurs sur une base compétitive, ce faisant elles organisent des marchés ou font appel à des marchés sous-jacents où les entreprises s'organisent elles-mêmes en filières, généralement des filières métiers (plasturgie, mécanique, logiciel) ou technologiques (composants électroniques, etc.). Il existe donc un réel problème de répartition de la création de valeur tout au long de cette chaîne de valeur. La structuration de secteur en filière dans les produits complexes n'est pas naturelle lorsque le nombre d'acteurs est insuffisant ou que les conditions d'émergence de marché de produits intermédiaires ne sont pas remplies et suppose une concertation forte entre les différentes parties prenantes et bien souvent l'action de l'Etat s'avère nécessaire. Les organisations professionnelles ont un rôle majeur à jouer dans la construction de ces filières. Pour être efficiente et compétitive, cette structuration en filières doit permettre d'autres types d'horizontalité, en particulier autour des grandes ruptures technologiques multi-applications (nanotechnologies, logiciels de conception et de simulation, etc.) ou autour de nouveaux marchés faisant appel à une variété de compétence associées à des filières industrielles différentes. En résumé, l'intérêt du raisonnement en filière est de pouvoir partager en son sein, entre les différents maillons de la filière, les grands enjeux que sont : l'emploi, la formation et les compétences, l'innovation technologique, la réglementation, la normalisation, les attentes et exigences des clients finaux et l'accès à l'international. Remarque La notion de filière s'appuie sur une conception de la chaîne de valeur bâtie sur un modèle de production idéalisé. Cette conception s'entend parfaitement sur la partie matérielle des flux économiques, mais une part de plus en plus importante des flux devient immatérielle (économie de la connaissance). L'émergence et le développement de nouveaux outils issus des TIC (ingénierie collaborative notamment) permettent un partage de connaissances en réseau de plus en plus efficace, de nature à modifier sensiblement les relations entre acteurs économiques. Les experts de l'ONUDI ont établi un lien causal entre le succès d'une stratégie industrielle et la vision nationale de développement industriel. Afin de se doter de capacités industrielles compétitives, ces mêmes experts recommandent aux économies en développement : - D'établir une politique globale et cohérente de développement industriel à l'échelle nationale ; - De bâtir des stratégies de développement industriel internationales à même de reconfigurer les différents éléments de la chaîne de valeur à l'échelle internationale par le choix judicieux des pays cibles, des activités créatrices de valeur et de modes de présence ; - De définir et appliquer des politiques visant à : - Développer des compétences en management des ressources technologiques et ce, en s'alimentant à la triple source suivante : " Valorisation & Développement ", " Acquisition & Développement " et " Recherche & Développement " ; - Développer des capacités d'innovation managériale qui plus que la capacité d'innovation technologique sera la clé de survie de la plupart des entreprises ; - De créer des institutions d'appui à la maîtrise industrielle œuvrant dans le sens d'une : - Meilleure adaptation des normes aux objectifs de développement industriel ; - Une meilleure adaptation des technologies aux réalités nationales. STRATEGIE DE VALEUR DE L'ENTREPRISE La valeur est la somme que les clients sont prêts à payer pour obtenir le produit ou service. Elle résulte de différentes activités réalisées à la suite par les fournisseurs, la firme et les circuits de distribution. La chaîne de valeur doit permettre à une entreprise de construire son avantage concurrentiel (" i.e. un ensemble de caractéristiques ou d'attributs (pour un produit ou une marque) offrant une supériorité sur ses concurrents immédiats. Cette supériorité est une supériorité relative établie par référence aux concurrents les mieux placés sur le segment. "). Chaque entreprise cherchera à obtenir dans la filière la position qui correspond aux activités lui permettant de maximiser sa valeur contributive, et en parallèle à s'organiser pour maximiser la chaîne de valeur interne de ses activités. Types principaux de stratégie de valeur : · Une offre à des coûts inférieurs aux concurrents ; · Ou une offre possédant des caractéristiques uniques que les clients sont prêts à payer plus cher ; · Ou une combinaison des deux pour s'adresser à des segments différents de clients. ENJEUX D'UNE CHAINE DE VALEUR La chaîne de valeur permet de prendre conscience de l'importance de la coordination dans une organisation car chaque maillon de l'entreprise apporte une valeur à optimiser. De manière générale, plus qu'une désindustrialisation, les pays occidentaux vivent actuellement aussi un renouvellement industriel. Celui-ci est nécessaire au vu de l'évolution des technologies et des conditions de la concurrence internationale. Il se traduit à l'échelle de la planète par une évolution des géographies économiques : rétraction des activités en crise, concentration des lieux de pouvoir (qu'il s'agisse des lieux de décision ou d'innovation) et diffusion des nouvelles activités. Mais la diffusion est uniquement basée sur la desserte de marchés locaux alors que les segments à maîtriser, l'innovation et les circuits de distribution, sont eux concentrés... Si une région économique les laisse partir, le pouvoir d'achat associé à ces activités finira par s'effriter et l'effet de taille de marché disparaîtra à terme : les effets cumulatifs propres à l'économie contemporaine peuvent aussi bien être vertueux que vicieux... Une approche par filières chamboule donc les relations hiérarchiques que l'on est tenté de poser entre Centre et Périphérie. On observe dans l'ensemble des grandes régions économiques une répartition fonctionnelle (cadres vs ouvriers) apparente centre-périphérie, mais où les liens organiques dépassent le cadre régional. Ces liens se pensent au niveau des entreprises (groupes) multinationaux et un établissement de fabrication localisé en périphérie ne dépend pas nécessairement du centre géographiquement le plus proche. Des spécialisations locales peuvent naître d'un district local ou de l'implantation d'un grand groupe extérieur à la région économique considérée... Cela a deux conséquences. · Un grand groupe est souvent la condition sine qua non du développement et du renouvellement des savoirs locaux car cela leur fournit une assise et une ouverture au monde dont les districts locaux sont incapables seuls. · Des activités peuvent alors être présentes en périphérie sans l'être au centre. Le centre, lui, dispose généralement de possibilités de financement, de réseaux d'affaires ou de capacités de recherche de plus grande ampleur. Il s'agit donc de construire des réseaux d'échanges régionaux émancipés de la relation hiérarchique 'grande' région - 'petite' région, et de repérer les possibilités d'interaction et d'intégration des activités. Ces deux points peuvent permettre de doter des territoires des moyens pour capter ou générer de l'activité économique : l'aménagement du territoire, qui passe de plus en plus par l'emploi, demande donc d'intégrer les logiques de l'entreprise dans la réflexion. Mais cette orientation doit être prise en conservant à l'esprit que l'objectif reste le territoire et les Hommes : il s'agit donc de ne pas confondre les fins et les moyens du développement économique local. CARACTERISTIQUES D'UNE CHAINE DE VALEUR Dans la littérature économique une chaîne de valeur, ou une filière, peut être définie comme un ensemble de produits (biens ou services) et de producteurs concourant à la desserte d'un marché. Ceux-ci sont organisés à l'échelle mondiale sous l'égide d'entreprises meneuses qui gouvernent l'ensemble de la chaîne : elles spécifient directement ou indirectement ce qui doit être produit, où et par qui. Ces entreprises arbitrent constamment entre l'internalisation et l'externalisation de la production et entre l'intégration et la désintégration spatiales (regroupement au même endroit de certains types de production ou au contraire leur éclatement). De nombreuses configurations peuvent ainsi apparaître, avec lesquelles les acteurs territorialisés doivent compter. Au niveau mondial, la fragmentation du processus de production est de plus en plus importante. Krugman [1995] considère, à travers l'expression "Slicing the value chain", que la décomposition internationale de la chaîne de valeur est l'un des quatre faits stylisés les plus importants du commerce mondial actuel. Même si le phénomène ne peut être réduit seulement à l'activité des firmes multinationales, ces dernières semblent en être l'un des acteurs principaux. L'accent mis sur la capacité d'un territoire à attirer des investisseurs étrangers est de plus en plus important. En France, l'Agence Française pour les Investissements Internationaux (AFII) est chargée d'attirer les investissements internationaux, notamment en coordonnant les acteurs nationaux, régionaux et locaux. Paradoxalement, aucun développement n'est véritablement exogène : les investisseurs alimentent généralement des concentrations sectorielles préexistantes. L'enjeu pour les territoires est alors de parvenir à un certain seuil de développement qui les rende compétitifs sur leur segment (secteur d'activité et fonction au sein de ce secteur), attractifs et susceptible d'engendrer des dynamiques de croissance cumulative. LES DIFFERENTS SEGMENTS D'UNE FILIERE Dans l'ensemble des activités entrant dans la chaîne qui permet de vendre un produit à un consommateur, quatre étapes peuvent être distinguées. · La première correspond à la définition du produit (A), qu'il s'agisse d'un bien ou d'un service. Innovation et recherche sont les éléments clefs de cette première étape qui contient une grande part de la valeur ajoutée au produit fini. · La seconde étape est la fabrication du bien (B). La partie standardisée de cette étape est le plus souvent délocalisée et comporte peu de valeur ajoutée. La partie plus élaborée est la seule qui reste parfois dans les pays développés. · Elle est de plus en plus intégrée à la phase de distribution (C) : les gigantesques entrepôts logistiques qui s'étendent aux marges des grandes régions urbaines (les principaux centres de consommation mondiaux) comportent à la fois une activité logistique et des ateliers permettant une finition et une adaptation des produits en temps réel. · Ces produits sont enfin mis sur le marché en répondant à des stratégies (D) définies dans les sièges des entreprises : image de marque, structure économique et financière de l'entreprise, protection juridique,... un grand ensemble d'activités sont concernées par cette dernière étape. Elle véhicule une valeur ajoutée aussi forte que la première étape dans la mesure où c'est elle qui permet que le bien ou le service soit produit et vendu. Notons cependant que de manière générale, ces étapes ne se déclinent pas de manière processuelle et cloisonnée. En effet, dans la réalité il existe un mouvement de va et vient entre ces différentes étapes. Par exemple, l'étape de conception (A) requiert l'implication parfois du marketing (D) qui doit s'assurer dès le départ que le produit sera accepté par le marché. D'après Michael Porter, la chaîne de la valeur permet d'analyser les différentes activités d'une entreprise. Elle permet de voir comment chaque activité contribue à l'obtention d'un avantage compétitif. Elle permet également d'évaluer les coûts qu'occasionnent les différentes activités. Neuf pôles peuvent être identifiés : cinq activités de base et quatre activités de soutien. Les activités de soutien peuvent affecter une ou plusieurs activités de base : · Les activités de base · Logistique d'approvisionnement (réception, stock et distribution des matières premières). · Fabrication (transforme la matière première en produits finis). · Logistique de commercialisation (collecte, stock et distribue le produit fini au client). · Le marketing et la vente (permettent au consommateur de connaître et d'acheter le produit fini). · Les services (regroupent tout ce qui permet d'augmenter et de maintenir la valeur du produit (installation, réparation...)). · Les activités de soutien · Infrastructure de l'entreprise (regroupe tous les services nécessaires à une entreprise (administration, finances, contrôle de la qualité, planification...)). · GRH (se retrouve dans toutes les activités de base). · Recherche et le développement (utiles pour toutes les activités car toutes les activités nécessitent des technologies (savoir-faire, innovation...)). · Les achats (permettent aux activités de base d'acquérir les diverses ressources dont elles ont besoin). Il peut être utile, pour avoir une vision plus précise, de diviser encore les activités (exemple : les services comprennent les activités d'installation, de réparation, de garantie...). Les liens existants entre toutes ces activités sont importants et permettent des synergies. La coordination entre les activités est primordiale car si l'une progresse sans les autres, cela peut déstabiliser l'ensemble et ainsi créer de nouveaux coûts. Le bon management de ces liens permet à l'entreprise d'obtenir un avantage compétitif : - un avantage de coûts peut apparaître en ayant une excellente force de vente, en ayant un service de production efficace, en ayant un système de distribution peu cher (...) ; - un avantage différenciateur peut apparaître en ayant une bonne équipe de designers, en ayant la capacité de sélectionner des matières premières de bonne qualité (...). Cette approche ne prend toutefois pas en compte l'environnement extérieur. LE POIDS DES GROUPES MULTINATIONAUX L'importance de la dernière étape est liée au fait que l'échelle de référence ne soit plus uniquement locale. Le développement de groupes importants le renforce donc. La baisse très importante des coûts de transport et des coûts de transaction (droits de douane, barrières linguistiques et juridiques) conduit de plus en plus de filières à s'organiser à l'échelle de la planète. Mais cela ne se traduit pas par une explosion des échanges entre PME de tous les continents : les grands groupes occupent une place prépondérante dans l'organisation des flux internationaux et le poids des échanges intra-groupes dans le commerce international ne cesse de croître. Du point de vue spatial, ils choisissent le lieu optimal pour localiser chacun des éléments de la chaîne de valeur. Du point de vue industriel, ils arbitrent entre filiales et sous-traitants pour organiser leur production (c'est donc une forme d'entreprise étendue). Ces filiales ou sous-traitants organisent à leur tour leur production. Les sous-traitants de premier rang peuvent en effet être eux aussi de grands groupes (par exemple les équipementiers de l'automobile) et gérer leurs approvisionnement voire leur production à l'échelle de la planète. Les sous-traitants de second ou troisième rang sont plus fragiles. Ils sont particulièrement exposés aux retournements conjoncturels puisque c'est eux qui doivent ajuster leurs coûts et leurs capacités aux demandes de l'établissement donneur d'ordre. Les territoires doivent alors se positionner en essayant d'attirer et fidéliser les grands groupes et en essayant de stabiliser la situation économique des sous-traitants locaux. LA REPARTITION SPATIALE DE LA PRODUCTION La standardisation des procédés de fabrication a conduit à une baisse de la valeur ajoutée liée à la seule production des biens industriels. La valeur ajoutée repose beaucoup plus en amont et en aval, c'est-à-dire dans la capacité à créer des produits (biens ou services) et la capacité à créer l'envie de les consommer chez les clients potentiels. Définition et création des produits (A) et marketing et gestion des réseaux de production (D) sont ainsi les deux pôles où se concentre la valeur ajoutée dans les chaînes de valeur. On le voit bien, dans ces quatre étapes, la fabrication (B) a quasiment disparu des pays occidentaux. La finition-distribution (C) y restera tant que le marché local sera suffisamment attractif, mais en étant en concurrence avec les régions en voie de développement qui essaient de remonter les filières de la fabrication brute vers les produits semi-finis ou finis (comme c'est déjà le cas dans l'électronique). Les deux étapes comptant le plus de valeur ajoutée, (A) et (D) sont donc un enjeu fondamental pour chacune des économies occidentales, considérées aux niveaux nationaux ou régionaux: elles sont la garantie du maintien à moyen terme d'une activité industrielle et de service dans les villes et régions considérées. LES LOGIQUES SPATIALES DE L'ECONOMIE Concentration des activités et logiques cumulatives L'importance prise par les grands groupes se traduit dans la structure des marchés : la concurrence y est limitée à quelques acteurs en oligopole. Cela est en partie dû à l'existence de rendements croissants très importants. Il y a évidemment des économies d'échelle dans la production. Mais ces économies passent aussi et surtout par le développement de marques et la possibilité d'optimiser la production des groupes à l'échelle de la planète plutôt qu'à l'échelle d'une région ou d'un pays : connaître les lieux et les acteurs locaux ou gérer des flux à l'échelle de la planète demandent des ressources que toute entreprise ne peut pas s'offrir et qui sont pourtant nécessaires pour atteindre des coûts de production suffisamment bas et des marchés suffisamment larges. L'existence de rendements croissants, couplée à l'existence d'effets de taille de marché, a d'importantes conséquences sur la localisation des activités économiques. En l'absence d'une mobilité parfaite des hommes et des capitaux, des agglomérations d'activités apparaissent et s'autoalimentent en bénéficiant de la taille des marchés locaux et de leur éventuelle spécialisation. Spécialisation ou Diversification des espaces En compétition, les territoires entrent tous dans des stratégies de différenciation. Si l'attraction d'établissements de fabrication (B) semble reposer essentiellement sur des avantages comparatifs, les autres segments sont eux engagés dans des dynamiques plus complexes, souvent cumulatives. La finition-distribution (C) repose grandement sur des effets de taille de marché qui sont à la fois quantitatifs (avoir un nombre de clients et de fournisseurs suffisant à proximité) et qualitatifs (avoir accès à une grande variété de biens et services, y compris spécialisés). Les activités de recherche ou de stratégie reposent elles sur des logiques plus complexes encore, croisant la nécessaire proximité avec les lieux d'innovation ou les réseaux influents, pour bénéficier des externalités d'agglomérations, tout en prenant en compte les conséquences des interactions stratégiques liées à la trop grande proximité entre concurrents... Si les activités de recherche ou de stratégie semblent conduire à des espaces spécialisés, il n'en est rien dans la mesure où le maintien d'une diversité d'activités est une composante essentielle de l'attractivité des territoires. Si spécialisation il y a, elle est donc surtout fonctionnelle : il n'y a plus de fabrication de produits standardisés dans les pays occidentaux et réciproquement il y a peu d'innovations industrielles en dehors des pays développés (et surtout des États-Unis). Mais les stratégies de localisation évoluent très rapidement, aussi vite que les positions relatives des pays sur les différents secteurs et fonctions économiques. Alcatel est ainsi un des premiers groupes mondiaux à avoir installé des centres de recherche en Chine et son pari a fait école. Les relations entre les territoires d'une même région économique Cette différenciation fonctionnelle se lit parfois dans les grandes régions économiques, le cœur de la ville-mondiale étant sur des segments différents de ceux occupés par la périphérie de celle-ci : caricaturalement, le centre héberge les sièges sociaux et la périphérie les activités de finition-distribution voire de fabrication. Cela a souvent conduit à une vision hiérarchisée des rapports économiques au sein de ces régions. Et si la vision hiérarchique et intégrée a été rejetée, elle a alors laissé la place à une structure totalement non hiérarchisée, basée sur l'idée de districts ou de réseaux locaux. Ce sont là deux visions différentes du développement local : · La première centrée sur des grands établissements intégrés à des entreprises qui les contrôlent, les établissements contrôlés étant généralement en périphérie et le siège au centre de la région économique. C'est le schéma qu'a suivi la décentralisation des activités industrielles lorsque seules les grandes unités de production sont parties de Paris. Il pêche par sa trop grande rigidité et sa difficulté à s'adapter aux vagues successives d'innovation. · La seconde est centrée sur la redynamisation de réseaux de PME innovants. L'idée est de bâtir de réseaux entre égaux, basés sur la coopération et le partage d'information et de savoirs-faires. Les entreprises n'ont pas ou peu de liens structurels mais participent toutes au développement d'un même territoire sans lien hiérarchique apparent avec un autre territoire. Il pêche par sa trop grande fragilité économique : si les entreprises sont suffisamment flexibles pour permettre l'adaptation de ces systèmes locaux aux évolutions techniques, elles sont trop petites pour les investissements massifs que demandent les sauts technologiques. De plus elles n'ont que rarement les moyens de couvrir les marchés internationaux, une condition de rentabilité primordiale. Il s'agit donc, pour les territoires, de trouver un moyen d'articuler la fluidité des réseaux locaux à la puissance des grands groupes. La structuration des réseaux de PME sous-traitants locaux des grands groupes doit avoir pour objectif de leur permettre de développer les compétences nécessaires pour remonter leurs filières : un ensemble de sous-traitants conduit au développement ou à l'entretien de compétences spécifiques sur un territoire similaires à celles des " Systèmes Productifs Locaux "... Leur développement, en association avec les grands groupes implantés localement doit permettre à ces derniers de bénéficier des innovations locales : l'ancrage local de grands groupes peut être facilité par ce biais. Ce schéma conduit à une organisation industrielle et spatiale qui n'est ni hiérarchique, ni entièrement non hiérarchique. Il y a un référent local qui coordonne les actions et initiatives des différents membres du réseau. A l'échelle d'une région économique, cela relativise la notion de centre et de périphérie : basée sur la proximité entre des grands groupes et des réseaux de PME, ces systèmes locaux ouverts peuvent tout aussi bien apparaître autour d'un siège social qu'à proximité d'un établissement de fabrication. La remontée des chaînes de valeur à partir de réseaux sous-traitants de grands groupes peut alors éventuellement survenir dans des espaces spécialisés dans les fonctions industrielles et pas uniquement métropolitaines supérieures... Au sein d'une même région économique les termes de 'Centre' et de 'Périphérie' masquent donc l'inscription des territoires dans des espaces productifs dont la géographie n'est pas basée sur la seule distance physique. Cette montée en gamme prendra des formes différentes en fonction de la chaîne de valeur considérée. LES FILIERES 'CONSOMMATEUR' ET LES FILIERES 'PRODUCTEUR' On distingue généralement deux types de chaînes : celles guidées par le consommateur final et la capacité à s'adapter aux conditions de vente et celles guidées par le producteur où la définition du produit est primordiale. · Les effets de taille de marché qui rendent des secteurs captifs ou presque de certaines concentrations économiques sont dominants dans les chaînes 'consommateurs'. L'Europe étant un grand centre de consommation, elle attire mécaniquement les activités de type (C). Ceci est particulièrement sensible dans les filières 'consommateurs' qu'il s'agisse, par exemple, des activités portuaires, de l'agriculture ou des produits de luxe. Dans ces filières, si les activités d'innovation (A) doivent être développées, ce sont surtout les activités aval (D) qui offrent les perspectives les plus importantes : l'enjeu est de parvenir à anticiper et contrôler les besoins des consommateurs (définition de marques, etc.). L'activité de l'ensemble de la filière, depuis l'innovation jusqu'à la distribution, est ensuite orientée par les besoins définis en aval. · Dans les filières 'producteur', le pouvoir de marché est situé en amont et l'ensemble des activités de la fabrication aux stratégies marketing sont ensuite orientées par les possibilités entrevues en amont. Un nouveau produit peut permettre de bénéficier de rendements de niches et la recherche est donc valorisée... SECTEUR D'EXTRACTION ET DE TRANSFORMATION DU PETROLE ET DU GAZ Les CVR axées sur l'extraction et la transformation du gaz et du pétrole pourraient s'avérer être des facteurs clés de compétitivité dans la région de l'Afrique du Nord. Sur les marchés mondiaux de gaz et du pétrole, l'Algérie, l'Égypte et la Libye se situent parmi les principaux acteurs, avec d'importantes réserves et capacités de production. Pour ces trois pays, le pétrole, le gaz et ses produits dérivés (appelés combustibles minéraux, huiles minérales et produits de leur distillation) représentent les principaux produits exportés. À titre d'exemple, les données statistiques montrent que les exportations de pétrole, du gaz et des produits dérivés durant l'année 2015 ont représenté 95,8% des exportations totales de l'Algérie et 83,7% des exportations totales de la Libye. Par ailleurs, la Mauritanie possède des réserves non négligeables, mais sa production est limitée. La Tunisie et le Maroc sont des importateurs nets, avec des réserves limitées en gaz et pétrole conventionnels. Selon le rapport de la CEA (2015), tous les pays de l'Afrique du Nord sont supposés avoir d'importantes réserves non conventionnelles (schiste bitumineux et gaz de schiste). Les principales exportations se composent de pétrole brut et de gaz et vont en direction de l'Europe (principal marché). STRUCTURE DE LA CHAINE DE VALEUR DU SECTEUR DE PETROLE ET GAZ EN AFRIQUE DU NORD La chaine de valeur du secteur d'extraction et de transformation du pétrole et du gaz est relativement peu complexe. Description de chaque segment principal de cette chaîne de valeur 1) Réserves de pétrole et de gaz Les réserves de pétrole en Afrique du Nord concernent essentiellement l'Algérie et la Libye au Nord, et l'Égypte dans une moindre mesure. la Libye, qui occupait le 17ème rang des producteurs mondiaux de pétrole, dispose de réserves estimées parmi les plus grandes d'Afrique. D'autant que son brut est d'excellente qualité et ses gisements sont proches des centres de raffinage européens, parmi les plus importants du monde. Par ailleurs, le gaz reste largement sous-exploité. 2) Extraction du pétrole et du gaz L'extraction de pétrole est le processus par lequel le pétrole utilisable est extrait et retiré du sous-sol. Pour trouver le pétrole, des prospections sont faites au niveau des bassins sédimentaires dans lesquels du gaz et du pétrole ont pu se former. Gaz et pétrole ont ensuite dû avoir la possibilité de migrer à travers des roches poreuses capables de contenir de grandes quantités. L'Algérie occupe la 3ème place africaine en termes de production de pétrole avec 1, 671millions de barils/jour produits en 2015 soit 19% de la production africaine (5). L'Égypte qui produit environ 707 milliers de barils/jour est devenue le 4ème pays producteur de pétrole en Afrique depuis que le conflit armé en Libye a réduit la production de ce pays à 461 milliers de barils/jour, le rétrogradant à la 5ème place. Quant à la Tunisie, elle occupe le 14ème rang africain avec une production qui ne dépasse pas 51 milliers de barils/jour. La Mauritanie est devenue officiellement productrice de pétrole à partir de l'année 2006, après une décennie d'exploration. Elle reste cependant un très petit producteur (avec à peine 5,2 milliers de barils/jour). La production de gaz est attendue en 2021 avec l'exploitation du champ gazier offshore transfrontalier " Grand Tortue/Ahmeyim-GTA entre la Mauritanie et le Sénégal. Il s'agit d'un réservoir de classe mondiale qui sera développé et exploité par un consortium constitué de Kosmos ENERGY et British Petrolum (BP). Les réserves de ce champ sont estimées à 15 millions de pieds cubes de gaz (soit environ 425 milliards de mètres cubes). (5) U.S. Energy Information Administration (EIA, 2015), Total Petroleum and Other Liquids Production 2015. 3) Le raffinage Le pétrole brut est en quelque sorte un " mélange " de plusieurs produits (lourds et légers) de consommation énergétique ; il faut donc le raffiner pour extraire, séparer et transformer ces produits, de manière à répondre aux besoins des consommateurs. L'essence ou le gazole que l'on met dans sa voiture, le fioul que l'on brûle pour se chauffer en hiver, le gaz naturel que l'on utilise pour cuisiner sont autant de carburants et sources de chaleur dérivés du pétrole et du gaz exploités dans les différents gisements dans le monde. L'Algérie dispose actuellement de six raffineries en cours d'exploitation (Alger, Arzew, Skikda, Hassi-Messaoud et Adrar). La capacité de traitement annuelle s'élève à 27 millions de tonnes, dont 5 millions tonnes/an en condensat à Skikda et 0,6 million tonne/an pour la raffinerie d'Adrar. Du fait de ses caractéristiques, l'industrie du raffinage est assujettie aux évolutions et mutations des marchés national et international, essentiellement en termes d'offre et de demande de produits pétroliers sur le plan qualitatif et quantitatif. En Égypte, il existe actuellement neuf raffineries de pétrole ayant une capacité de raffinage de 840 000 barils/jours. Les travaux de construction d'une nouvelle grande raffinerie pétrolière ont été achevés fin 2018. En Tunisie, le raffinage du pétrole est réalisé par une entreprise publique (Société tunisienne des industries de raffinage ou STIR). Elle s'emploie à l'importation et au raffinage du pétrole brut. Ainsi, pour une consommation nationale de 3,746 millions de tonnes de pétrole raffiné, elle produit 1,683 million de tonnes et en importe 2,790 millions. Au Maroc, la Société Anonyme Marocaine de l'Industrie du Raffinage (SAMIR) était l'unique entreprise spécialisée dans le raffinage des produits pétroliers avant de mettre fin à ses activités en août 2015 suite à des difficultés financières. 4) Transformation en produits dérivés Le pétrole doit subir de nombreuses transformations pour être exploitable dans le cadre d'une utilisation précise. Les produits issus des transformations du pétrole brut sont divers et peuvent être utilisés sous plusieurs formes : - Sources d'énergie : les carburants tel que le kérosène (moteur d'avion), l'essence, le gasoil (moteur diesel) sont utilisé pour produire de l'énergie ; - Combustibles domestiques : le pétrole lampant, le butane comme gaz domestique ; - Matières plastiques : emballages, matelas (mousse), chaussures, vernis, la peinture, brosse à dent ; - Produit pharmaceutique : des huiles de beauté, le lait de toilette. Finalement, la multitude de produits dérivés pourra être utilisée de diverses manières (combustible, carburant, pétrochimie, plastiques, etc.). Ces sous-produits sont parfois directement valorisables (essences, gasoil, etc.), parfois ils devront subir d'autres transformations pour être exploitables. ANALYSE DES ECHANGES INTRA REGIONAUX DU SECTEUR DU PETROLE ET GAZ ET CVR EXISTANTES Les données statistiques relatives aux échanges croisés, de pétrole, du gaz et des produits dérivés, entre pays de l'Afrique du Nord montrent qu'uniquement 3,9% des exportations de ces pays sont de nature intra régionales. Du reste, ces exportations ne permettent de satisfaire que seulement 8,1% de la demande d'importation des pays de l'Afrique du Nord. Ces constats confirment une nouvelle fois que le degré d'intégration maghrébine est assez faible et que d'énormes potentialités restent non exploitées. Ainsi, nous pouvons constater que seulement 5,8% des exportations algériennes, composées principalement de gaz naturel, sont destinées aux pays de l'Afrique du Nord (le Maroc et la Tunisie). Les exportations de l'Égypte, du Maroc et de la Tunisie destinées à la région de l'Afrique du Nord demeurent faibles et sont surtout destinées à l'Italie, la France, les États-Unis, la Chine et l'Inde. Les exportations algériennes de gaz naturel destinées au Maroc, à la Mauritanie et à la Tunisie sont elles aussi faibles. Globalement, les pays de l'Afrique du Nord sont donc faiblement intégrés dans la CVR du secteur d'extraction et de transformation du pétrole et du gaz. Des potentialités assez élevées restent non exploitées afin de développer des CVR du fait que les demandes nationale sont globalement satisfaites par des importations à partir de pays tiers (Italie, Russie, Espagne, États-Unis, Arabie-Saoudite et Koweït principalement). OPPORTUNITES ET DEFIS POUR LA CONSTRUCTION DE CVR DANS LE SECTEUR PETROLIER ET GAZIER En déterminant tour à tour : - (i) la nature des principaux produits exportés ; - (ii) les principales destinations de ces exportations ; - (iii) le degré de satisfaction des demandes locales par ces importations des pays de l'Afrique du Nord, l'analyse approfondie des échanges croisés entre ces pays confirme que des potentialités restent non exploitées pour développer des CVR liées au raffinage et à la transformation du pétrole et gaz dans les pays de l'Afrique du Nord. Il est par conséquent recommandé : - L'installation d'unités supplémentaires de raffinage et/ou l'augmentation des capacités existantes de raffinage de pétrole à la fois dans les pays exportateurs tels que l'Algérie, l'Égypte et le Soudan et dans les pays importateurs nets de pétrole à l'instar du Maroc et de la Tunisie ; - La réalisation d'usines de fabrication des produits suivants : - Des plastiques et des composites (y compris les pièces plastiques et composites pour les industries automobile et aéronautique). De telles usines peuvent être implantées au Maroc et en Tunisie, où les secteurs de composants automobiles et aéronautiques sont assez développés ; - Des fibres et tissus synthétiques pour l'industrie du textile ; - Des produits chimiques et des engrais à partir du gaz et des phosphates (en Algérie ou encore au Maroc et en Tunisie, où la production de phosphates est assez importante) ; Notons que dans le cadre du projet de création d'un marché énergétique Méditerranéen (MEDTSO) ou d'initiatives de politiques intégrées, telles que la création d'un marché intégré de l'électricité (avec un changement dans les réglementations et l'investissement dans les réseaux régionaux d'électricité et de gaz), les pays d'Afrique du Nord peuvent aussi exporter de l'électricité verte vers les pays de l'Europe et du Moyen-Orient. Conclusion L'intégration des pays en développement (PED) dans le commerce mondial se fait de plus en plus au travers de leur participation aux chaines de valeurs globales (CVG). Cependant l'accès à ces CVG implique de nombreux pré-requis, notamment en matière de logistique et d'environnement institutionnel et légal, qui nécessitent des investissements importants aussi bien au niveau humain que financier et des politiques publiques actives en la matière. De plus, même lorsqu'ils sont intégrés dans les CVG, de nombreux PED restent cantonnés dans les parties à faible valeur ajoutée de ces CVG, du fait des contraintes techniques mais aussi en raison de leur non participation aux dimensions décisionnelles et stratégiques des répartitions des productions au travers des CVG. Si peu de pays d'Afrique du Nord ont accompagné leurs efforts de diversification par des politiques publiques actives notamment dans le domaine du financement, de la recherche, de l'accès aux marchés extérieurs ou de l'intégration des CVG, plusieurs par contre ont développé des instruments de politiques qui incluent l'élaboration de stratégies industrielles multisectorielles à moyen et long terme, ainsi que l'établissement de Zones Economiques Spéciales. Les différentes stratégies nationales ont eu pour objectif d'inscrire ces pays dans les processus de production industrielle mondiale et de profiter des chaines de valeurs internationales. Cependant, cette approche essentiellement nationale reste tributaire de la taille des économies de la région et de leur faible capacité à intégrer les segments les plus profitables des CVG. Le faible niveau d'intégration commerciale de l'Afrique du Nord couplé au développement relativement conséquent de ses infrastructures laisse cependant présager un potentiel important de développement de CVR. Dès lors, il est nécessaire de mieux sérier les différents aspects de la problématique des CVR en Afrique du Nord afin d'établir une stratégie concrète pour le développement de CVR en Afrique du Nord et également entre l'Afrique du Nord et l'Afrique de l'Ouest, voisin immédiat de la sous-région. Partant du principe que le développement de CVR et l'augmentation des échanges intra-régionaux accélèrent la diversification et la sophistication des économies, favorisent la création de nouveaux avantages comparatifs dynamiques et facilitent la participation aux CVG dans des segments à plus forte valeur ajoutée, il est du devoir (et de la responsabilité) des différents gouvernements d'approfondir la réflexion et favoriser la génération d'idées afin : · d'identifier les secteurs porteurs en matière de CVR en procédant à un " mapping " des atouts et avantages comparatifs de chaque pays de la sous-région et en identifiant les leviers à actionner et les contraintes à surmonter afin d'enclencher une coopération régionale effective ; · d'adopter une approche systématique qui établisse des priorités entre les différentes chaînes de valeurs; · et de développer les partenariats (à des niveaux appropriés) afin d'améliorer la disponibilité de l'information statistique et de permettre la coordination des efforts menés en terme de création et de gestion de savoir et de conceptualisation de programmes/projets. Principales sources - Developing 'Regional Value Chains' to Accelerate the Diversification and Sophistication of North African Economies (Economic Commission for Africa), - Promotion of 'Regional Value Chains' in North Africa. *Consultant en management |