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Il y a 40 ans, El Asnam,
l'actuelle Chlef, à mi-distance entre Oran et Alger,
dévastée par le pire tremblement de terre de l'histoire de l'Algérie. C'est le
séisme le plus meurtrier de l'histoire du pays. Des séquelles gravées à jamais
dans la mémoire des Asnamis, qui ont vécu un triste
et inoubliable drame avec des pertes humaines et des dégâts matériels
importants et dramatiques.
D'abord, on se remémore de la mémoire de nos martyrs et des morts du tremblement de terre à la mémoire de cette tragédie nationale et de toutes ses victimes de leur disparition tragique, en ce jour qui commémore 40 années, jour pour jour. Qui se souvient de l'histoire de l'Algérie se souvient certainement de l'héroïne Hassiba Benbouali, cette fille d'El Asnam, l'Université de Chlef porte son nom. Comme aussi entre autres : les sœurs Bedj, le commandant Si Djillali Bounâama, commandant de la wilaya IV, les frères Khatib, les frères et cousins Khelif, Maamar Sahli et Mekaoui (torturés et guillotinés à la prison de Serkadji d'Alger), nous leur rendons un hommage particulier. ?Allah yerrahamouhm' (Que Dieu ait leur âme). Comme aussi, une pensée est dédiée à notre cher regretté Ahmed Wahbi qui a consacré une chanson spéciale au deuil du séisme 1954 d'El Asnam (hozni alyk y a El Asnam). Quoi qu'il en soit, même si la commémoration demeure encore symbolique, elle reste quand même chargée d'émotions et d'espérances pour l'éclosion de Chlef à l'image des grandes villes du pays. En effet, les Chélifiens s'en souviennent encore de cette journée douloureuse du 10 octobre 1980, vers 13h20 à l'heure de la prière du vendredi, en quelques secondes, un terrible tremblement de terre, ressenti à Alger, Tissemsilt, Tiaret et Oran, d'une magnitude de 7,7 degrés sur l'échelle de Richter, qui en compte 9, a détruit la ville, à près de 80%. Aujourd'hui, il ne reste que quelques pans témoins de ce que fut El Asnam autrefois. C'est bien une triste journée vécue avec plus de 3.000 personnes qui ont péri et plusieurs centaines de disparues, et près de 8000 blessés ont été retrouvés sous les ruines de leurs habitations détruites. Il faut rappeler que Chlef a enduré de fréquents séismes majeurs (1922, 1934, 1954, 1980), les autorités ont décidé de rebaptiser la ville qui porte depuis 1981 le nom de Chlef, suite à ce dernier tremblement de terre. Selon les affirmations des historiens la ville de Chlef, aux quatre noms (Castelum Tinginitum, Orléansville, El Asnam et Chlef) remonte au début de l'occupation romaine en Afrique du Nord, connue alors sous le nom de Castelum Tingitanum. En s'installant dans la vallée du Chélif, au premier siècle de l'ère chrétienne, les Romains choisirent l'actuel emplacement de la cité pour y bâtir une ville de garnison. Une ville millénaire qui traduit le passage de plusieurs civilisations romaine, islamique, ottomane, française et bien-sûr le royaume de la grande dynastie berbère des Maghraoua avant les Turcs. Le XVe siècle verra l'arrivée des Ouled Kosseir, une tribu Djouads (noblesse militaire) dite d'origine Koraïchite (des béni makhzoum) qui devient l'une des tribus les plus puissantes et les plus riches de la vallée du Cheliff. Dans les rencontres d'amis, les fêtes, les salons-café et les places publiques, et même sur les réseaux sociaux, les gens de Chlef ne manquent pas une occasion pour rappeler que ?la ville des oranges' était dans le temps notre Dame Nature, le poumon vert et une véritable ville moderne où il fait bon de vivre malgré la chaleur qui parfois semble insupportable en été, on respire les arômes des fleurs d'orangers. En effet, El Asnam était très connue pour l'abondance de ses vergers d'agrumes, ses fruits et légumes, ses blés d'or et ses vignobles de renommée mondiale. La plaine du Chéliff était l'une des plus riches régions du pays après la Mitidja, les Hauts Plateaux et la Soummam, enfermant notamment sa grande richesse en eau en toute saison et d'énormes ressources naturelles et de formidables potentialités agricoles, offrant ainsi des perspectives économiques, agricoles , touristiques et de l'artisanat, prometteuses. Le symbole agricole de la région a toujours était l'agrume (orange, mandarine, pamplemousse, citron).Pour cela dans les années 60 et 70, la ville d'El Asnam fêtait, annuellement, cette heureuse vocation agricole. Ses lieux mythiques tels que la ?Rue des Martyrs' (ex d'Isly), boulevard ?Emir Abdelkader', boulevard ?Ben Badis' avec leurs lumières et beautés, à travers leurs splendeurs d'une merveille architecturale avec balcons et terrasses fleuris, les rues carrelées et rayonnantes. El Asnam était aussi une ville propre, les rues de la ville étaient arrosées chaque soir au moyen de camions arroseurs qui nettoyaient complètement la ville, les espaces verts et les arbres (les ficus) décoraient toute la ville en harmonie avec les normes de l'urbanisme. Aujourd'hui, son urbanisme, son patrimoine historique, ses lieux mythiques, ses forêts urbaines et ses arbres centenaires sont vandalisés. En effet, le patrimoine architectural d'une ville millénaire et d'une valeur inestimable, continue à subir de grands dégâts. Consultés sur cette question, quelques-uns de nos amis chélifiens, en l'occurrence Mustapha Sersoub ancien cadre des chemins de fer, Boughari Hocine journaliste au journal ?Le Chélif' , Ait Saâda Rachid cadre comptable et ancien président de l'Association des donneurs de sang, Kiouar Baroudi ancien gestionnaire et ancien condamné à mort, Belmokhtar Ahmed enseignant retraité et ancien international et entraîneur du volley-ball : tous affirment que notre ville d'El Asnam a été déracinée de ses traditions immémoriales , ses valeurs et repères historiques après ce dernier tremblement de terre. El Asnam était aussi dans le champ de la dynamique intellectuelle et un foyer de rayonnement culturel, sportif et le berceau d'une renaissance littéraire. Elle abritait des personnalités du Savoir, des intellectuels, hommes de culture. Aujourd'hui, Chlef est devenue, 40 ans après : la ville étrangère à la population. Le message est transmis, à bon entendeur salut ! Oui, comment ne pas pleurer de ce qu'était la ville d'El Asnam de notre enfance ? Comme nous le verrons encore dans les lignes qui suivront. En effet, le constat reste cependant alarmant puisque depuis 40 ans, le discours officiel de l'époque a promis à la population sinistrée qu'on allait reconstruire Chlef, dite la 3è phase et depuis? que de rendez-vous sont ratés. En conséquence, cette 3è phase apparaît plus comme un héritage fâcheux qui pèse lourd et demeure toujours un sujet d'actualité à Chlef. En effet, les citoyens de Chlef se remémoreront le souvenir de cette journée douloureuse au moment où des stigmates de cette catastrophe naturelle demeurent encore là. Les chalets préfabriqués que les Chélifiens appellent les baraques ne sont pas totalement éradiqués puisque encore quelques milliers de sinistrés sont encore logés dans les chalets préfabriqués censés leur servir d'hébergement provisoire. On y dénombre en effet, 4 grands sites d'habitat en préfabriqués à près de 19. 000 unités implantées au nord-sud et est-ouest, à savoir : Ouled Mohamed, Chorfa, Lalla Ouda-Hassania et Chettia, qualifiées aujourd'hui de «véritables bidonvilles» par les uns, et de «cités dortoirs» par les autres. Ces sites constituent le premier embryon de la 2è phase du programme d'urgence que l'Etat a engagé pour l'implantation, aux quatre coins de la ville pour reloger les sinistrés provisoirement en attendant la reconstruction de Chlef prévue dans la 30 èphase qui demeure dans l'oubli. En revanche ces sites n'ont fait l'objet d'aucune opération de réhabilitation d'envergure aux normes d'urbanisme ou d'éradication globale, comme le réclamaient les sinistrés. Pire, la plupart de ces chalets considérés par de nombreux occupants qui ont exprimé leurs craintes vis-à-vis de leurs conditions de vie dans ces chalets hautement inflammables construits après cette catastrophe naturelle. Selon les experts, ces chalets ont une durée de vie qui ne doit pas dépasser 10 ans en général, ainsi ils ont dépassé largement la durée d'amortissement et posent aujourd'hui un sérieux problème de santé publique. Les médecins tirent la sonnette d'alarme sur cette question où sont enregistrés des cas d'allergies multiples et des cas de cancer à cause de l'amiante et la laine de verre. Le dossier des chalets préfabriqués en amiante et en laine de verre, à Chlef , pèse lourd et demeure toujours un sujet d'actualité. Que peut-il en être pour une population qui y est exposée depuis des décennies ? Nous savons que les pouvoirs publics cherchent des solutions à cette situation, mais il n'empêche qu'elle suscite encore des inquiétudes pour l'éclosion de Chlef à l'image des grandes villes du pays. En effet, en 2015, le gouvernement a bien consenti une aide financière en ce sens, fixée à 1.200.000 DA pour chaque famille concernée, mais ce montant est jugé très insuffisant devant l'inflation vertigineuse des prix des matériaux de construction , vu que la quasi-totalité de la population sinistrée est composée de la couche sociale à faible revenu, à savoir: retraités, salariés, chômeurs, démunis. «Nous ne pouvons reconstruire ou éradiquer nos baraques avec une telle somme qui est d'ailleurs libérée en 2 tranches». C'est certainement le problème majeur qu'éprouvent, aujourd'hui, les sinistrés de Chlef pour procéder au remplacement de leurs baraques en dur, c'est l'une des raisons pour lesquelles ces derniers ont préféré, aujourd'hui, réhabiliter leurs logis en apportant quelques aménagements à leurs baraques. Tout porte, donc, à croire que le préfabriqué va durer assez longtemps dans le paysage local. Un paysage qui risque, hélas, de se dégrader encore davantage en l'absence d'une restructuration globale des sites préfabriqués. C'est un gros point noir qui restera toujours collé à la ville de Chlef qui compte, aujourd'hui, plus d'un million d'habitants et se place d'après «le dernier recensement datant d'avril 2008 au 9ème rang des grandes villes du pays (après : Alger, Oran, Tizi Ouzou, Constantine, Annaba, Batna, Blida, Sétif)». Les chalets en préfabriqué sont devenus, par la force des choses, un habitat précaire et problématique au plan socio-économique. Alors que l'Etat aurait pu utiliser le coût total de cette aide financière dans le remplacement des baraques existantes et créer de nouvelles villes harmonieuses et de nouveaux centres-villes attractifs, notamment de grandes cités urbaines (banlieues) au lieu de dépenser tout cette colossale somme d'argent dans des sites- bidonvilles ou sites- dortoirs, à l'heure où le monde évolue aujourd'hui dans la modernité. Quelques questions qui méritent d'être posées dans toute cette problématique socio-économique : - Comment peut-on construire des bâtiments près ou en face des habitations préfabriquées, voire face à des bidonvilles qui défigurent le paysage de la modernité sous le sceau de l'urgence ? - A-t-on créé un nouveau centre-ville ou de villes-nouvelles attractifs répondant aux normes d'urbanisme d'un chef-lieu de wilaya ? - Pourquoi n'a-t-on pas engagé une réflexion regroupant des architectes, des urbanistes, des universitaires en la matière et l'élite locale pour appréhender les idées directrices plaidant un programme spécial propre à la problématique du préfabriqué ? C'est vraiment triste de voir le tissu urbain d'une ville stratégique, au grand carrefour du centre du pays, évoluer vers une ville au décor de ruralisation, notamment quand on construit, sans se soucier de l'aspect architectural et des normes urbanistiques. Alors que la wilaya de Chlef devait être hissée au rang de wilaya modèle de par son double statut de capitale régionale, compte tenu de sa situation géographique et ses potentialités touristiques, agricoles et industrielles. Il faudrait à notre humble avis qu'on en parle désormais en termes d'habitat, tant collectif qu'individuel, au lieu de logements sociaux qui ne sont, en réalité, que des cités dortoirs. En effet, l'objectif étant de faire de la ville de Chlef, une wilaya moderne, du rang de capitale régionale. Oui, le développement et la gestion d'une ville présupposent un plan directeur d'aménagement urbain et d'architecture qui intègre les grandes ambitions de la modernité où notamment on ne peut faire appel qu'aux bureaux d'études spécialisés et de renom avec la contribution de l'élite locale et les notables pouvant coopérer pour relever le défi de la reconstruction de Chlef, dite la 3è phase. La détermination de reconstruire Chlef habite chacun de ses habitants à l'instar de la plupart des grandes villes du pays. Il s'agit d'infrastructures stratégiques sur lesquelles les Chélifiens aspirent légitimement et fondent beaucoup d'espoirs, et ce, sans conteste : le tramway, des bus à accordéon, le CHU, les stations de bus modernes, la réhabilitation de l'ancienne voie ferrée Chlef -Ténès donnant sur le littoral, parkings à étages, la préservation et l'aménagement de forêts urbaines (Haï Chorfa et Haï Radar, Haï Hassania) seront-ils enfin officialisés avec le nouveau gouvernement qui plaide pour une Algérie nouvelle ? Par ailleurs, nous sommes choqués par l'état et l'image actuelle qu'offre le centre-ville, notamment la place de la Solidarité (ex- cité Anasr), sise dans un endroit superbe qui surplombe les berges du Chélif ; située en plein centre de la ville où près de 2.000 personnes ont péri lors de ce tremblement de terre, est, aujourd'hui, envahie par les constructions anarchiques qui l'ont réduite de moitié et sans aspects architecturaux, sans que personne ne s'en préoccupe. Ce qui consacre à ce lieu un douloureux souvenir qu'on ne peut oublier et qui restera, à jamais, gravé dans la mémoire collective, qui a tendance à disparaître des valeurs de notre société et du mode de fonctionnement de notre administration en voyant ce grand espace érigé sans style avec la splendeur et la beauté du site lui conférant un panorama sur les berges du Chéliff et ce superbe jardin qui fait jonction avec la place de Solidarité, autrefois le poumon vert de la ville, un patrimoine de grande valeur historique est dans un état lamentable, alors qu'il était l'un des plus beaux du pays. Les Asnamis vous diront que ce jardin attirait de nombreux visiteurs qui venaient là pour se distraire et goûter au plaisir de la verdure et de la fraîcheur de son grand jet d'eau, aux diverses espèces de poissons. L'état de l'ancienne mairie est alarmant et semble n'avoir pas connu le moindre entretien ou aménagement depuis le séisme. La place de la Solidarité, symbole de l'histoire d'un destin et lieu de recueillement et de paix, où une grande stèle devait être érigée à la mémoire de toutes les victimes de ce dramatique évènement, donne aujourd'hui une image d'abandon à son triste sort et un dépotoir pour toutes sortes de déchets. Les oueds de Chélif et de Tsighaout sont devenus deux grands égouts et dépotoirs de déchets à ciel ouvert, et enfin, un nouveau mode de transport urbain où se trouve une station de bus indigne pour desservir le centre-ville vers lequel convergent, quotidiennement, des centaines de bus ?Toyota' et ?Karsans, de type rural. Un état de fait qui défigure le paysage de la ville et contribue grandement au triste désordre causé à la circulation. Que peut-on donc conclure ? On peut dire, que la ville de Chlef s'est nettement dégradée dans ce contexte. Face aux déficiences et aux lacunes d'un développement local anarchique et d'une urbanisation irréfléchie, notamment sans aspects architecturaux en rapport avec les normes d'un chef-lieu de wilaya, Chlef est devenue un immense bidonville , avec un centre-ville altéré, notamment par ses nouvelles bâtisses aux décors criants, un commerce informel qui a envahi le centre-ville, des espaces verts et places publiques clochardisés. De même que la démission totale de ses habitants, les réseaux d'eau potable et d'assainissement défectueux et entrecoupés de rigoles d'eaux usées et pluviales en hiver, un plan de circulation inadapté, des chiens errants, des tas d'ordures dans tous les coins de rues parsemées de fuites d'eau et enfin une circulation dans des rues sales, poussiéreuses, défoncées, aux trottoirs dégradés et squattés par les vendeurs de tous genres (fruits et légumes, habillement et autres), des égouts éventrés et polluants, des bouteilles en plastique remplies d'urine et jetés à chaque coin de rue, accentuent d'avantage cet aspect de bidonville. La station de bus urbains en centre-ville offre un spectacle désolant avec des bus de type rural, sales et dépourvus de climatisation. Aujourd'hui, c'est avec une grande tristesse que nous pleurons ce qu'a été la ville d'El-Asnam, de notre enfance ? Alors, messieurs les élus locaux ayez un peu de bonne volonté pour que notre ville puisse relever le défi de la reconstruction de Chlef, dite la 3è phase et se projeter dans la modernité. *Financier et Auteur |