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YORK - Le 27 août, la Réserve fédérale américaine a publié un communiqué de
presse résumant les mises à jour de ses objectifs à long terme et de sa
stratégie de politique monétaire. Le même jour, le président de la Fed, Jerome Powell, a tenu un discours pour développer ces
révisions. Les deux documents sont une collection d'erreurs de type I et II. Si
la Fed poursuivait la nouvelle stratégie avec détermination, elle pourrait
infliger de réels dommages économiques aux États-Unis et au monde.
Commençons par une petite erreur d'omission. Dans son discours, Powell a fait référence aux objectifs de la Fed, mandatés par le Congrès, visant un niveau d'emploi maximal et la stabilité des prix - en omettant, comme c'est la norme, son troisième objectif mandaté par le Congrès demandant des taux d'intérêt à long terme modérés. L'outil évident pour gérer les taux à long terme est le contrôle de la courbe des taux. Pourtant, le Federal Open Market Committee (FOMC), en charge de la politique monétaire, ne mentionne pas cet instrument, même dans le contexte de la recherche d'un niveau d'emploi maximal et de prix stables. Mais le vrai problème commence avec la réinterprétation par le FOMC de la notion de «niveau d'emploi maximal». Le communiqué de presse indique que la décision politique du comité sera éclairée par ses «évaluations des pénuries d'emplois par rapport à son niveau maximal». La déclaration de stratégie originale du FOMC, adoptée en 2012, faisait référence aux « écarts par rapport à son niveau maximal». Cette nouvelle interprétation asymétrique est extrêmement inquiétante. Cela suggère soit que l'emploi maximum n'est atteint que lorsque chaque personne en âge de travailler occupe un emploi à temps plein et effectue les heures supplémentaires souhaitées, soit que la courbe de Phillips - qui postule une relation inverse entre l'inflation et le chômage - est morte alors qu'elle est, tout au plus, paralysée momentanément. Désormais, il semble que la Fed ne resserrera pas sa politique monétaire même lorsque le niveau réel de l'emploi dépasse celui auquel se manifestent les pressions inflationnistes sur le marché du travail - qui est forcément bien en dessous du niveau d'emploi maximal mentionné par le FOMC. Les objectifs statutaires de la Fed devraient avoir un contenu normatif clair et pouvoir être atteints par la politique monétaire. En ce qui concerne la stabilité des prix, le FOMC est passé à une forme flexible de ciblage d'inflation moyenne - elle-même une forme non transparente de ciblage du niveau des prix. Selon le communiqué de presse, la Fed «cherche désormais à atteindre une inflation moyenne de 2% au fil du temps». Par conséquent, «après des périodes où l'inflation est restée constamment inférieure à 2%, une politique monétaire appropriée visera probablement à atteindre une inflation modérément supérieure à 2% pendant un certain temps». Cela signifie que l'inflation passée influencera la politique monétaire actuelle et future de la Fed. Or, l'inflation passée est une question révolue et ne devrait pas être pertinente pour la formulation des politiques - contrairement à l'inflation actuelle et anticipée, qui ont un contenu normatif et peuvent être influencées par la politique. Bien entendu, lorsque les anticipations d'inflation sont influencées par l'inflation passée, le passé influencera la politique monétaire actuelle et future. Mais il y a et il y aura toujours d'autres moteurs des anticipations d'inflation. Le ciblage moyen de l'inflation est tout simplement une mauvaise politique économique. Au contraire, un ciblage flexible de l'inflation est de loin le meilleur moyen de formuler les objectifs et le modus operandi de la politique monétaire. Dans un tel régime, une banque centrale relève (abaisse) les taux directeurs lorsque l'inflation future anticipée est supérieure (inférieure) à l'objectif et lorsque l'emploi est supérieur (inférieur) à la meilleure estimation de l'emploi maximal. Celui-ci est défini comme le niveau d'équilibre de l'emploi lorsque l'inflation réelle et attendue est égale au taux d'inflation cible - en d'autres termes, au niveau naturel de l'emploi. Ensuite, il y a les grandes erreurs d'omission de la Fed. Pour commencer, le FOMC ne mentionne pas l'amélioration de son arsenal de politique monétaire que constituerait une suppression de la borne inférieure effective (ELB) des taux directeurs. La persistance de l'environnement actuel de taux d'intérêt bas implique supposément que les taux directeurs soient plus susceptibles d'être limités par leur ELB que par le passé. Mais c'est seulement parce que les décideurs politiques aux États-Unis et dans le monde n'ont pas voulu le supprimer. L'abolition de l'argent liquide serait le moyen le plus simple d'éliminer l'ELB (et aurait l'avantage supplémentaire de taxer les activités criminelles), mais il existe d'autres moyens d'atteindre le même objectif. Une telle mesure permettrait à la Fed non seulement de réduire les taux directeurs lorsqu'elle aurait été autrement empêchée par l'ELB, mais aussi d'abaisser la cible d'inflation au niveau compatible avec un taux d'inflation «réel» nul - probablement inférieur à 2%. La deuxième erreur d'omission majeure du FOMC est l'absence de toute discussion sur l'échec de la Fed, depuis le déclenchement de la pandémie COVID-19, à élargir et à modifier la composition de son bilan au maximum dans le but de soutenir l'activité économique. À la semaine du 6 janvier 2020, la Fed avait des actifs consolidés de 4,15 billions de dollars, soit 19,3% du PIB américain en 2019. À la semaine du 17 août, son bilan était passé à 7,01 billions de dollars, soit 32,7% du PIB de 2019. Mais cette croissance - équivalente à 13,4% du PIB de l'année dernière en sept mois à peine - semble moins impressionnante lorsqu'elle est comparée à l'évolution du bilan de la Banque centrale européenne sur la même période. Entre le 3 janvier et le 14 août, le total des actifs consolidés de l'Eurosystème est passé de presque 4,7 billions d'euros (5,6 billions de dollars), soit 39,2% du PIB 2019 de la zone euro, à 6,4 billions d'euros, soit 53,7% du PIB 2019. Le bilan de l'Eurosystème a ainsi progressé plus rapidement que celui de la Fed - de l'équivalent de 14,5% du PIB de l'année dernière - au cours de la même période. La Fed devrait convaincre le département du Trésor américain de fournir plus de fonds propres et de garantir davantage d'actifs risqués détenus par la Fed au sein d'un bilan qui devrait être nettement plus important. En tant qu'émetteur de la seule monnaie de réserve mondiale viable, la Fed a une capacité inégalée à agrandir son bilan et à augmenter son risque, même sans soutien supplémentaire du Trésor. Or, elle n'en a tout simplement pas fait assez pendant la pandémie. Les récents changements apportés au cadre de la politique monétaire américaine sont peu judicieux et potentiellement nuisibles. Ils n'abordent pas non plus un certain nombre d'autres problèmes cruciaux. La Fed devrait abandonner cette nouvelle approche et utiliser à la place pleinement et efficacement les instruments politiques dont elle dispose - ou pourrait disposer. Traduit de l'anglais par Timothée Demont *Ancien économiste en chef de Citigroup, est professeur invité à l'Université de Columbia |