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Deux astronomes suisses
viennent d'obtenir, en ce début du mois d'octobre, le Prix Nobel de Physique
(les découvertes du troisième ne concernent pas mon propos). Ils avaient, il y
a vingt-quatre ans, révolutionné nos connaissances en découvrant la première exoplanète, c'est- à-dire une planète hors du système
solaire. En ce même mois d'octobre, nous apprenons une nouvelle stupéfiante à
propos des lunes de Saturne. La coïncidence est parfaite pour éveiller mon
espiègle curiosité.
Le rôle du prof est de toujours trouver des liens, des transversalités, afin de relier les savoirs. Or, ces deux événements nous le permettent en adoptant l'humour indispensable lorsque les choses sérieuses sont évoquées car la science est un projet enchanteur pour les êtres humains. Commençons par aborder l'un, puis l'autre, en finissant par les relier au travers d'une troisième forme de connaissances imagées, inévitable car elle s'invite toujours dans les sciences, soit la mythologie. Les découvreurs de planètes, nobélisés Michel Mayor et Didier Queloz viennent d'être couronnés de la plus prestigieuse reconnaissance, le Prix Nobel de leur discipline. Il y a près d'un quart de siècle, en 1995, le jeune professeur que j'étais à l'époque avait été stupéfait de cette découverte, pour deux raisons : D'abord parce qu'on nous annonçait qu'ils étaient les premiers à découvrir une planète, orbitant autour d'une autre étoile que le Soleil, c'est-à-dire une exoplanète. On nous avait révélés son surnom, Dimidium, un de ceux que seule l'astronomie sait inventer pour dialoguer avec les astres. Nous, nous l'aurions appelé Charles, Nelson ou Kaddour, le nom d'une célébrité, eux doivent passer par le latin pour nous montrer que nous ne jouons pas dans la même catégorie. L'exoplanète tourne autour de 51 Pegasi, à 51 années lumières de nous soit 510 mille milliards de kilomètres. J'en étais bouleversé car je trouvais déjà, dans mon enfance, que les deux cent kilomètres qui nous séparaient de Sa da, ma ville natale, étaient abominablement longs, surtout avec le car qui pétaradait pour l'atteindre, en plein soleil, sans climatiseur. Il n'y avait pas encore les autoroutes. Alors, vous rendez-vous compte, 510 mille milliards de kilomètres, cela aurait été long pour aller embrasser les grands-parents. La seconde raison n'est pas bien orgueilleuse à raconter. Moi, le passionné d'espace, envoûté depuis toujours par l'infini de la science cosmique, déjà d'un âge avancé et enseignant, je venais de réaliser piteusement que je ne savais pas ce qu'était une planète par rapport aux autres dénominations des astres. Internet n'étant pas encore disponible à cette époque (en tout cas pas en tous lieux et chez toutes les personnes), vite, le réflexe de la bonne vielle encyclopédie en un seul volume, achetée pas cher mais bien utile. Voici donc le condensé de ma découverte, si tardive : « On appelle exoplanète toute planète orbitant autour d'une étoile autre que le Soleil. L'Union Astronomique Internationale définit plus précisément les planètes extrasolaires, notamment selon leur masse pour les distinguer des astres à mi-chemin des planètes et des étoiles, comme les naines brunes, pas assez massives pour déclencher des réactions thermonucléaires. » Une planète est donc un astre qui orbite autour d'une étoile. Celle-ci est, tellement massive qu'elle attire un reste de gaz et de poussière du cosmos, ainsi l'effet de la gravité agglomère et piège la planète formée dans une danse perpétuelle autour d'elle. En quelque sorte, un rapport de vassal à suzerain où le plus faible montre sa dévotion en tournant en rond autour du maître. Les naines brunes étant des vassaux qui tentent d'acquérir leur indépendance mais ne sont pas encore assez puissantes pour réunir une cour gravitationnelle autour d'elles. A ce propos, qu'elle n'a pas été notre surprise, plus tard, lorsque l'Association Astronomique Internationale avait dégradé Pluton en la plaçant dans le rang inférieur des naines brunes. Voilà que notre connaissance scolaire de base en astronomie fut soudain bouleversée, le système solaire ne compte plus que huit planètes et non neuf comme s'épuisaient à nous le faire comprendre les instituteur(e)s. En fait, pour faire partie de l'élite nobiliaire des planètes, les scientifiques ont imposé aux corps célestes une masse d'au moins 5 × 1020 kg et un diamètre d'au moins 800 km. Pluton a été humiliée par une dégradation de rang et une qualification insultante de naine brune. Elle ne s'en est jamais remise. Il paraît même que son statut d'appartenance au système solaire est remis en cause. Elle a refusé de se confier à moi, prétextant que mes études de droit ne me permettaient pas de comprendre sa douleur. Seul un lecteur de ce journal, scientifique de formation, le pourrait. Depuis cette découverte de 1995 qui vaut l'honneur du Nobel aux deux scientifiques suisses, près de 4.100 exoplanètes ont été repérées, le rythme s'accélérant avec les connaissances et les technologies, de plus en plus pointues. Jupiter détrôné par Saturne Nous le savons, ce sont les Romains qui donnèrent les noms aux planètes connues de cette époque car visibles. Et quoi de plus logique que d'attribuer au ciel le royaume des Dieux puisqu'il est inaccessible en même temps qu'il fascine et suscite la crainte ? Tout à fait naturellement, la plus massive, la plus impressionnante de toutes ne pouvait s'appeler autrement que Jupiter (Zeus pour les Grecs). Et sans surprise, nous savons, de date récente, que la planète qui règne sur le système solaire est celle qui avait, jusqu'à présent, le plus de lunes qui orbitent autour d'elle. Conformément à ce qui avait été rappelé précédemment, par effet de gravitation, chaque astre possède une cour, entièrement captée par son pouvoir. Voilà comment s'explique la présence de ces satellites que l'on dénomme lunes par analogie au nom du nôtre, celui de nos nuits éclairées. Oui, mais voilà, encore une certitude du ciel qui vole en éclats, car dans ce même mois d'octobre 2019, une équipe d'astronomes du Carnegie Institution de Washington, dirigée par Scott Sheppard (un patronyme décidément destiné à l'espace), vient de divulguer les résultats des recherches du télescope Subaru de l'Observatoire du Mauna Kea à Hawaï. Vingt nouvelles lunes de Saturne ont été répertoriées portant le total à 82. Le vieil empereur des cieux est détrôné dans sa puissance puisqu'il ne compte désormais que 79 satellites. Mais Zeus n'a pas dit son dernier mot et ses foudres peuvent encore menacer l'effronterie du mutin qui voulait son trône. La première raison est que le match n'est pas fini car la science peut encore mettre au jour d'autres découvertes en sa faveur. Puis ensuite parce qu'il reste encore sa puissance d'attraction qui, à l'exception de celle du soleil, mène la danse des autres planètes et, même, jusqu'aux frontières du système solaire. Il faut dire que Jupiter avait fait une grossière erreur. Dans une dictature où seul le plus fort mène la danse et fait tourner les autres autour de lui, il faut toujours avoir un œil sur le ministre de la Défense. Il avait commis l'extrême imprudence d'attribuer à Saturne le portefeuille de Dieu de la guerre. Il était évident que le coup d'Etat allait s'organiser, tôt ou tard, c'est dans les gènes de ce type de hiérarchie basée sur la puissance pondérale et attractive. D'autre part, les Grecs, comme les Romains, n'avaient pas suivi le conseil avisé des Egyptiens, la grande civilisation antérieure. Ces derniers avaient eu la prudence, eux, de placer le Dieu Soleil au-dessus de la pyramide des pouvoirs. Et c'est bien le Dieu Soleil qui aura le dernier mot, dans cinq milliards d'années, lorsqu'il s'effondrera sur lui-même, faute de carburant nucléaire. Puis, nous disent les savants, qu'il gonflera comme un ballon de baudruche, emportant dans son passage tous les autres vassaux, Jupiter et Venus dans le même lot, car ils ont eu la prétention du pouvoir suprême. Leur destruction les remettra dans l'ordre hiérarchique des règles cosmiques. En conclusion, il ne faut jamais croire en une vérité absolue, révélée par le mystérieux ciel qui nous fascine depuis le berceau de l'humanité. La science, particulièrement celle du Cosmos, il faut la remettre inlassablement à l'épreuve du génie de l'être humain et des progrès que son intelligence, seule, permet. La science, c'est la passion, c'est le rêve, et lever la tête au ciel pour l'admirer et le comprendre est le plus beau moment des terriens pour s'élever et aller au-delà des frontières connues. C'est tout simplement ce qu'on appelle le dépassement de soi et la curiosité des êtres libres. Et plus nous avançons dans la compréhension et plus le Cosmos nous rappelle à notre modestie car les frontières de l'être humain sont infinies. Il est libre et suffisamment intelligent pour les franchir et d'en trouver d'autres car la beauté de l'infini et de l'éternel sont en lui, nulle part ailleurs. C'est son projet, il est le tout puissant pour l'accomplir. *Enseignant |