|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Le nouveau management de Sonatrach et la nécessaire adaptation de la loi des hydrocarbures
de 2013 pour une efficacité réelle renvoient à l'instauration de l'Etat de
droit et à l'urgence d'une gouvernance renouvelée. Sonatrach
s'assimile en 2019 après plusieurs décennies d'indépendance politique,
toujours, à toute l'économie algérienne. Le groupe est le véritable moteur de
l'économie algérienne, un fournisseur essentiel des revenus d'exportations, des
revenus fiscaux, d'emploi, sa gestion et son image se répercutant directement
sur l'ensemble de la société algérienne. D'où l'importance de tracer des pistes
d'action car, malheureusement, Sonatrach est sortie
de ses métiers de base malgré la faiblesse de ses ressources humaines et
récemment avec la baisse drastique de ses recettes, faisant double emploi avec
d'autres départements ministériels. Cette dispersion à vouloir faire tout à la
fois a nui à son management stratégique. Par ailleurs, force est de reconnaitre
que depuis la promulgation de la loi des hydrocarbures de 2013, Sonatrach n'a pas attiré d'investisseurs potentiels et connait
une chute de sa production physique, d'où l'importance d'une adaptation face
aux nouvelles mutations énergétiques mondiales. Devant encourager un
partenariat gagnant/gagnant avec des firmes de renom, il s'agit de revoir la
loi des hydrocarbures de 2013 qui n'est plus adaptée à la conjoncture actuelle.
Je propose huit axes directeurs :
Premièrement, il s'agit d'écarter complètement la question de penser à la privatisation de Sonatrach qui doit rester la propriété de l'État à 100% et que pour les grands gisements la règle des 49/51% peut s'appliquer. Deuxièmement, pour les petits gisements, en dehors de la propriété de Sonatrach (domaines non encore exploités), et pour les nouveaux projets de canalisations (pas question de toucher aux filiales actuelles, propriété de l'État), dont le taux de profit est en moyenne inférieur de 30% par rapport à l'amont, se pose la règle des 49/51%, où l'on pourrait imaginer une minorité de blocage de 30%. Troisièmement, il s'agira d'analyser la situation sans chauvinisme, mais avec réalisme de certains articles de la loi sur les hydrocarbures de janvier 2013 (le cours à l'époque dépassait 100 dollars le baril) n'étant plus appropriés par rapport au nouveau contexte mondial, notamment le volet fiscal où il est prévu un taux progressif d'imposition à partir de 30 dollars. Or, avec la baisse drastique du prix du pétrole ayant eu comme effet, en Algérie, la réduction de la dépense publique via la baisse des recettes d'hydrocarbures de plus de 40%, les sociétés étrangères, face à un cours fluctuant entre 55/65 dollars, deviennent plus exigeantes dans le choix des opportunités disponibles à travers le monde, surtout avec les nouvelles découvertes et les nouvelles technologies. Quatrièmement, du fait que Sonatrach n'a plus les moyens de financement, il serait souhaitable que la nouvelle mouture introduise le contrat de partage de production qui est généralement utilisé entre un investisseur et le pays hôte ou une compagnie pétrolière qui donnent droit au pays hôte, une partie des quantités physiques du pétrole. Un tel accord attribue généralement les ressources sous forme de remboursement des coûts de production puis divise le contrôle sur les bénéfices restants relatifs au pétrole ou au gaz entre le groupe de sociétés d'exploitation et le gouvernement/CPN. Le gouvernement CPN vend alors sa part ou bien accepte des règlements en espèces des sociétés d'exploitation au lieu de la livraison physique de la marchandise. Plus précisément un accord (APP), ou contrat (CPP), de partage de production (Production-Sharing Agreement/PSA) est un accord passé entre l'opérateur sur un secteur géographique donné (bloc, licence) et un gouvernement hôte, selon lequel le premier assume les coûts et les risques associés à l'exploration et à l'exploitation du projet, en échange d'une part de la production à venir. Le PSA reconnaît que la propriété des ressources naturelles reste entre les mains de l'État hôte, l'opérateur, le consortium, assumant la plupart des risques financiers liés à l'exploration et au développement et peut perdre ses investissements s'il ne trouve pas d'hydrocarbures exploitables. Cinquièmement, il est prévu un deuxième régime, appelée contrat de participation, dans lequel Sonatrach et la compagnie pétrolière partenaire auront les mêmes droits et obligations en termes de dépenses, de rémunération et de payement de la fiscalité. A l'opposé du régime de partage de production, le contrat de participation oblige le partenaire étranger à s'implanter en Algérie en créant une succursale, ainsi qu'un troisième régime, appelé contrat de services à risques, et par lequel Sonatrach pourrait faire appel à l'expertise d'une compagnie étrangère pour développer par exemple des gisements difficiles à exploiter ou améliorer la récupération des gisements matures. Le choix de l'une des trois formules dépendra de la nature des gisements, des périmètres proposés à l'exploration et l'exploitation et des négociations avec l'investisseur. Sixièmement, il y a urgence de la mise en place d'un cadre institutionnel clair, loin des contraintes bureaucratiques étouffantes, en termes de sécurité des investissements, ce qui pose l'urgence d'une cohérence et d'une transparence de toute la politique socio-économique et dans ce cadre même pour les segments non stratégiques à définir avec précision, l'assouplissement de la règle des 49/51% est une condition nécessaire mais non suffisante pour attirer l'investissement, le terrorisme bureaucratique étant le frein essentiel. Septièmement, le problème posé relevant de la sécurité nationale : quelle nouvelle politique énergétique, notamment quel nouveau modèle de consommation énergétique afin d'adapter la loi sur les hydrocarbures aux nouvelles mutations. Huitièmement, la nouvelle mouture doit s'inscrire dans le cadre d'une véritable transition énergétique, le mix énergétique combinant les énergies fossiles classiques et non conventionnelles (l'Algérie possédant le troisième réservoir mondial de pétrole/gaz de schiste, sous réserve de la protection de l'environnement), l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables dont l'Algérie possède d'importantes potentialités. C'est pourquoi l'Algérie, face à la nouvelle transition énergétique mondiale, a besoin aujourd'hui d'un nouveau management stratégique. Pour dépasser la situation actuelle, la nouvelle gouvernance tant centrale, locale que celle des entreprises, les institutions ont un rôle très important, constituant un des facteurs déterminants de la croissance économique de long terme, le terme d'institution désignant «les règles formelles et informelles qui régissent les interactions humaines», et aussi comme «les règles du jeu» qui façonnent les comportements humains dans une société. Parce qu'il est coûteux de coopérer sur le marché, il est souvent plus économique de coopérer au sein d'une organisation, la gouvernance faisant alors référence à la rationalité limitée, l'incomplétude des contrats, mais aussi à la spécificité de certains actifs (non substituables donc), et prenant en compte la nécessité d'adapter les organisations en introduisant l'importance de la confiance et du «capital social» comme ciment de la coopération. L'ensemble de ces actions renvoie en fait à la refondation de l'Etat et de l'urgence d'une gouvernance renouvelée. Cependant, il faut être réaliste. L'Algérie dépendra encore pendant de longues années des recettes de Sonatrach. En ce mois d'octobre 2019, comme je le rappelais lors de mes deux récentes interventions à Alger, l'une à l'invitation du ministère de la Défense nationale (IMPED) le 27 mars 2018 sur la sécurité et le trafic des frontières, l'autre le 01 avril 2018 sur la sécurité alimentaire, de l'eau et la sécurité énergique à la salle des conventions, la troisième lors des 11èmes Journées scientifiques et techniques (JST11) de Sonatrach du 16-19 avril 2018 à Oran actuellement deux institutions stratégiques sont garantes de la sécurisé nationale, l'ANP, toutes les forces de sécurité et Sonatrach qui est l'Algérie, et l'Algérie c'est Sonatrach. *Professeur des universités, expert international, directeur d'Etudes ministère Energie/Sonatrach 1974/1979-1990/1995- 2000/2007- 2013/2015 Références - Nos interviews télévisions Ennahar TV - Chorouk TV et Radio Algérie Internationale sur la nouvelle mouture du projet de loi des hydrocarbures 02/03 octobre 2019 -voir notre intervention à l'American Herald Tribune 11 août 2018 (question sur la stratégie énergétique de l'Algérie) «Dr. Abderrahmane Mebtoul: «Algeria Still Faces Significant Challenges» - pour lire l'original en anglais (13 pages) site -https://ahtribune.com/interview/2424-abderrahmane-mebtoul.html ? quotidien gouvernementaux El Moudjahid et quotidien arabophone Ech-chaab 04 mars 2018 «les cinq propositions pour la révision de la loi des hydrocarbures» - intervention au Forum Mondial du Développement durable, Paris 13 mars 2017, sur les axes de la transition énergétique de l'Algérie et notre contribution à HEC Montréal 2012 «pour un nouveau management stratégique de Sonatrach» - Différents interviews à Radio Algérie Internationale 10/01/2018- débat 13/11/2017-radio algérienne publique Chaine 3 - interview à la télévision internationale Paris France Africa24 le 13/11/2017 - Contribution Mena/Forum diffusion internationale Amérique-Europe-Asie-Afrique Moyen-Orient ?Londres/Bruxelles - 11 et 13 novembre 2017- by Dr A. Mebtoul «Urgency of a strategic vision articulating the functions of the State, Local Authorities and the Market» -Le professeur Abderrahmane Mebtoul a dirigé le premier dossier -audit de Sonatrach entre 1974/1976 assisté des cadres dirigeants de Sonatrach et d'experts- ministères Industrie-Energie 1976 ? l'audit sur le prix des carburants dans un environnement concurrentiel assisté des cadres dirigeants de Sonatrach, d'experts, du bureau d'études Ernest Young 2006/2007 ministère Energie Sonatrach, le dossier pétrole et gaz de schiste «risques et opportunités» pour le gouvernent 2015, assisté de 20 experts.- A.Mebtoul, chef de file de la délégation algérienne, a présidé la commission transition énergétique du groupe des 5+5 de la société civile qui s'est tenue à Marseille en juin 2019. - Voir également nos conférences 2013/2015 ronéotypées sur ce sujet notamment au Parlement européen et au Sénat français sur la sécurité énergétique. |