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Notre système
éducatif est une facette de notre société. Il en est indissociable et il n'est
qu'une expression de sa composition, son passé et la mue multiforme qu'elle
subit. Ces caractéristiques déterminent, ensemble, la relation complexe et
ambiguë que notre société entretient avec le savoir et les études ; une
relation qui oscille entre la vénération et le dédain.
Les faits de terrain pointent des spécificités de fond et de forme qu'il faut admettre pour appréhender, de manière objective, les difficultés qu'il a vécues et celles qui le rongent aujourd'hui. Il ne sert à rien de chercher pourquoi nous avons plus de problèmes que d'autres pays. Il est tout aussi inutile de vouloir transposer des solutions visant à améliorer la qualité des enseignements ou à réduire l'indiscipline. Transposer celles qui sont en cours d'essais relève d'une pure aventure. Celles qui ont fait leurs preuves seraient, quant à elles, inadaptées en raison de l'hystérésis importante (les résultats tiennent du long terme -plusieurs années) qui caractérisent les actions sur tout système de formation. Pour situer quelques différences parmi les plus visibles, et relativement aux pays dits développés; - Les parents payent les formations et exigent d'en avoir pour leur argent. (la gratuité des études n'est pratiquée que par quelques pays; elle est une exception) - La société valorise les études, - Le marché de l'emploi est attrayant pour les diplômés (salaires et statuts), - Les enseignants sont bien formés et travaillent en petites classes, - Les enfants, dans leur grande majorité, sont bien encadrés par leurs parents, - L'environnement joue favorablement, - L'encadrement est expérimenté, - Le système éducatif évolue «en régime établi» ; il ne vit pas sous la pression permanente de devoir rattraper un retard en postes pédagogiques et d'encaisser la hausse des effectifs. En Algérie, c'est pratiquement le contraire sur toutes les positions listées. Sur un autre plan, le mythe régulateur de la promotion sociale par les études a explosé ; des diplômés sont en chômage ou mal payés. D'autres paramètres, et/ou disfonctionnements, alimentent la situation actuelle mais l'objet de cette contribution n'est ni de les cerner ni de s'y attarder. Il serait, en effet, vain de s'évertuer à essayer de comprendre le pourquoi de la situation et de se retrouver sans possibilités d'agir. Nous sommes convaincus qu'il faut plutôt admettre les faits tels qu'ils s'imposent, sans essayer de les rattacher à leurs multiples origines et de se perdre en solutions partielles et insuffisantes. On pourra alors entrer dans une attitude de prise en charge et proposer des solutions sans être tentés de renvoyer sur des motifs, en amont ou en aval, qui sortent du champ des actions intra-secteur. Le mal central est certainement l'indiscipline : il faut la combattre en priorité absolue et sans concessions ; les facteurs qui l'alimentent sont à cerner et à traiter dans un second temps. Quelques images sur la gravité de la situation -Des classes d'adolescents partent à la dérive dès la première année du collège, -Des enseignants perdent leur contrôle ou se dérobent d'une confrontation ouverte avec des élèves ; ils prennent sur eux-mêmes pour afficher un calme apparent. -Des enseignant(e)s partent en retraite anticipée pour ne pas sombrer dans la dépression. -L'administration est souvent dépassée et renvoie la pleine responsabilité de la discipline dans les classes sur les enseignants qui, eux sont plombés par une réglementation inadaptée à des enfants qui évoluent dans environnement de violence quotidienne. -Des parents reconnaissent leur impuissance pour reprendre en main l'éducation de leurs enfants qu'ils voient pourtant aller vers un échec certain. -Ce constat serait celui de la majorité des enseignants de collèges qui ont consacré leur vie à former des générations depuis les années 80. Ils pensaient que les choses iraient en s'améliorant, le contraire s'est imposé, il leur laisse un goût amer. Les sources de l'indiscipline Beaucoup d'enseignants, conscients de la noblesse de leur mission et de leurs responsabilités vis-à-vis des parents, vivent mal que des classes de première année moyenne composées de gamins et gamines, innocents de 10-11ans soient «infiltrés» par des adolescents de 15ans, en retard scolaire, qui ont plus appris de la rue que sur les bancs de l'école. Ces adolescents sont encore scolarisés malgré eux et se savent perdus pour les études. Ils ne sont là que pour rompre la discipline et entraîner à la dérive des classes entières. Des classes composées en majorité de jeunes enfants qui s'éveillent à la vie, sont doués, motivés et intelligents et ne demandent qu'à avoir une scolarisation normale et à étudier. Au lieu de cela, ils doivent subir le diktat de «voyous» en herbe maintenus sur les bancs de l'école, malgré eux. Ils ont peur de donner libre cours à leurs aptitudes de bons élèves, respectueux et intéressés. Ces innocents voient se fissurer toutes les valeurs de l'école qui ont porté leur enfance ; la destruction des rapports de respect élève/enseignant et élève/administration est certainement la plus marquante. Ils ont peur d'obtenir de bonnes notes ; ils cèdent au copiage forcé et sont contraints de suivre leurs aînés dans la dérive imposée vers la rupture scolaire. Ce climat a des effets destructeurs qui vont au-delà du périmètre de l'Ecole et de la période de scolarisation. Cette situation résulte 1. De l'engagement de l'Etat de donner leurs chances aux enfants jusqu'à l'âge de 15 ans, quels que soient leurs résultats ; 2. Des arrangements multiformes de terrain qui ont conduit, entre autres, à adopter la règle de répartir les élèves qui sont en retard scolaire, et/ou indisciplinés, entre les classes ouvertes dans les niveaux concernés. Cette situation ronge notre système éducatif. Sous l'objectif généreux de donner plus de chance à quelques élèves, la quiétude de classes entières est hypothéquée Une piste à explorer pour ramener la discipline Il ne s'agit pas ici de remettre en cause cette possibilité ouverte de scolariser nos enfants jusqu'à l'âge de 16 ans et il n'est pas dans notre rôle de juger de son opportunité. Des formules éprouvées avaient pourtant bien fonctionné par le passé. Les classes de fin d'études, les collèges techniques qui préparaient au CAP et offraient très tôt un métier qui permet de rejoindre le marché de l'emploi, étaient pourtant autant d'alternatives reconductibles. Elles ont été abandonnées pour l'option actuelle que certains ont jugée plus juste et/ou plus adaptée. Notre propos est surtout d'attirer l'attention sur cette situation qui réussit la gageure de rater son objectif et d'amplifier l'échec scolaire ; c'est une fausse solution à un vrai problème : 1- Les élèves concernés dépassent rarement le cap de la 4ème année moyenne. 2- Des gamins et gamines innocents sont maltraités et entraînés dans la dérive scolaire dans un contexte d'indiscipline parfois chronique et d'une perte des vertus de l'Ecole alors qu'ils sont dans une phase cruciale (la pré adolescence) du développement de la personnalité ; 3- Les enseignants passent le plus clair de leur temps à rétablir la discipline, souvent en vain, face à des adolescents qui n'ont d'autres voies pour se faire valoir, ou préserver leur «amour propre» d'aînés, que de leur tenir tête et en embêtant, à répétition, leurs petits camarades plus doués sur le plan scolaire ; 4- L'administration qui lève les bras face à la démission des parents et à l'absence de motivation scolaire porteuse pour ces jeunes qui savent qu'ils ont peu d'espoir de se rattraper ; (parfois ils n'en veulent même pas) et sont persuadés de perdre leur temps. Ils se défoulent en attendant d'être «libérés» pour faire valoir d'autres aptitudes et intégrer un autre milieu et y évoluer dans un contexte qui nivelle leur handicap scolaire. Cette situation est-elle une fatalité ? Peut-on en juguler certains des travers qu'elle a induits ? Admettrait-elle une solution déployable ? Nous pensons que Oui. Cette situation n'est pas une fatalité ! Des mesures simples peuvent restaurer la discipline : elles relèvent des prérogatives du ministre de l'Education nationale. Une expérience pilote peut démarrer, dès cette année scolaire. Il est proposé de placer certains établissementssous un statut spécifique avec la mission de reprendre les élèves en situation d'échec scolaire, surtout ceux qui sont en situation d'indiscipline caractérisée. Les éléments directeurs ci-après, qui sont à consolider, peuvent porter cette proposition : a. Ces établissements sont à créer par wilaya, par région ou zone géographique ; b. Ils peuvent réunir, les deux cycles que sont le Moyen et le Secondaire, dans certaines régions (à faible densité) c. Ils sont sous un régime d'internat (les anciens lycées, voire des collèges, en disposaient) d. Ils accueillent sur proposition des conseils de classe des établissements de la région et sur la base de quotas Nota : la seule existence de ces établissements qui vont fonctionner sous un régime d'internat, contribuera à améliorer le quotidien de tous les établissements classiques, e. Ils sont dotés d'un personnel d'encadrement chevronné, volontaire et motivé ; f. Les enseignants sont aussi recrutés parmi les plus motivés et sont solidaires avec la mission de ces établissements dont l'objet de réduire l'échec scolaire et de préserver l'image de l'Ecole et des enseignants. Regroupés dans des classes homogènes- en termes d'âge et de niveau scolaire, et bien encadrés sur le plan disciplinaire, ces jeunes adolescents n'auront d'autres choix que de travailler pour réussir et retrouver, à terme, une scolarisation en externe et proche du domicile familial. La proposition, 1. Préserve le principe de permettre à des enfants en retard scolaire de rester scolarisés jusqu'à un âge avancé ; 2. Replace ce principe dans son objectif réel de donner à ces enfants plus de chances de se rattraper et donc, de retrouver un cycle normal de scolarisation, 3. Restaure la discipline dans les collèges pour a. La qualité de la formation et la réduction de l'échec scolaire, b. Le bien-être de tous ses acteurs : élèves, enseignants et administrations, c. Le bien-être de la société et la préparation citoyenne dans des conditions apaisées Conclusion Je suis convaincu que beaucoup de nos jeunes enfants, en situation d'échec scolaire, auront plus de chances de se rattraper et de retrouver une scolarité normale. Cette formule qui met sous un régime restrictif et très encadré des jeunes en situation de risque d'échec scolaire existe sous différentes formes, à travers le monde. Elle a fait et fait ses preuves. Lancer des actions pilotes, dès cette année, permettra de préparer un cadre éprouvé et harmonisé, prêt à être déployé sur une large échelle, dès l'année prochaine. Le temps joue contre nous ; il faudrait courir le risque de devoir corriger dans l'action les aspects de forme. Ceci ne devrait pas être insurmontable, il faut juste être convaincu de la démarche dans ses fondements et de son potentiel pour faire renaître la sérénité en milieu scolaire. Une réflexion plus approfondie pourrait être envisagée, en seconde phase, en association avec les secteurs de la Formation professionnelle et de l'Enseignement supérieur pour une prise en charge efficiente et juste de l'échec scolaire. L'idée de base serait de préparer cette catégorie de jeunes à rejoindre le marché du travail avec un diplôme - métier obtenu plus tôt et de leur laisser ouvertes des passerelles de retour vers le cursus principal s'ils en expriment la volonté et les capacités. *Docteur ingénieur en génie mécanique |