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Afin de lézarder
la banalité quotidienne, il n'y a pas mieux qu'une évasion vers la nature. A
Tlemcen, on est bien servi, il suffit de bien vouloir. Le panorama est varié, il
y va des cascades aux sommets des monts de Tlemcen.
A commencer par les petits perdreaux, une coquette forêt aux pistes pédestres agréables. Si vous vous laissez aller en poussant l'effort, et en grimpant sans voir derrière, vous arrivez en haut sur un sommet qui vous offre une vue merveilleuse sur toute la ville et au-delà jusqu'à la fin de l'horizon. En temps clair, on aperçoit nettement le bleu azur de la mer. En scrutant convenablement, on distingue nettement le mont de Tajra (le fief d'Abdel Moumen Ben Ali, qui ombrage l'oued el Koumia, la tribu de ce dernier). Des deux rochers qui surplombent la forêt, on peut continuer sur l'autre versant sur la plaine du Mefrouch. Les anciens postes militaires jalonnent la plaine juqu'aux monts de Tlemcen qui partent de l'antenne du Nador jusqu'aux sources de Belawdor. Un parcours sur crêtes qui met bas le paysage jusqu'aux abords de la Méditerranée. De temps en temps, on bute sur une douille d'un mortier du temps de la guerre d'indépendance. Nos sillons sont encore abreuvés de souvenirs. La forêt des Zarifets plus haut nous rappelle les camps de scouts où nos nationalistes ont prêté serment pour que vive l'Algérie. Suivant la ligne de crête, on poursuit notre ballade jusqu'aux escaliers de la Kissaria ou Karkar el Hadjar qui relie via la source de Tichtiwine el Yabdar, un village des Ouled el Cheikh, réputé pour ses cerises «bigarou» en bien entendu ces moudjahidines qui caracolaient sur la montagne du Djebel el Assas à une phase de marche des djebel Ras el Asfour aux confins de la frontière marocaine. Un terrain ratissé par Lotfi, Djabber, Afen, Oghab el Lille, ces lions héroïques. La forêt de Belawdor, dotée d'un couvert exubérant, vous fait admirer les vieux chênes et les lentisques sauvages où se faufilent furtivement les sangliers. Gare à la femelle postée près de sa progéniture, elle n'hésiterait pas à vous charger et bonjour les dégâts ! Même les bergers ont changé d'orientation. Pas âme qui vive. La bise fait plier la haute herbe tout en dégageant une douce sonorité qui rappelle le feulement d'une harpe en pleine extase. Un appel au romantisme de Rousseau qui retentit au coin de la prairie à l'ombrage d'un centenaire qui s'abreuve à la source de Tchtiwine. Alfred de Vigny portait en ses strophes, l'apologie de la nature. Rousseau comme Kateb yacine traitent de la couleur des sentiments à travers leur haute envolée lyrique. Ils nous font vivre de belles chimères dont ont grand besoin nos neurones sclérosés et une âme timorée. Pour sublimer nos élans, la clé des champs nous enchante et nous transporte au-delà des zones éthérées. Les cimes des arbres se tutoient entre eux, solidairement, en un dialogue qui s'interfère à la symphonie du vent. L'homme est en quête sur les chemins de la lumière, loin du mode de la vitesse et de la consommation. Les stridulations des cigales agacent mais rappellent un cadre du dehors qui guérit. Ils nous convient à un nouveau vivre ensemble. Une symbiose avec la nature. L'eau de la source suit une inclinaison dessinée par les anciens Tchtiwine, (du mot berbère tasut : durée d'une vie humaine) un nom enchanteur enchâssé dans une toponymie berbère qui perdure encore et nous rappelle le socle identitaire, piétiné par divers conquérants. Si jamais vous optez pour aller aux cascades par le balcon d'Allah en longeant l'ancien canal romain (sakiet el nasrani), vous allez saluer le saint marabout ?el baal où Sidi Boumedienne el Ghoutz administra une belle leçon de relativité par rapport à l'ancien patron de Tlemcen (Sidi Daoudi). Un bol de lait en fut présenté à Sidi Boumedienne lui signifiant le ras le bol, celui-ci y ajouta des fleurs d'oranger et le lait ne déborda pas, voulant dire qu'il y a encore de l'espoir. Le canal dont les traces sont encore tangibles rappelle la légende de ?'Chachia be rial». Les Ottomans qui ont repris le creusement sous la falaise en allant aux cascades, dégageant de la roche les scories, remplissant au lieu des couffins, c'était plus pratique de se servir de leur chéchia pour encaisser un rial. Donc plusieurs options s'offrent aux marcheurs pour qui au bout, une ivresse douce est garantie. Des deux directions le spectacle est merveilleux et enivrant. Une pause s'impose pour se rafraîchir d'une eau abondante et claire au petit bassin du versant du village d'Uybdar elle va alimenter tout un monde en aval du ruisseau qu'elle engendre. Le roucoulement va nous accompagner jusqu'au bassin de décantation où les tuyaux en pvc de gros calibres prennent la relève. La région des Ouled Cheikh aux dessus de la vallée du Chouly (nouvellement Lakhdar) étale sa riche plaine où l'alfa s'érige en touffes drues et qui a constitué la richesse du papier traité jadis en Angleterre. Foin le matérialisme dépassé, notre démocratie suggérée par Tocqueville est en mal de vivre, nous tentons le «vivre ensemble» en espoir avec «les alternatifs» branchés sur une nature bio. La dimension féminine doit se joindre pour qu'on puisse in fine marcher sur les deux pieds et relever l'espoir pour un monde nouveau. Ainsi la promenade sur les versants du relief tlemcénien délivre un baume cathartique qui vous guérit de l'ennui et de la lassitude. Itou vous décelez la respiration des feuilles et le silence qui dort sur le velours des mousses. L'enthousiasme circule de la tête aux pieds. Corps et âme sont au diapason. L'action fait bouger les lignes et déniche l'extraordinaire. Les pas deviennent le métronome. Un état de surchauffe extatique qui vous permet d'aller prendre récréation avec les amis au café afin de traquer le rire, cette musique de l'âme. Et les cafés, ces espaces où l'on fabrique du verbe, confectionne la rumeur, dégomme les ministres, ne manquent point. Allez ! Une double dose de caféine à défaut d'autres? Un pied devant l'autre et le tour sera bouclé. |