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Après la triste
image d'une Algérie pourvoyeuse de harraga, il y a
comme une fierté de voir l'emblème national flotter sur un laboratoire allemand
de haute renommée en matière de recherche technologique... l'honneur est sauf.
L'Algérie aux cimes de la réussite: considération, respect, honneur... en dehors de chez-elle. Ça existe et c'est flatteur, promettant. C'est vendredi et nous voilà en route pour la ville de Kerpen, 30 km, à l'ouest de la ville de Cologne en Allemagne. Quelque 80.000 habitants y vivent, au milieu de beaucoup de verdure. C'est là, à Kerpen que les meilleurs chercheurs et innovateurs venus d'Europe, d'Asie, échangent, confrontent, coopèrent dans des secteurs de technologies de pointe dans la discrétion au sein d'un centre-laboratoire installé au détour d'un hameau de maisons et villas cossues. Abene Abderrahmane, polytechnicien, chercheur dans les universités de Mons, en Belgique et Valencienne, en France qui m'a invité pour ce rendez-vous important, est tout excité: « Tu verras le drapeau de l'Algérie flottant sur l'un des laboratoire allemand des plus réputés ». Puis il ajoute d'un air placide: « Dire que durant quelques années j'ai eu l'espoir que la valise solaire, mon invention que j'ai présentée aux plus hauts responsables algériens allait être fabriquée et produite en Algérie. Ils m'avaient tant rassuré et promis». Abene a cédé à contre cœur son invention quelque peu stratégique à la firme allemande «Lucas- Nülle». C'est là, à Kerpen que nous arrivons en fin de matinée. Visible de loin, le drapeau algérien flotte aux côtés de celui allemand. Dans le salon d'accueil, une autre surprise: la présence du professeur Abdellatif Zerga de l'Université de Tlemcen et président de l'Institut des eaux et des Sciences de l'Energie panafricain. Lionel Hemme, un ingénieur des systèmes et directeur du laboratoire nous accueille avec bienveillance. Dans la discussion il n'est plus question que d'énergie, d'électronique, d'innovation, d'avenir dans cet énorme pari sur l'avenir énergétique du monde et son corollaire, le changement climatique. Nous entrons dans l'antre du génie et de la recherche: les différentes sections du laboratoire. Ici une voiture électrique ? « sous verre » présentant tous les circuits et astuces comme une radiographie, connectée à différents tableaux de simulation des performances et avantages énergétiques. « C'est un modèle pour les étudiants en formation dans la mécanique énergétique », déclare M. Hemme. Puis la suite, celle des salles de travaux pratiques. Là, un tableau de réseaux électriques de diverses sources: solaire, éolien, hydraulique ... ailleurs une raffinerie miniature à hauteur d'homme aux fins de distillerie multiples du gaz et pétrole. De salle en salle du laboratoire, les deux professeurs algériens et l'ingénieur franco-allemand débattent, questionnent, testent un moteur, un circuit informatique, s'arrêtent, s'interrogent. Je nage au milieu du vocabulaire où il n'est question que d'ampérage, de force des énergies propres, de coûts de production et de possibilité d'arrimer les universités algériennes aux méthodes de recherche et d'innovation allemande. Le docteur Abdellatif Zerga est songeur. Il demande s'il est possible que le laboratoire Luca-Nülle accueille des ingénieurs et étudiants algériens. « Combien ? » demande M. Hemme. « Un trentaine pour une durée de trois mois », réplique M. Zerga. « Ok, c'est faisable et ce sera avec grand plaisir », répond son interlocuteur. Le docteur Abene intervient, dans le tas: « Et ma valise solaire? C'est quand le lancement de la production? M. Hemme lui répond catégorique: « Ce sera au cours de l'année 2019, certainement avant juillet. » Le docteur Abene est lui aussi songeur. Je me rappelle de la première fois, voilà près de cinq ans, lorsqu'il jubilait après son passage à la télévision algérienne Entv, présentant son invention et recevant mille et une promesses des plus hautes autorités pour produire et commercialiser sa « Valise solaire ». Un paquet en forme de valise, pliable et qui peut alimenter, en énergie, toute une maison pour moins d'un jour d'ensoleillement emmagasiné. Las de promesses, il finit par céder son invention à la firme allemande «Lucas- Nülle». Cependant il exige que figure sur le logo de la machine l'emblème algérien aux côtés de celui allemand. Maigre consolation patriotique, estime-t-il, avec un mélange de fierté et d'amertume. Une telle valise peut être utilisée, aussi bien, par un paysan isolé des réseaux électriques, que comme balise de secours pour des engins mobiles ou encore par des unités de l'armée, etc. Son utilisation est large et multiple. Par ailleurs, l'Algérie aurait disposé d'une technique et d'un produit à l'exportation en Afrique, Asie, etc. Une réelle opportunité économique et stratégique. Ce sont autant de raisons qui ont convaincu la firme allemande à acquérir le brevet de la ?valise solaire'. La visite se poursuit dans le laboratoire et les salles de travaux et expériences pratiques. « L'idéal est que nous puissions, en Algérie, avoir ce genre de salles d'études et de labos », avance le professeur Zerga. Il est, alors, question de coût pas si important que cela ne paraisse. « Avec de telles installations, somme toute, pas si chères que cela ne paraisse, comment veux-tu que les étudiants-ingénieurs ne soient pas passionnés, créatifs et enthousiastes ! » s'exclame le docteur Abene. Le professeur Zerga sourit et hoche la tête. Une pause-café s'impose pour faire le point sur l'objet principale de la visite. C'est que le professeur Zerga est arrivé, tard dans la soirée, à Berlin, a pris le train de bonheur pour Kerpen. « J'ai dormi moins de deux heures depuis hier », explique-t-il. Mais l'excitation devant les machineries du laboratoire agissent comme un fortifiant. « Bien, quand et où donner le top départ de la production de la ?valise solaire' » rappelle le docteur Abene. D'un commun accord, le professeur Zerga propose la tenue du Sommet des chefs d'Etat africains, à Addis-Abeba, de juillet 2019. En tant que directeur de l'Institut panafricain des Sciences de l'énergie, il sera présent au Sommet de la Commission de l'Union africaine et c'est une excellente opportunité de présenter l'offre de la ?valise solaire' aux chefs d'états et de gouvernements africains. Tout le monde est d'accord. Il faut maintenant rencontrer le P-DG de «Lucas-Nülle», M. Rolf Lucas-Nülle, qui vient d'arriver à son bureau. Ce dernier nous reçoit avec un large sourire et la discussion commence. Le professeur Zerga explique, dans un excellent anglais, les attentes de l'université où il enseigne, celle de Tlemcen, les objectifs de coopération de l'Institut panafricain qu'il préside et les stratégies d'avenir en matière d'énergie renouvelable de manière générale. M. Rolf est impressionné par la volonté des Algériens de s'engager avec autant de foi et d'espoir, dans les Energies de l'avenir. Il croise et recroise ses mains puis déclare, tout de go: « Qu'à cela ne tienne. Nous sommes partant pour l'échéance du Sommet de la Commission de l'Union africaine pour marquer, officiellement, le lancement du produit ». M. Rolf est un ingénieur de la vieille école qui s'est lancé dans la promotion de la Recherche technologique, avec un certain succès. Ses laboratoires coopèrent avec des ingénieurs des plus grands pays industrialisés: Japon, Corée du Sud, USA... Du coup, l'intérêt qu'il montre aux chercheurs algériens provoque une satisfaction non dissimulée chez les nôtres. Les aspects techniques passés en revue, les engagements pris confirmés, l'inévitable question nous revient-elle, aussi naturellement: l'importance et la considération octroyées à nos universitaires, chercheurs et de manière générale à l'avenir technologique du pays. Une certitude: nos étudiants, ingénieurs, chercheurs ne sont ni moins intelligents, ni moins capables de relever les défis des technologies modernes. Tout est question de volonté politique et de moyens conséquents et adaptés. La diaspora algérienne en matière grise est considérable et réputée en Europe, comme aux USA et même au Japon où un ingénieur algérien dirige toute une équipe de chercheurs à Tokyo. Combien de fois n'avons nous pas rencontré ces génies algériens en Europe et ailleurs qui regrettent de ne pas pouvoir s'exprimer, créer et produire en Algérie. Tous et toutes répètent que c'est une question de moyens ( labos notamment) d'abord avant de revendiquer, très justement, la considération et le statut qu'ils méritent. En quittant la ville de Kerpen, sur le chemin du retour vers Bruxelles, le docteur Abene arrête, soudain, sa voiture à hauteur d'une aire de stationnement de l'autoroute: il pointe son doigt sur deux énormes pales d'une éolienne chargées sur des chariots transporteurs. Nous descendons et Abene nous indique les terminaisons des pales ciselées comme les dents d'un peigne: « C'est tout nouveau comme innovation sur les pales des éoliennes. C'est pour réguler et amortir les turbulences du vent, de sa vitesse etc. » Le but est de maximiser le rendement énergétique et la durée de vie des éoliennes. Décidément, la technologie va, elle aussi, à la vitesse du vent. Ce jour de vendredi, des Algériens ingénieurs et chercheurs se sont baladés entre la Belgique et l'Allemagne, dans le monde de l'ingénierie et de l'innovation, en ayant l'Algérie dans le fond des yeux et en vibrant à la vue de l'emblème national sur le laboratoire d'un pays leader dans la recherche sur... l'avenir. |