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L'oued Kiounal
qui serpente à l'entrée de Sidna-Youchaa descend des
monts du Fillaoucen à travers schistes et marnes, une
belle plage de plus de 1200 mètres amputée d'un nouveau port dont l'essor
demeure hypothétique. Nombreux sont les estivants et les habitués des lieux
intéressés par l'histoire de Sidna Youcha qui n'arrivent pas à la situer concrètement dans
l'enchevêtrement historique depuis les Phéniciens en passant par les Romains,
les Arabes, les Ottomans, les Espagnols. Depuis la colonisation, la mémoire
reste vive.
La région côtière effectivement fut soumise à une série d'occupation, de visite militaire stratégique, de surveillance et de poursuite. Mais ce qui frappe le plus, c'est cette empreinte judaïque du nom de Sidna Youchaa. Qui fut-il ? Que représente-t-il au juste dans la hiérarchie hébraïque ? Un éclairage nuancé situera mieux la part légendaire et la plausibilité historique. En plein centre du village de Sidna Youchaa qui se trouve à peine 10 kilomètres à vol d'oiseau de Nedroma, une ancienne jouxtant une récente et coquette mosquée, abritant l'emplacement d'une tombe d'un saint personnage du nom juif de Youchaa ou Ya'chwa, celui même de la Bible traduit en « Josué ». La légende dit qu'il fut un grand personnage, un géant. Le dernier fkih, surveillant bénévole, considère le lieu comme sacré et que le tombeau est une appropriation purement islamique, alors que les juifs d'antan le considère comme un important prophète (Nabi Youchaa). Les habitués de la mosquée, dépositaires des traditions locales, en donnent la généalogie : ce Josué, fils de Noun comme dans la Bible, descendant de Fratin (Ephraïn) par Joseph, Jacob, Isaac et Ibrahim (Abraham). Historiquement il est certain que Josué n'est pas mort ni enterré à Sidna Yochaa. Josué fils de Noun, serviteur de Dieu meurt à l'âge de 120 ans, on l'ensevelit dans le domaine qu'il a reçu en partage à Tinnat-serak dans la montagne d'Ephraïm, au Nord du Mont Gaash (Livre de Josué 24,24). Il n'est pas non plus possible d'admettre que Sidi Noun du cap Noé soit le père du célèbre Youchaa. L'histoire se refuse également à accepter qu'à Tlemcen le roi Salomon séjourna durant un an. Ibn Khaldoun le refute. Cependant, les Cananéens refoulés par les Hébreux tentèrent de s'implanter en Egypte et que repoussés de ce pays trop peuplé, ils se glissèrent plus à l'ouest en afrique. «Après la mort de Moîse, Josué, fils de Navé, fut mis à leur tête..» Dont E.F.Gautier le mentionne dans le passé de l'Afrique du nord relatif aux textes de Procope : En ce temps là, toute la côte de Sidon jusqu'en Egypte s'appelait la Phénicie? Lorsque les Phéniciens constatèrent que le général étranger était invincible, ils quittèrent leur patrie et émigrèrent en Egypte? De là, en Afrique qu'ils occupèrent jusqu'aux deux colonnes d'Hercule. Procope, cet historien grec mort en 525 ajoute : «Dans la ville de Tigisis (Ain el Bordj, S.O de Constantineà auprès d'une très belle fontaine, deux colonnes de pierres blanches portant inscription phénicienne : C'est nous qui avons pris la fuite devant ce brigand de Josuah, fils de Navé (ou Noun). Quant aux deux colonnes de pierres blanches, E.F.Gautier parle de stèles puniques. Au quatrième siècle, Saint Augustin, évêque d'Hippone (annaba) dit : Si vous demandez à nos paysans ce qu'ils sont, ils vous répondront : nous sommes Cananéens. Il y eut au cours de l'histoire des migrations juives ou sémites. A el Aricha, dans le Sud Oranais, en 1917, des berbères se disaient descendants des Philistins, fils de Ham. A Tamentit dans le Touat, ou à Taradant dans la vallée de Sous, il y eut des centres importants d'Hébreux. Certains expliquent par des migrations commerciales ou politiques, d'autres par la sauvage répression romaine après le soulèvement juif qui, entre autres, ensanglanta la Cyrénaïque vers l'an 118 de notre ère. Par ailleurs, il est certain que des tribus berbères furent jadis profondément judaïsées au point de vue religieux sans parler de la région des Beni-snous et de l'Aurès avec la fameuse Kahéna. Dans la région de Sidna Youchaa, pour Ibn Khaldoun, les Medouina, qui au 14e siècle vivaient encore là, auraient longtemps été judaïsés. A.G.P Martin parle d'une migration juive au Touat à l'époque des gétules. La trouvaille d'une « idole tamentinoise » en forme de poisson, dont la tête couronnée, pense-t-on qu'elle traduit un culte voué à Josué, en considération de la dispora juive en Méditerranée. D'où l'hypothèse d'A.G.P Martin, que la migration juive est nord-sud à partir des côtes. La toponymie côtière en référence à Josué et à Noun est un indice. A 10 kilomètres de la koubba de Josué, se trouve celle de Sidi Noun (Navé père de Josué), Noun traduit par Noé lors de l'établissement de la cartographie côtière française. L'autres koubaa, Sidi Aïssa, près de l'oued Saftar élargit la parenté et conforme l'inspiration biblique des saints éponymes locaux. A ces noms, est rattachée la mer qui fut le salut des émigrés. N.Marouf, précise que Josué ne serait qu'une médiation symbolique entre les immigrés et la mer et le poisson de Tamentit ne serait qu'une médiation entre la communauté tamentinoise et le peuple de Josué. Pour S.Gsell, il y aurait eu déjà entre Phéniciens et Cananéens immigrés en afrique du nord, non seulement un fond linguistique commun mais une origine quasi commune, puisque la tradition biblique rattache la phénicie à Canaan. Sidna Youchaa qui fut un lieu de halte maritime au temps des Phéniciens et des Carthaginois, alors que les navigateurs tiraient leurs barques sur le sable, ne fut jamais un port. Il fut question vers 1835 d'en aménager un, l'idée en fut rapidement abandonnée car la mer y est souvent violente et une baie nettement insuffisante pour y parer aux divers courants. En 2017, l'Algérie y procède un port de pêche en empruntant la plage de plus du tiers alors qu'à côté d'autres criques s'y prêtent mieux. L'Algérie est une adepte du principe de Peters. Au bas du djebel Mazil, dominant à l'Est de la baie, face au cap Tarsa, fut trouvé en mer, en 1966, un canon du XVIIe siècle. Depuis une dizaine d'année, la mer a rejeté une immense ancre qui pèse quelques tonnes dont personne n'a pu situer son époque. Depuis silence radio ! Les estivants continuent à se dorer sur cette plage plus ou moins confisquée par les diables es parasols, aidés par les gros galets qui par le reflux des vagues roucoulent un air de Raï, sans se soucier ni de l'origine du marabout, ni de l'histoire du coin. Mange tes tchips et jette le tout le soir, la vague s'en occupera ! Au Ziatine et au pays des Chagharna? Un grappin de petit hameau niché dans quelques escarpements des monts du Fillawsen au sud de Nédroma défie la chronique populaire. De Nédroma, avec son oued « Macin » en plein monts des Traras s'étendant jusqu'à la frontière, jalonné de collines, de vallées, d'une population agrippée aux sommets et collée aux nombreuses sources. Les Ouled Sidhoum se sont accaparé la partie gauche de l'oued collinaire à partir du sommet laissant le côté droit aux Beni Chaabane. Les Sidhoum ont hérité cette manne de l'eau tout au long de leurs parcelles, où en plus des amandiers, une culture maraîchère de subsistance prospère. Jusqu'à ce jour, ces deux tribus ne s'estiment pas amoureusement mais s'opposent comme les partisans du « çoff » du côté de Timimoum. Ce qui n'empêche point les unions des deux côtés. L'origine de cette fissure n'est point explicable tellement qu'elle remonte à loin. Est-ce une histoire d'eau qui en est la source ? Les batailles rangées enregistrées par les ouï-dire depuis des générations en font état à chaque occasion sans envenimement. De ce côté, un village ou plutôt un petit hameau de quelques maisons complètement écroulées par l'usage du temps en pays des Ben Chaabane en font une capitale affective : la Kherba des Ben Chaabane. Elle est située tout juste au-delà de la Massella du carrefour qui mène aux Ziatines et aux Athamna en direction d'oued Seftar. C'est là que nichent les anciennes populations juives d'il y a des millénaires (les Ichoun, les Bentata, les Chakroun, etc) pour s'islamiser par la suite. Des marcheurs vacanciers, férus de randonnées sportives, se heurtèrent en pleines montagnes sans piper mot de leur origine ni de leur histoire. Du côté des Ziatine et des Athamna, le cours d'histoire est bien ancré chez les derniers cèdres de la région. Ce fut cheikh Ben Khlifa décédé suite à une chute de sa mule à l'entrée de Sidna Youchaa, s'ensuit Cheikh El Ghazin, cheikh Bou Hafs, et un des derniers cheikh Taam. La route qui atteint el Ziatine serpente en hauteur vers Honaîne avec au menu une vue splendide. De part et d'autre d'une route goudronnée, des boisées d'amandiers, de figues de Barbaie, de caroubiers, imposent une nappe verdoyante. Une fontaine au style romain s'arrime au paysage déjà insolite. Cette ancienne route coloniale qui avait l'intention d'arriver à Honaïne pour exploiter les gisements de marbre. La route buta sur Oued Safter qui a creusé un canyon impressionnant et dur à franchir. Les Algériens l'ont prix à rebours, du côté de la montagne de Tajra (pays des Koumia, d'Abdel Moumen Ben Ali) pour que la Sonarem (ex société de marbre) en fasse son affaire. Dominant la baie de sidna Youcha, plage de Nédroma et des Tlemceniens, la route prisée par ces vacanciers est devenue une région touristique sans la participation d'une quelconque autorité. En temps clair, on peut apercevoir l'île espagnole des Présides du côté d'el Hoceima. La région, bien avant la colonisation était occupée par des habitants d'origine juive, islamisés mais continuent de porter leur nom : ichou, chakroun, Bou Addi, etc. Les Turcs (el Othmaniya qui donna Al Athmna ) s'installèrent pour donner des prototypes blonds aux yeux bleus. La région est éparpillée des Ghalssa, des Ghenim, des Ghellis, des Ghenians, des khelifat, etc. Une tentative d'une armada espagnole débarqua aux siècles précédents pour kidnapper une famille entière lors d'un mariage. Un seul témoin en échappa, que sa mère le camoufla sous la cheminée. Toutes les tribus alentours sont nommées sous le vocable de kabyles, un pluriel de tribus. Berbères ? Aucune trace linguistique à part la caractéristique du cheu ou du keu. En épluchant l'histoire des Traras, on trouve que les Zenatas sont passés par là, de même que les Maghraouas. Les Doui Abdallah, tribu arabe des Benou Hillal n'ont pas épargné la région, reste à s'épancher historiquement par des études en profondeur. El Bekri au XIème siècle nomme pour la première fois Nedroma qui la charge d'une muraille ceinturant la ville et d'un oued Massine en proximité. Ouled Sidhoum qui jouxte la région sur l'autre versant après les Chagrana, sont d'origine saharienne (sahara et guerbia) d'oued ed dahab) établis vers 1640. L'ancienneté sans fin dans la mémoire populaire. Les Beni Chaabane s'illustrent par la légende qui rougit la langue de ceux qui ont rêvé sidna Youcha, enterré dans la région. De l'autre côté de la route qui mène aux Ziatine et au Athmana, à partir de la nouvelle mosquée, le hameau des Chagrana se trouve à une dizaine de kilomètres. Un hameau perdu qui vivote de la nuit des temps à des jours ingrat où l'aridité et la pauvreté du sol ne contribuent nullement à aucune avancée. Sans route, sans électricité, l'eau encore puisée à la source, juste une piste qui descend brutalement où l'âne, plutôt le mulet, chargé à bloc pourvoit la pitance. Une dachra, que le temps a oublié, aussi bien sous la colonisation que l'Algérie souveraine. Des laissés pour compte dont les islamistes ont récupéré le relief pour enterrer une casemate. Cela n'a duré qu'un temps car tout est misère, même l'espoir ne tient qu'aux arcs-en-ciel qui les visitent. L'homme n'y tient pas, depuis leur fuite de la terreur, la plupart des habitants de la région ne sont plus revenus. Ils ont préféré l'eau au robinet, le pain chez le boulanger et les enfants à l'école. Une vie ailleurs meilleure, quoi ! La légende des abeilles tout devient or Lors de la préparation du siège de Tlemcen, sous les Beni Abdelwad, particulièrement sous Abou Hamou (dont la fille était mariée à Nedroma) les Mérinides ratissèrent la région afin d?étouffler Tlemcen. Un des chefs mérinides, le sultan noir (Salan Lekhel) se présenta avec son armée en vue des monts des Chaguarna, ceux-ci n'avaient aucune arme pour se défendre, l'idée leur vint de lâcher les abeilles. Ces abeilles ne fournissaient pas uniquement du miel mais en la circonstance, de l'or, l'armée fut confrontée à cette nouvelle manne qui les perturba et oublia l'attaque et le siège, les abeillers dit la légende et cheikh Awas buriné par le soleil, un pilier de la région, ont sauvé les chaguarna. Un point d'appui de l'histoire que nourrit l'identité du coin. A l'époque de Chadli le socialisme de margarine a installé un souk el fellah monté en une journée comme au temps du cirque Amar, où furent exposés des accordéons et des violoncelles, une intervention judicieuse du programme « PAP » de l'époque. N'empêche qu'elle est devenue une référence historique comme l'année des sauterelles. Au zénith un geste de zéphyr fera zigzaguer toutes les belles paroles des légendes. « A défaut de repères historiques, nous nous abreuvons de légendes », me murmure Ba Awouad. |