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«La pensée ne doit jamais se
soumettre, ni à un dogme, ni à un parti, ni à une passion, ni à un intérêt, ni
à une idée préconçue, ni à quoi que ce soit, si ce n'est aux faits eux-mêmes; parce que, pour elle se soumettre, ce serait cesser
d'exister ». Henri Poincaré (1854-1912).
La démarche de M. Noureddine Boukrouh est pour le moins troublante ; la tournure que prend toute cette affaire et les développements qu'elle connaît ajoutent énigmes au trouble et laissent l'opinion publique totalement désarçonnée. Homme politique aguerri, ministre de la République à plusieurs reprises et chroniqueur prolifique, M. Boukrouh n'est pas ce qu'on dirait un étranger au pouvoir, ni un débutant d'ailleurs, ni encore un invité de dernière minute, il est, comme il vous le dirait lui-même, «wlid eddar». Alors, que lui est-il arrivé pour passer d'un homme qui se consacre à ses lectures et ses écrits,à un baroudeur qui tire sur tout le monde ? Se distinguant par des chroniques osées pour la période, M. Boukrouh a saisi l'occasion de l'ouverture du champ politique aux lendemains des évènements du 5 octobre 1988 pour créer un parti politique qu'il revendiquait élitiste. Un parti qui, une dizaine d'année après, n'avait pas survécu au départ, pour un poste ministériel, de son «Zaïm». De nos jours encore, le Parti du Renouveau Algérien (P.R.A.) souffre, et le peu de militants qui lui reste cohabitent à couteaux tirés, particulièrement en période d'élection où il est utilisé par le pouvoir comme un vulgaire appareil pour participer aux élections. La question de la qualification de ce départ a déjà été tranchée par l'opinion, ce fut une erreur grotesque ; reste la question de la relève, M. Boukrouh surestimait-il, en ces temps, la qualité des hommes qu'il avait choisis pour compagnons ? Ou alors connaissait-il leurs limites ? L'un ou l'autre cas serait gravissime mais nous ne sommes pas là pour porter des jugements sur ce sujet, l'histoire s'en chargera le moment venu. Son enrôlement en 1999 ne fut pas le fruit du hasard, il a été soigneusement planifié et magistralement exécuté par feu Larbi Belkhir. Sa fameuse lettre remise en mains propres par ce dernier en était la preuve irréfutable. En effet, dans cette lettre, aux allures de demande d'emploi, M. Boukrouh commence prestement par prêter allégeance au Président, se démarquer de ses propos d'avant élections, flatter son ego, dénigrer ses concurrents et enfin tenter de le séduire en étalant sa culture. J'ai été particulièrement hélé par le fait que M. Boukrouh, s'adressant à un Président élu dans une Algérie indépendante, cite, avec des propos élogieux, le Général De Gaule pour le prendre en exemple. Ce n'est pas que l'homme soit inintéressant, mais dans ces conditions, c'est pour moi déplacé. La suite est connue de tous, M. Boukrouh fut, grâce à sa missive et à son messager, ministre de la République au gouvernement conduit par Benbitour du 26 décembre 1999, date du premier remaniement sous la présidence Bouteflika jusqu'au 1er mai 2005, date de son éviction du gouvernement Ouyahia IV. Il a servi sous trois chefs de gouvernement différents, sous six gouvernements, et a officié 4 secteurs différents. Tout cela en six ans ; c'est pour cela que M. Boukrouh ne vous parlera jamais de son bilan, il n'en a aucun, il ne pouvait pas en avoir. Ce qui est, par contre, intéressant c'est que M. Boukrouh fut congédié dans la même période que le messager, feu Larbi Belkhir. Ce dernier, perdant son influence, quittait ses fonctions en 2005 pour ensuite être éloigné au Royaume du Maroc comme ambassadeur où les conditions de son agrément témoignent de la singularité de la situation et de l'urgence qui l'entourait. Feu Larbi Belkhir ne revint plus jamais dans les bonnes grâces du Président ni de son entourage influant et M. Boukrouh ne fut plus jamais réengagé. M. Boukrouh veut une place. Il veut sa place. Du respect et de la considération, mais, et c'est là tout le problème, il les veut pour lui, pour personne d'autre, surtout pas les autres. C'est en cela que nous saisissons tout le drame de M. Boukrouh: obstination, arrogance et ambition. Pour M. Boukrouh, juger les autres, au-delà du sentiment de jouissance que cela peut procurer, est devenu une façon de s'accepter, de se dédouaner et de s'en laver les mains. A sa décharge, tout de même, pour ses attaques contre les trois personnalités, le fait qu'à aucun moment de leur appel, ils n'ont eu à citer son initiative ou, au moins, y faire allusion, comme pour l'ignorer. Cela ne plait pas du tout à M. Boukrouh. Son initiative, qui ressemble un peu à celle lancée par M. Benbitour en 2009 avec ses fameux cercles d'initiative citoyenne pour le changement, les deux reposent sur les autres, les citoyens lambda et ne nécessitent pas de rencontres, l'une et l'autre font appel aux réseaux sociaux et les deux restent vagues et inopérantes, est seulement une façon d'exister différemment, puissamment, de défier ceux qui osent l'ignorer ou d'attirer leur attention. Avec ses attaques virulentes, M. Boukrouh ne risque-t-il pas de payer une dîme onéreuse ? Avec son initiative, M. Boukrouh risque définitivement de payer le prix de son action, le cas du Général Belhadid en est une illustration parfaite. Mais pour le moment et après un semblant de mise à feu de la machine répressive par plusieurs personnalités politiques, la Présidence semble avoir donné des instructions d'apaisement, probablement par ce que le Président le connaît personnellement ; lorsqu'on connaît une personne personnellement on est moins enclin à lui rendre animosité et autres agressions, on a tendance, ainsi, à lui concéder ce qui nous semble être un écart de conduite. Il est probable aussi que le dossier de la candidature pour le Nobel de la paix ait joué un rôle de modérateur et enfin, le personnage, pour l'instant, ne représente aucun danger imminent. Enfin, pour la postérité, au-delà de son appétence pour le dénigrement et sa propension effrénée à ouvrir des fronts insoutenables, M. Boukrouh semble très lucide sur la situation du pays et dresse, avec un courage méritant, un tableau exhaustif des dangers qui guettent notre nation. En cela, il reste intact. |