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Le journalisme et la
littérature sont deux réalités indépendantes, capables de s'associer. Tous deux
ont le même médium: l'écriture, mais c'est les styles
qui diffèrent.
Le journaliste utilise une écriture vive mais simple, liée à l'événement et à l'actualité. Le rythme est rapide, concis et moins travaillé que celui de l'écrivain qui prend tout son temps, cherche ses mots, ses tournures de phrases. Alors que le journaliste est témoin du fait, le littérateur, lui, est acteur. Il invente des situations, des histoires, des personnages, il crée un monde à sa façon, il fait rêver. Le journaliste, lui, travaille au quotidien, dans l'urgence. Il cherche l'information, le scoop. A contrario, l'écrivain, qui n'est pas tenu par le temps, travaille à son rythme, peut se permettre d'arrêter de travailler et revenir plus tard à son texte. Il déchire des pages, rature et réécrit. La rature et la réécriture sont deux concubines que l'écrivain a du mal à plaquer. Le journaliste, quant à lui, ne crée pas le fait, c'est le fait qui s'impose à lui par le biais des dépêches d'agences, des instructions de sa hiérarchie, par la commande d'articles ou de reportages. Il est surtout tenu par le temps, car l'information n'attend pas. Le lendemain, il passe à autre chose. L'article d'information n'est destiné qu'à une lecture immédiate et ponctuelle, alors que le texte littéraire est censé avoir la capacité de durer. Journalisme rime avec rapidité. Si l'on compare ces deux fonctions à des sports, on dira que le journalisme c'est comme courir un 100 mètres et la littérature c'est plutôt le marathon. Dans le même ordre d'idée, Emile Zola disait que le journalisme est un exercice d'assouplissement qui prépare à la grande compétition qu'est l'écriture de livres. Il a toujours conseillé aux jeunes écrivains de fourbir leurs armes dans le journalisme. En fait, le facteur le plus important pour l'écrivain autant que pour le journaliste reste la lecture. C'est la grande créatrice de vocation littéraire. C'est à force de lire que l'on est tenté d'écrire à son tour. D'ailleurs, le premier commandement du Coran est Iqraa ! Mais le travail reste quand même l'essentiel de la fonction littéraire. Un don sans travail n'incite pas à embrasser une carrière d'écrivain. On dit qu'un roman, c'est 5% d'inspiration et 95% de transpiration. Ecrire toujours et encore ! Le travail du journaliste est aussi un travail rédactionnel. Toutes les informations qui paraissent dans les journaux ou qui sont lues au micro et à l'antenne sont d'abord rédigées par les journalistes. Le journalisme est un vrai métier qui nécessite des études spécifiques. Même si la fonction est encore ouverte aux autodidactes, les trois quarts de ceux qui possèdent des cartes de presse sont passés par une école de journalisme. Ce métier n'est pas singulier, il est pluriel. Il existe plusieurs métiers du journalisme: des reporters, des chroniqueurs, des billettistes, des nouvellistes, des éditorialistes, etc. Tout comme en médecine, il existe des généralistes et des spécialistes, dans le journalisme aussi; il existe des généralistes qui peuvent traiter de tous les sujets, et des spécialistes en politique, en économie, en sport, des critiques littéraires, de théâtre, de cinéma et même en art plastique ou en art culinaire. Aujourd'hui, on demande de plus en plus aux candidats journalistes de maîtriser l'outil informatique et les logiciels de montage, afin qu'ils présentent des articles prêts à l'emploi. En plus de ces métiers que nous venons d'énumérer, il faut ajouter les photographes de presse qui sont également les premiers sur le terrain. Leurs clichés sont souvent indispensables pour illustrer les articles. D'ailleurs, certaines de leurs photos ont marqué le monde de l'info. Elles ont fait le tour du monde, comme celle de la jeune Vietnamienne qui courait toute nue dans la rue, brûlée au napalm, et qui montrait l'horreur de la guerre imposée par les forces américaines aux Vietnamiens, ou, tout près de nous, la fameuse photo intitulée «la madone de Bentalha» qui montrait la détresse d'une mère face à l'horreur terroriste et au massacre de tout un village. Il existe aussi un autre métier tout aussi important, le dessinateur de presse qui, lui, est porteur d'une triple casquette: celle d'artiste, de journaliste et d'humoriste. En effet, aujourd'hui, on n'hésite plus à considérer les Dilem, Cabu, Plantu, le Hic ou Labter, comme de vrais éditorialistes. Ils apprennent eux aussi à domestiquer l'évènement. Leurs dessins peuvent résumer à eux seuls une situation, un fait ou un événement. Ils assistent aux réunions politiques, aux manifestations de rue, aux séances des tribunaux, dans les stades, au théâtre, etc. Certains ont même publié, sous forme de livres, leurs œuvres qui ont été appréciées par les lecteurs, et ont donc flirté avec le monde littéraire. Mais, on parle communément du journalisme comme étant le quatrième pouvoir, par rapport aux trois autres (législatif, exécutif et judicaire), de par l'influence qu'il peut avoir sur l'opinion publique et sur les lecteurs. Combien d'articles ou de reportages ont fait le tour du monde, et ont bouleversé des vies et des carrières de hautes personnalités à travers le monde ! Le fameux «J'accuse» de Zola est l'article le plus connu dans le monde. Et que dire des investigations des journalistes du Washington Post qui ont poussé le très puissant président des Etats-Unis, Richard Nixon, à la démission ? Donc, si l'on considère que le journalisme est le quatrième pouvoir, il faut savoir aussi que c'est un métier qui n'est pas sans danger. C'est loin d'être une sinécure. Combien de journalistes et reporters à travers le monde ont perdu la vie en faisant leur métier ! Chez nous, de 1993 à 1997, la corporation a perdu plus de 100 journalistes, tous victimes du terrorisme islamiste. Au cours de l'année 2014, près de 60 journalistes ont été tués à travers le monde, en exerçant leur métier. Comparés à cela, les écrivains ont plus de chance de mourir de vieillesse. Le seul risque qu'ils encourent, c'est de s'abîmer les yeux devant leur micro-ordinateur. Mais, peut-on réellement parler d'un métier de l'écrivain ? Pour beaucoup, la littérature est perçue comme une vocation, un hobby, un don, un passe-temps. D'ailleurs, lorsqu'un auteur dit à son interlocuteur: «Je suis écrivain», généralement il lui répond: «Oui, mais à par ça, vous faites quoi dans la vie ?». Sur le plan pratique, on ne peut pas parler d'opposition entre le journalisme et la littérature, puisque la littérature a toujours était proche du journalisme. La presse fait largement appel aux écrivains. On sait que des auteurs de renom comme Hugo, Balzac, Musset, Dumas et d'autres comme Dickens, Tolstoï ont écrit des centaines d'articles et de nouvelles dans des journaux et périodiques. Dans les années 1830, tous les livres, romans, recueils de poèmes sont d'abord publiés morceau par morceau dans la presse avant de devenir des ouvrages à succès. Théophile Gautier, écrivain par vocation, a été journaliste par hasard, et l'est resté par nécessité. Il a publié son roman «le Capitaine Fracasse» sous forme de feuilleton avant de le publier en roman qui a obtenu un succès considérable. Ernest Hemingway, l'auteur de l'excellent roman «Le Vieil homme et la mer», a été correspondant de guerre. En 1914, il se fait engager au Kansas City Star, comme apprenti reporter, pour 15 dollars la semaine. Cette présence en masse des hommes de lettres dans la presse influence évidemment l'écriture journalistique. On peut donc, à juste titre, affirmer que ces deux fonctions sont plutôt complémentaires. En effet, si beaucoup d'auteurs ont travaillé pour la presse écrite et ont aiguisé leurs armes dans le journalisme, de nombreux journalistes ont tenté, avec plus ou moins de réussite, l'aventure littéraire. Chez nous, par exemple, de grands auteurs reconnus pour leur talent d'écrivain, ont d'abord été d'excellents journalistes. Noureddine Aba, écrivain, romancier, poète et dramaturge, a assisté au procès de Nuremberg en tant que journaliste, alors qu'il n'avait que 26 ans. Le grand Mohammed Dib a été journaliste à Alger Républicain avant de devenir l'écrivain à succès que le monde entier nous envie. Kateb Yacine, romancier, dramaturge et conférencier, a lui aussi travaillé à Alger Républicain comme journaliste. D'autres journalistes ont quitté la presse pour se consacrer à l'écriture de livres, à l'image de Mouloud Achour, grand reporter à El Moudjahid. Il exerça dans un autre quotidien national avant de se lancer dans la littérature, puis rejoindra le monde de l'édition. Senhadji était journaliste et auteur littéraire. D'autres encore portent les deux casquettes, journalistes et romanciers, comme Rachid Mokhtari, poète, romancier, essayiste spécialiste dans la critique littéraire et artistique, il anime également des émissions radiophoniques, consacrées à la littérature, notamment l'émission Thira (écriture en tamazight) à la radio Chaîne 2. Bouziane Benachour, auteur de nombreux romans et éditorialiste dans un quotidien national, Kamel Daoud, un excellent chroniqueur et auteur de romans à succès. D'autres journalistes et reporters connus pour avoir publié de nombreux ouvrages, come le regretté Tahar Djaout, qui collabora avec des journaux avant de créer, avec d'autres confrères, la revue intitulée Ruptures, Arezki Metref, écrivain, poète et journaliste de profession. Ces journalistes et écrivains sont tellement nombreux qu'on ne peut tous les citer dans cet espace. Pour l'écrivain, la première des tentations est la poésie. Très peu y échappent. Qui n'a pas rêvé un jour d'être poète ? Tahar Djaout (paix à son âme) disait: «La plupart des écrivains commencent leur carrière littéraire par la poésie, moi je voudrais la terminer en poète». Concrètement, on peut dire qu'il existe un rapport de similitude entre le journalisme et la littérature. Il arrive même que les deux se rejoignent, lorsque les auteurs se tournent vers l'Histoire ou le reportage. Ces écrivains pactisent alors avec la culture journalistique. Finalement, le livre, en tant que tel, et le journal offrent la même satisfaction à leurs lecteurs respectifs. Ce sont deux métiers aussi passionnants l'un que l'autre. On peut donc affirmer qu'il n'y a pas d'opposition entre les deux genres, mais une complémentarité entre le livre et les journaux. |