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Réinventer
l'école, c'est animer un consensus école / famille et un consensus enseignants
/ élèves
Consensus Ecole / Famille Devant être pragmatique, réaliste et intelligente, l'Ecole algérienne tournera le dos au dogme. Elle se refusera d'être ce «cachot» où des esprits introvertis s'obstineront à battre timidement de l'aile. Elle saura, par contre, être une «patrie» où ces esprits, parfois en perdition, se sentiront devenir une vérité avec laquelle il faudra composer, une conscience à engager dans la voie où ils trouveront leur profit. Toutefois, elle ne trouvera sa meilleure expression que si «elle se mettra aux côtés de la famille», comme n'a cessé de le répéter Alain ?Pédagogue français- Se mettant aux côtés de l'école, la famille, ce groupe biologique fondé sur des liens de chair animé par l'instinct filial, ne demeurera pas ce «royaume» à la solde des caprices d'un «roitelet» qui se plait à lui faire faire des courbettes. Elle se dressera alors, sans remords, contre ses sanglots dont il a pris l'habitude d'en monnayer les motifs. Elle en fera une âme sur laquelle il lui sera aisé d'épandre de la lumière. L'Ecole et la famille, conjuguant leurs efforts au sein d'un consensus fonctionnel, elles enseigneront à leur enfant-élève ces valeurs qui le prédisposeront à évoluer à travers une civilisation humaine déjà hautement complexe. Elles lui apprendront à agir pour que se dissocie en son esprit l'idée claire de l'idée confuse, à ne plus souffrir d'aucune rechute puisqu'il saura entretenir sa faculté de persévérer dans le bon sens. En somme, elles lui apprendront à filer lui-même le fil de sa destinée, à être l'artisan de son devenir. Se heurtant, s'opposant, se contrariant ou s'ignorant, elles n'évolueront qu'à travers des incohérences pédagogiquement néfastes parce que leurs influences s'annuleront inexorablement. Des doutes et des lacunes s'amoncelleront alors dans l'âme de leur victime, cet enfant-élève qui ne saura plus où «donner de la tête» et qui ne manquera pas, en fin de parcours, de choisir d'aller dans le sens vers lequel l'orientent ses instincts débridés. Dès lors, il ne pourra pas pénétrer à l'intérieur de lui-même pour y organiser et gérer ses points forts et ses points faibles, puisqu'il ne pourra pas agir en fonction de ses aptitudes. Elles n'auront, alors, conçu qu'un esprit aliéné qui ne cessera d'être en guerre avec lui-même, un esprit abusé qui, un jour ou l'autre, se «crashera», s'isolera du monde et s'abandonnera aux charmes de ses chimères. L'affirmation de Vessiot ?Pédagogue français- ne peut être que juste : «s'il y a un désaccord entre la famille et l'école, si ces deux influences au lieu de s'unir et de se confondre, se séparent et se battent, ce n'est pas l'école qui aura le dessus dans cette lutte inégale, c'est la famille qui dé-fera presque infailliblement l'œuvre de l'école». Le consensus Ecole / Famille ne doit pas être une simple philosophie qu'on bâtit avec timidité et qui succombera à l'occasion, mais un moyen éducatif réel et impératif qui permette, à l'école et à la famille, de se confronter crûment, assidûment et objectivement avec des situations concrètes et de s'organiser pédagogiquement autour d'un dispositif d'animation devant amincir les obstacles acérés du reste, auxquels, risquerait de faire face leur enfant-élève durant sa scolarité et épaissir les remèdes appropriés à ses lacunes et à ses défaillances. En clair, en aménageant la vie scolaire de l'enfant hors du temps scolaire, l'action éducative de la famille s'interdira de se substituer à celle de l'école. Elle se fera, plutôt, le complément indispensable en lui fournissant le soutien nécessaire et qui lui permet de tirer un meilleur profit de sa scolarité en y prenant plaisir. Cette action repose sur une collaboration étroite entre l'école et la famille et qui s?exprime à travers une association de parents d'élèves, préoccupés par le seul sort de ceux-ci et loin de toute ambition politique, (sic !!). Nécessité d'une coopération Ecole / famille La famille doit être l'auxiliaire de l'Ecole. Associées, elles concevront et élaboreront des actions pédagogiques convergentes. Autrement dit, si la famille détruit l'influence de l'école et si l'école amoindrit celle de la famille, il ne pourra exister, entre elles, cette harmonie qui leur permettra de contrebalancer l'influence néfaste de l'école parallèle, (celle de la rue). La vérité est que la famille algérienne, préoccupée par les tourments que lui fait subir un quotidien difficile et de fait, soumise aux aventures de l'auto-conservation qui la malmènent, a carrément démissionné de son rôle. Elle a livré son enfant en pâture aux injures du temps et a carrément condamner l'école à un état d'ilote. Elle s'obstine, quelque part, à lui signifier, injustement d'ailleurs, son absence. Elle s'est faite allergique à tout contact avec les autorités scolaires qui, quant à elles, l'ignorent. C'est aussi une vérité. L'école algérienne mène seule une œuvre aussi ardue et aussi complexe. Quelle prétention ! A quand s'offrirait-elle cette logique qui ne lui permettra jamais de se rendre compte que par-delà ses convulsions, elle n'a fait que perpétuer la turpitude et la douleur d'un résultat dérisoire. C'est encore une vérité. Qui peut prétendre connaître l'enfant mieux que sa famille ? Ce n'est, certainement, pas l'école. A l'école, se sentant observé et contraint, il se dissimule. A la maison, il est entier. En tout état de cause et par acquis de conscience professionnelle, l'enseignant ne doit pas se fier à la simple évidence de ses constats, quand bien même derrière ces évidences se cachent d'utiles indications qui, judicieusement exploitées, lui permettront de concevoir et d'établir la carte caractérologique, sanitaire, intellectuelle et sociologique de sa classe et partant, d'élaborer la stratégie psychopédagogique à adopter. Chez les parents, il trouvera certainement l'audience souhaitée pour parfaire cette carte. Alors, «il n'a qu'à allonger la main pour s'en saisir», aurait dit André Gide. Toutefois, il se trouve que les enseignants, fortement démotivées d'abord par une administration qui leur est hostile et ensuite, par une surcharge ubuesque des classes, ne trouvent pas le temps matériel qu'il leur faut pour collecter et encore moins, pour exploiter le maximum d'informations se rapportant à leurs élèves, pour un meilleur profit. En conséquence et par souci de fonctionnalité, d'efficacité et de sérieux, il serait commode, utile et judicieux que chaque établissement scolaire soit doté d'un psychopédagogue qui, en sus de sa mission d'évaluation et d'orientation, interfère entre les parents et les enseignants afin de leur permettre de gérer scientifiquement, la collecte et l'exploitation de ces informations. Cette mission sera menée au moyen de dossiers scolaires individuels, en en faisant de réels «carnets de bord» capables d'éclairer et d'orienter les efforts tant des enseignants et de l'administration scolaire que ceux des parents qui désormais, forts d'une connaissance certainement approfondie de leurs enfants, deviendront des satellites qui graviteront autour de leurs préoccupations et de leurs disponibilités. Ils s'engageront, désormais, dans l'édification de leurs armatures mentales, caractérielles, psychologiques et intellectuelles. Difficultés pouvant altérer le consensus Ecole / Famille Mises à part les utiles informations fournies par les parents aux enseignants, mis à part l'efficacité et le rationnel adoptés quant à leur exploitation, il n'en demeure pas moins que la pédagogie, développée par la famille, ne concorde pas sur bien des points avec celle développée par l'école compte tenu de l'instinct affectif qui risquerait de faire faux bon à celle-ci. De cette discordance naissent des écarts susceptibles de générer multiples difficultés que l'école se devra de vaincre pour instaurer une coopération fonctionnelle, entre elle et la famille. Difficultés du point de vue éducation fonctionnelle L'éducation fonctionnelle est, par essence, fondée sur la libre activité de l'enfant au contact des choses et des faits directement et objectivement observables. Sur le plan psychique, elle doit suivre la progression même de l'esprit, en allant du facile au difficile, du simple au composé, du particulier au général. Elle concourt, ainsi, à la conservation et à l'enrichissement du champ aperceptif de l'individu, en lui fournissant les moyens cognitifs et intellectuels qui l'aideront à s'élever progressivement de son statut d'enfant vers celui d'élève responsable. La hantise de beaucoup de parents est de vouloir faire trop travailler leurs enfants. Ils exigent d'eux une somme d'efforts hors proportion avec leur âge. Ils l'ignorent peut-être mais ainsi, ils perturbent la loi universelle de la psychologie qui anime l'éducation fonctionnelle qui n'est «qu'un processus naturel de développement» -Dewey- Par ailleurs, ils sont persuadés que toute distraction n'est que perte de temps. Ils doivent comprendre, néanmoins, que l'enfant ne vit que sa condition d'enfant. Qu'il doit avoir sa part de repos et de répit. Que son cerveau n'est qu'un cerveau humain, forcé il s'accable. Que son esprit n'est qu'un corps de pensées, laissé en friche il s'atrophie et s'en raidit. En conséquence, le jeu et la distraction ont leur importance fonctionnelle dans son éducation intellectuelle. «On ne doit pas regarder le jeu comme une chose frivole dans l'éducation de l'homme mais comme une chose d'une profonde signification» -Froebel- Eduquer l'enfant c'est, donc, lui permettre cette activité libre et joyeuse en la canalisant tout juste assez pour provoquer, en lui, d'utiles progrès et pour satisfaire à son besoin de faire pour connaître. Partisans et passionnés de «la tête bien pleine» -Montaigne-, les parents pensent que leurs enfants doivent tout connaître et que le joug de la crainte et de la contrainte en est l'ultime moyen pédagogique. Ils les bousculent. Ignorant la face cachée de leur attitude répressive, coercitive, agressive et abusive qui risquerait de soumettre les étapes chronologiques du développement psycho-intellectuel de leurs enfants à de véritables séismes. Le pire ne serait pas à écarter. Pour ces parents, beaucoup de devoirs à faire, beaucoup de leçons à apprendre, c'est l'unique preuve tangible du travail sérieux. Souvent ils trouvent auprès des enseignants qui ignorent les fondamentalités de la psychologie de l'enfant, des vis-à-vis qui les conforteront dans leur croyance. Résultat, l'élève se sentant réduit au rang d'un vulgaire soumis ou d'un vulgaire cobaye, élevé sous cloche, finit par faire des réactions de rejet à la scolarité et pourquoi pas, perdre goût aux études, d'où le phénomène de la déperdition scolaire. Que ces parents et ces enseignants daignent méditer cette précieuse affirmation de Locke ?Pédagogue anglais- «Il n'est pas question de bourrer la tête des enfants de friperies de connaissances». Le fort d'autres parents est la vantardise et veulent que leurs enfants la couvent autant qu'eux. A la maison, si leurs enfants sèchent devant leurs devoirs, ils n'hésitent à se substituer à eux pour les résoudre. Ainsi, bien imprudents, ils les privent majestueusement de leurs efforts et de leurs élans, ce qui ne leur rend guère service. L'important pour eux est qu'ils dominent par la meilleure note, fut-elle muette. Ils sèment alors en eux, le travers de la démission, du compter sur autrui, de l'assistanat. Ces parents transis devant leur obsession, doivent comprendre que le devoir à faire à la maison est un complément d'une journée de travail à l'école, qu'il n'est que la mise au point de ce qui n'a pas été compris et assimilé. L'essentiel pour ces parents est que leur progéniture sache par cœur. Peu importe qu'elle ait compris les leçons, encore moins retenue ou assimilée. La mémoire prend alors un pas exagéré sur la réflexion. Conséquence, le raisonnement logique et le jugement méthodique, objectifs de l'éducation ? instruction, finiront par s'enkyster. Qu'ils inscrivent, donc, leur aide dans les limites de cette logique qui considère que « dire les choses à leurs enfants ou les leur montrer ce n'est pas leur apprendre à observer, c'est faire d'eux de simples récipients des observations des autres et affaiblir plutôt que fortifier leurs dispositions naturelles à s'instruire spontanément » -Piaget-. Qu'ils se contentent de se pencher, discrètement sur leurs épaules. En somme, non seulement ces parents manquent de patience, mais plus grave, ils ne savent pas chercher l'accès aux intelligences pratiques et spéculatives de leurs enfants. Qu'ils cessent de leur faire payer le tribu de leurs caprices !! Difficultés du point de vue de l'éducation morale L'éducation morale est cet ensemble des moyens par lesquels l'enfant est aidé dans son épanouissement, dans l'acquisition de modes de comportements et de valeurs considérées comme essentielles par le milieu dans lequel il est appelé à évoluer. Cependant, bien souvent, l'éducation morale adoptée par la famille se met en contradiction avec celle prônée par l'école. Il est, communément, admis que certains parents n'ont pas la qualité d'empire sur eux-mêmes qui leur permette de se soumettre à la souveraineté de la morale et par conséquent, la loi de l'imitation se charge de transmettre à leurs enfants la plupart de leurs défauts. Combien il est donc difficile de concilier l'éducation morale familiale, (qui, si elle n'est pas absente, ne demeure pas moins anarchique), avec celle de l'école. Il est donc tout à fait clair que, par souci d'efficacité, l'éducation morale doit être méthodique, unifiée et s'inspirer d'une logique évolutionniste qui consiste à laisser l'enfant se heurter aux sanctions naturelles de ses actes pour apprendre à communier avec la vie. «La réaction naturelle de nos actions est la plus efficace des pénalités» -Spencer- La morale, chez certaines familles, admet par exemple, que la fraude n'est pas un vol, qu'elle n'est même pas un instrument de désordre, qu'elle permet même de légitimer leurs désirs et de sauvegarder leurs intérêts. Par ailleurs, il n'est, malheureusement, que trop vrai que bien souvent les parents ne s'observent pas assez, ne contiennent pas leurs instincts et se disputent devant leurs enfants en proférant des mots déplacés. Il est, aussi, des parents trop faibles et qui ne se doutent pas du grave préjudice moral à causer à leurs enfants, en tolérant tous leurs caprices. N'y en a-t-il pas même ceux qui abdiquent purement et simplement devant les forfaits commis par leurs enfants ? La famille algérienne, dans sa grande majorité, n'est pas préparée à son rôle d'éducatrice. Elle agit par hasard ou au gré de son instinct filial, sans règles déterminées. Elle procède sans plan préétabli et sans principe arrêté. Elle n'a d'autre stratégie éducative que celle qui lui est imposée par ses vérités du moment, si bien qu'elle passe souvent de l'indulgence excessive à la sévérité outrageante. Ainsi, au lieu de continuer l'œuvre scolaire, l'éducation familiale corvéable et taillable à merci, ne fait que la tétaniser pour enfin, la banaliser. Cependant et par souci de pallier les contradictions des influences familiales et scolaires et afin que ces influences se soutiennent dans un esprit de collaboration, la coopération Ecole / famille doit s'ériger en une unification de vues sincère et profitable pour l'élève. Quel serait, donc, le moyen à mettre en œuvre pour atteindre ce but ? Causeries aux familles Puisque nous n'ignorons pas que la famille algérienne est mal préparée à coopérer avec l'école, pourquoi n'avons-nous pas cherché à l'instruire de ses devoirs à cet égard ? Certes, elle ne manque pas de bon-vouloir. Son indifférence à l'endroit d'une coopération avec l'école n'a rien de génétique. Soyons persuadés que si elle arrive à conscientiser la nécessité d'assister leurs enfants dans leur scolarité et ce, malgré le quotidien drastique qu'elle vit, elle ne demandera pas mieux que d'avoir des rapports fréquents avec l'école et ses autorités, d'écouter leurs avis, de faire avec leurs conseils et d'adopter leurs directives pour peu que ces dernières cessent de se confiner dans leur statut de désintéressées. A suivre... * Directeur de l'Education - Professeur-Chercheur INRE |