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Comment comprendre la crise pétrolière qui a commencé à sévir dès la deuxième moitié de l'année 2014 ? Est-elle liée à la production pétrolière américaine, avec la nouvelle donne, le pétrole et gaz de schiste ? Ou à l'impuissance des pays de l'OPEP d'influer sur les cours pétroliers ? Mais avant, j'aimerais revenir sur un article déjà paru. 1ère partie Nombre de mes lecteurs à qui j'avais demandé de réfléchir à cette «main invisible» d'Adam Smith n'ont pas vraiment compris la portée ni du reste celle du «droit de seigneuriage». Et parmi les réactions que j'ai recueillies, j'en cite trois. La première: «Le droit de seigneuriage comme le droit de cuissage repose sur du matériel. La «planche à billets» a disparu: les écolos sont heureux car on n'abat plus les arbres pour faire du papier monnaie ! Toute la monnaie est passée en virtuel, en songe, en surnaturel: main invisible du marché, main de dieu et surtout Dieu-Argent - celui-là bien réel dans les consciences.» La seconde réaction : «Article un peu bizarre, beaucoup de macro mais rien sur le verrouillage du crédit par les banques privées. La main invisible aurait dû mettre en faillite les banques en 2008, puis elle aurait dû guider la création d'un système plus saint. Point. La main invisible n'essaie pas de sauver les médiocres.» Et la troisième réaction: «Je me suis arrêté là: «un Occident qui fait tourner la «planche à billet» pour nourrir le développement du reste du monde». C'est encore plus fort que le trop fameux «Donnes-moi ta montre je te donnerai l'heure.» Effectivement, l'analyse est touffue de données macro-économiques mondiales, mais relate aussi le processus monétaro-financier qui a commencé dès la crise des subprimes en 2007 et a fini par un désastre financier en juillet-août 2008. Tout le système financier occidental s'est trouvé paralysé et inapte à remplir ses fonctions au sein de l'économie. Une telle méfiance s'est installée entre les banques occidentales qui, toutes truffées de créances immobilières américaines toxiques (subprimes), refusaient de se prêter des liquidités entre elles, entraînant le blocage du système financier et créant une situation dangereuse pour l'économie mondiale. Nous connaissons la suite. Les Banques centrales aux États-Unis et en Europe se sont immédiatement portées au secours de leur système bancaire, en apportant un soutien financier massif qui a duré sept ans pour les États-Unis (2008 à 2014), et pour l'Europe des programmes de soutien financier ciblés, alternant austérité et expansion monétaire. Le dernier programme pour l'Europe, une «quantitative easing», a démarré en mars 2015 et doit se poursuivre jusqu'en septembre 2016. Précisément, il faut s'interroger sur «cette expansion monétaire non conventionnelle» en Occident qui nous renvoie à des questions légitimes que voici : comment expliquer le plus simplement du monde ce processus de soutien financier que seules les Banques centrales occidentales peuvent «s'autoriser» ? S'il a soutenu leurs systèmes bancaires, quel impact ce pouvoir financier a-t-il eu sur le reste du monde ? Le contre-choc pétrolier rampant aujourd'hui a-t-il quelques accointances avec les politiques monétaires occidentales ? La baisse des cours pétroliers est-elle durable ? Si elle l'est, pourquoi ? LES FORCES POLITIQUES ET ECONOMIQUES DANS LA GENESE DES ÉTATS-NATIONS. Pour comprendre, il faut remonter aux premiers royaumes et empires de l'humanité, c'est-à-dire des sociétés de l'Antiquité au Moyen-Âge où la monnaie comme la fiscalité avaient déjà joué un rôle fondateur de l'ordre social. Elles étaient un des éléments qui représentait l'ordre (supérieur) poussant les hommes à s'organiser et se constituer en société. A travers la monnaie, la fiscalité représentait le plus parfaitement l'ordre pratique et social et plus spécifiquement l'autorité du chef, du roi, à la tête de la société. A l'époque, c'était des royaumes. Et le roi tire son essence de cette structure seigneuriale féodale. C'est ainsi qu'initialement seigneur le plus puissant d'un espace géographique, en s'imposant aux seigneurs locaux inférieurs, et en mettant fin à leurs querelles, il s'érige en roi de cet espace. Symbolisant la paix sociale, le souverain aidé de sa troupe faisait régner l'ordre dans le royaume. Il devient le protecteur naturel de ses sujets contre des ennemis extérieurs. Et s'établit ensuite par sa descendance une lignée royale. Mais cette situation d'ordre social a besoin d'être défendue par une force royale qui implique naturellement une levée d'impôts auprès du peuple pour financer les troupes et les dépenses militaires. Ainsi, la création d'un lien fort de sécurité entre les sujets et leur roi où s'impliquait aussi l'Eglise au Moyen-Âge, octroyant au souverain le pouvoir temporel, s'établissait progressivement une obéissance naturelle des gouvernés à leur roi, ce qui façonnait l'identité de leur société. Aussi doit-on conclure que toute structure humaine constituée est dépendante avant tout de deux forces, la force politique royale ou d'Etat et la force financière qui relève de l'état de la monnaie et ce qui découle d'elle, c'est-à-dire la fiscalité pour justement financer les dépenses de l'Etat garant de la pérennité sociale et, au Moyen-Âge, en cas de disettes, de guerres ou d'excès de dépenses royales, du «droit de seigneuriage», c'est-à-dire la frappe de monnaie, relevant du pouvoir du souverain. Et c'est pour cela que cet attribut royal est appelé «droit de seigneuriage». Et il n'est pas neutre. Pour éviter qu'un excès d'impôts provoque des troubles dans le royaume, le roi a recours au «droit de seigneuriage», c'est-à-dire la «frappe de monnaie». En augmentant la masse monétaire, et comme le blé des paysans est entreposé par décret dans les greniers du roi, il s'ensuit une hausse des prix qui se répercutent sur tous les autres produits du royaume. Le paysan, en payant plus cher les biens et services, ne se rend pas compte qu'en fait «il est imposé». Le «droit de seigneuriage» apparaît donc comme un «impôt indirect» qui vient compléter les prélèvements d'impôts (si ceux-ci n'arrivent pas à couvrir les dépenses royales). Cette pratique a été poussée à des extrêmes au Moyen-Âge au point que des rois d'Europe ont été qualifiés de «faux-monnayeurs». Ce qui ne manque pas d'occasionner des troubles lorsque les cours du blé sont trop chers, et entraîne la famine. Pour le financement du royaume (ou d'un Etat), le pouvoir monétaire et la fiscalité jouent donc un rôle essentiel dans la stabilité et la protection des biens et des personnes. Surtout en période de disettes et de guerres. D'autre part, la monnaie définit aussi un espace géographique où se déploie la souveraineté de ce roi sur son royaume ou son Etat. Et par sa circulation qu'elle permet (et qui a cours) dans les échanges, la monnaie définit implicitement les limites territoriales de cet espace géographique, donc les frontières de ce royaume. Or, depuis les temps anciens, l'histoire de l'humanité montre que chaque aire géographique où figure une forte concentration de communautés humaines présente pratiquement les mêmes structures, les mêmes caractéristiques. Les sociétés humaines s'organisent selon le même schéma institutionnel comme s'il était imposé par quelque destinée propre aux humains. Ainsi se comprend mieux la genèse de l'État-Nation: un chef (prince, roi ou empereur ou président) selon la taille de la population, la langue, la religion et la superficie du territoire, et la place que ces sociétés humaines occupent dans le concert des royaumes (des nations). Avant l'époque contemporaine, l'Europe était régie par des royaumes, l'Inde par des castes et des sultanats, le monde musulman, par des califats, la Chine par des dynasties impériales, toutes se ressemblant plus ou moins les unes les autres et de régime encore féodal. Les autres régions peu peuplées comme l'Afrique, les Amériques et l'Australie, avaient pour système une organisation tribale, seul socle de stabilité pouvant assurer une cohésion communautaire. Plus tard, l'Europe qui s'est trouvée régie par des États fortement centralisés autour de royautés puissantes, et connue des avancées scientifiques et techniques considérables (révolutions agricole, industrielle) qui n'ont existé nulle part ailleurs, s'est imposée au reste du monde. UNE «MAIN INVISIBLE» DANS LA MARCHE DU MONDE Une situation nouvelle s'ouvre pour le monde dès le XVIe siècle. Engagées dans des guerres européennes, les puissances européennes, sous la pression démographique et grâce aux progrès de la navigation et des armements, se lancent dans la découverte des autres continents. Ils s'y taillent de véritables empires dans le Nouveau Monde. L'enrichissement qu'elle reçoit de ces régions place l'Europe, pendant cinq siècles, au centre du commerce mondial. La «mondialisation» (au sens premier du terme) naît à cette époque. Si le monde colonisé et non colonisé était dominé par les puissances européennes, au cœur de l'Europe, un nouveau courant humaniste est né dès la fin du XVIIIe siècle. Les idées nouvelles (Rousseau, Montesquieu, Adam Smith, Quesnay, Turgot) vont changer la conscience politique de l'Europe et pousser les peuples à se gouverner eux-mêmes. C'est ainsi que deux révolutions majeures à treize années d'intervalle vont contribuer à mettre fin à l'ordre absolutiste des rois en Europe. A l'occasion d'une crise économique entre les treize colonies anglaises d'Amérique et l'Angleterre, une émeute de protestation contre les taxes douanières imposées par l'Angleterre éclata à Boston en 1773 et se développa en une guerre d'indépendance. En 1776, le Congrès de Philadelphie proclama l'«indépendance des États-Unis d'Amérique sur la base de la souveraineté du peuple». L'exemple des États-Unis fut suivi par l'Irlande et la Hollande qui réclamèrent et obtinrent un régime nouveau et par les révoltés des Pays-Bas qui s'organisèrent en une éphémère République des États belgiques unis en 1790. Mais le plus grand événement qui va suivre la création des États-Unis d'Amérique sera la «Révolution française en 1789». Elle naîtra aussi à l'occasion d'une grande crise économique en France. Les désordres financiers du budget de l'Etat et les charges des impôts extrêmement pesantes sur les classes populaires (misère, paupérisme, mendicité, famines) alors que les castes aristocratiques et le haut clergé bénéficiaient de l'immunité de l'impôt provoquent la plus grande révolution politique et sociale qui va marquer à jamais l'Europe et le monde. Il n'en demeure pas moins malgré les avancées des idées humanistes et sociales, l'extrême «bellicosité» des gouvernements européens, obnubilés par le désir de puissance et de domination sur les autres peuples, y compris la perception qu'ils ont de leurs races jugées supérieures aux autres races, en particulier les indigènes des colonies outre-mer, va détruire en quelques décennies ce que les souverains européens ont construit durant des siècles. Deux guerres mondiales, et entre les deux guerres, la plus grande crise économique de l'histoire en 1929, mettront fin à la domination de l'Europe sur le reste du monde. Ceci simplement pour relater que si «l'heure de la décolonisation des pays d'Afrique et d'Asie avait sonné», c'est qu'elle le doit aux crises économiques, et que ce sont les crises qui font avancer le monde. Que ce qui a joué pour les peuples colonisés a joué aussi pour les peuples européens et américains. Si on regarde la marche de l'humanité, on constate une suite logique d'événements qui viennent les uns après les autres structurer le développement du monde. L'Europe comme l'Occident et le reste de l'humanité relèvent d'une «main invisible» qui façonne l'Histoire. La «main invisible» d'Adam Smith ne s'applique pas seulement à l'économie, mais au développement total du monde. Si l'expansion de l'Europe sur le monde a été permise, c'est parce que l'Europe se trouvait à un carrefour de l'Histoire, dotée de surcroît d'avancées que peu de nations avaient à l'époque. Mais cette affirmation de l'Europe s'est soldée à la fin par un coût terrible eu égard aux deux guerres mondiales. Est-ce pour autant que la décolonisation du monde et les rapports de pays dominants à dominés sont terminés? Les pays d'Afrique anciennement colonisés et même les pays émergents ont-ils réellement recouvré une souveraineté totale ? Les pays exportateurs de matières premières d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud ne dépendent-ils pas des dollars, des euros, des livres sterling et des yens pour exporter et en retour, par le produit de leurs exportations, importer des biens et services pour développer leurs économies ? De même pour les pays émergents. L'«EUREKA» POUR LE TIERS-MONDE, LA «GUERRE FROIDE» ET L'URSS Durant la colonisation, les pays occidentaux avaient une mainmise totale sur le monde. Non seulement militairement et économiquement, mais aussi sur le plan financier et monétaire. Leurs monnaies seules avaient cours dans les transactions internationales. Après le Deuxième Conflit mondial, suite aux destructions dues à la guerre et l'affaiblissement de leurs économies, les pays européens avaient perdu la convertibilité de leurs monnaies. Seul le dollar américain jouait le rôle de monnaie internationale convertible en or sur les marchés monétaires. Epargnés par la guerre grâce à leur position géographique (éloignés des théâtres de combat), les États-Unis avaient développé une industrie telle qu'elle a suppléé aux besoins de l'Europe et du reste du monde. Grâce aux plans d'aides et du Plan Marshall pour l'Europe, et l'utilisation mondiale du dollar américain dans les échanges, les États-Unis ont rempli un rôle majeur pour l'économie mondiale. Les aides octroyées à l'Europe et aux pays alliés en Asie (Corée du Sud, Taiwan, Japon) ont permis à la fois à l'Europe et aux pays d'Asie de se reconstruire et de se développer mais permis aussi à l'économie américaine de croître. Donc aides et plan Marshall ont été mutuellement bénéfiques, ce qui a évité surtout pour les États-Unis une crise de croissance et de l'emploi. La situation va changer avec la fin de la reconstruction de l'Europe. Et dès 1958, les monnaies européennes redeviennent progressivement convertibles sur les marchés monétaires. L'Europe commence par peser, par ses exportations, dans le commerce mondial. Quant au reste du monde, avec l'avènement après la décolonisation de plus d'une centaine de nations d'Afrique, du monde arabe, d'Asie et d'Amérique du Sud, un problème financier et monétaire majeur va se poser pour l'édification de leurs États. Leurs économies fragiles (du type colonial), sans monnaies, sans soutien financier, ces pays se sont trouvés dans un contexte économique difficile. Une situation paradoxale s'est posée. «Si les pays occidentaux n'échangeaient avec les pays du reste du monde que le strict nécessaire pour les besoins de leurs industrie, que serait-il passé pour le reste du monde ?» Or, à l'époque, après 1945, l'Amérique seule détenait l'unique monnaie de compte et de réserve internationale, utilisée dans toutes les transactions commerciales et si elle n'importait des autres pays du monde que le strict nécessaire de matières premières et de biens pour son économie, et n'exportait aussi de biens et services que le strict nécessaire pour financer ses importations, et les pays d'Europe faisaient de même avec leurs monnaies alignées aux dollars, il est évident que, pour les pays nouvellement indépendants, «les recettes en devises tirées de leurs exportations n'auraient servi qu'à financer leurs importations en équipements auprès de ces mêmes pays». Le solde commercial entre l'Occident et le reste du monde serait pour ainsi dire pratiquement «nul». Ce qui aura pour conséquence des réserves de change pratiquement aussi «nulles» pour les pays du reste du monde. Même les emprunts opérés par les pays du reste du monde auprès de l'Occident ne seraient que le prix des exportations de matières premières reportées à une date ultérieure. Les monnaies de ces pays sans réserves de change seraient très faibles, et le peu de devises dont ils disposeraient limiteraient considérablement leur croissance. Il y a une alternative entre les pays du reste du monde d'échanger entre eux, par le troc aux prix bien entendu affichés par les cours internationaux dans les Bourses mondiales (essentiellement occidentales). Ce moyen par le troc n'est ni fiable ni rentable pour leurs économies, tout au plus un arrangement entre États. Et ces pays avaient un besoin réel d'édifier leurs nations, qui demandaient beaucoup de capitaux. Et le seul moyen pour pallier à cette situation est «que les pays occidentaux ACCEPTENT d'enregistrer des déficits dans leurs balances commerciales avec les pays du reste du monde». Déficits qui permettaient aux nouveaux pays d'avoir des balances excédentaires, ce qui signifie de disposer de réserves de change. Mais le problème, c'est que si l'Occident enregistre un déficit commercial, il perd dans l'échange. Puisque les pays du tiers-monde, en enregistrant des excédents, et donc, à l'époque, des dollars, des francs, des deutschemarks, des livres sterling, et en les échangeant, par exemple contre l'or ? à cette époque, le système de Bretton Woods était encore en vigueur ? ces pays peuvent se créer un stock d'or, ce qui se fait au détriment de l'Occident qui accuse une perte de son stock d'or. A suivre *Auteur et chercheur indépendant en économie mondiale, relations internationales et prospective |