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Dans un monde très déstabilisé et violent, les populations vulnérables fuyant les conflits politiques et militaires viennent se réfugier en Algérie pour espérer un temps soit peu le répit. Qu’ils soient Syriens, Maliens ou de toute autre nation, la santé mentale des personnes «exilées» reste fragile et vulnérable. Nous souhaitons présenter ici aux lecteurs une des manifestations cliniques les plus connue par les spécialistes de la santé mentale en temps de guerre. En effet, le trouble de stress post-traumatique (TSPT) a fait l’œuvre de nombreuses publications scientifiques, il est malheureusement l’une des pathologies les plus vivaces et nécessite une prise en charge psychologique particulière. Nous allons tout au long de ce papier, traiter des caractéristiques du (TSPT) en commençant tout d’abord par les origines de sa conceptualisation. I.«LA GUERRE ET LA CONCEPTUALISATION DU TROUBLE DE STRESS POST-TRAUMATIQUE(TSPT): La guerre a des répercussions tragiques multiples sur la destinée des individus, nous souhaitons ici se focaliser sur le vécu traumatique de ces individus en abordant l’un des troubles les plus connus des psychologues et psychiatres, il s’agit du trouble de stress post-traumatique (TSPT) ou désigné parfois par le « syndrome de stress post-traumatique » (SSPT). Le TSPT désigne une réaction psychologique à un événement traumatique intense, il survient quand l’individu voit sa vie menacée. Les études épidémiologiques nous montrent que ce syndrome ne fait pas de distinction entre les femmes et les hommes. Il semblerait que le TSPT a toujours existé, seulement les travaux scientifiques les plus pertinents n’ont été développés que lors des derniers conflits du 20éme siècle. Sur le plan épistémologique, le concept a été connu sous diverses appellations. Ainsi, pendant la guerre de Sécession, ce trouble était connu sous le nom de « soldier’s heart » (pour désigner un trouble affectif du soldat), lors de la Première Guerre mondiale, le terme utilisé fut« le traumatisme dû au bombardement ». Les premières théories explicatives structurées remontent sans doute à la deuxième guerre mondiale. « La Névrose de guerre » a été ainsi le terme utilisé à cette période. La psychanalyse nous apporte une contribution majeure dans ce domaine, en effet, pour Freud « ….Les névroses de guerres [...] sont à concevoir comme des névroses traumatiques qui ont été rendues possibles ou ont été favorisées par un conflit du moi. [...] [Celui-ci] se joue entre l’ancien moi pacifique et le nouveau moi guerrier du soldat, et devient aigu dès que le moi de paix découvre à quel point il court le risque que la vie lui soit retirée à cause des entreprises aventureuses de son double parasite nouvellement formé. On peut tout aussi bien dire que l’ancien moi se protège par la fuite dans la névrose traumatique du danger menaçant sa vie, ou qu’il se défend du nouveau moi reconnu comme mettant sa vie en péril » (Sigmund Freud, « Einleitung», in Zur Psychoanalyse der Kriegsneurosen, ouvrage collectif de Ferenczi, Abraham, Simmel et Jones, Leipzig und Wien, InternatialerPsychoalalytischerVerlag, 1919. Repris sous le titre « Introduction à La Psychanalyse des névroses de guerre », dans Freud, Résultats, idées, problèmes, I, Paris, PUF, 1984, p. 245). Il s’agit ici sur un plan clinique d’une avancée majeure, Certes on s’intéresse plus encore au soldat non pas à la population civile mais la littérature spécialisée commence à développer une certaine conceptualisation sur «les syndromes traumatiques». Le terme «épuisement au combat» a été utilisé au cours de la guerre du Vietnam, les vétérans de cette guerre ont été caractérisés comme personnes souffrantes. En 1980, le terme «trouble de stress post-traumatique» a été désigné pour la première fois pour nommer les syndromes associés au trauma lié à la guerre. II. LES TABLEAUX NOSOLOGIQUES ET LE TSPT: Les critères de diagnostic rapportés par le Le DSM IV (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) sont les suivants : A. La confrontation à l’événement traumatique : Le sujet a été exposé à un événement traumatique dans lequel les deux éléments suivants étaient présents 1. Le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à un événement ou à des événements durant lesquels des individus ont pu trouver la mort ou être très gravement blessés ou bien ont été menacés de mort ou de blessures graves ou bien durant lesquels son intégrité physique ou celle d’autrui a pu être menacée. 2. La réaction du sujet à l’événement s’est traduite par une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur. B. Symptômes d’intrusion : L’événement traumatique est constamment revécu de l’une (au moins) des façons suivantes : 1. Souvenirs répétitifs et envahissants de l’événement provoquant un sentiment de détresse et comprenant des images des pensées ou des perceptions. 2. Rêves répétitifs de l’événement provoquant un sentiment de détresse. 3. Impression ou agissements soudains « comme si » l’événement traumatique allait se reproduire (illusions, hallucinations, flash-back). 4. Sentiment intense de détresse psychologique lors de l’exposition à des indices externes ou internes évoquant ou ressemblant à un aspect de l’évènement traumatique en cause. 5. Réactivité physiologique lors de l’exposition à des indices internes ou externes pouvant évoquer un aspect de l’événement traumatique en cause. C. Symptômes d’évitement & d’émoussement : Evitement persistant des stimuli associés au traumatisme et émoussement de la réactivité générale (ne préexistant pas au traumatisme), avec au moins trois des manifestations suivantes 1. Efforts pour éviter les pensées, les sentiments ou les conversations associées au traumatisme. 2. Efforts pour éviter les activités, les endroits ou les gens qui éveillent des souvenirs du traumatisme. 3. Incapacité à se rappeler un aspect important du traumatisme. 4. Réduction nettede l’intérêt pour des activités antérieurement importantes ou réduction de la participation à ces mêmes activités. 5. Sentiment de détachement d’autrui ou bien sentiment de devenir étranger aux autres personnes. 6. Restriction des affects (par exemple : incapacité à éprouver des sentiments tendres). 7. Sentiment d’avenir « bouché » (par exemple : ne pas pouvoir faire carrière, se marier, avoir des enfants...). D. Symptômes neurovégétatifs : Présence de symptômes persistants traduisant une activation neurovégétative (ne préexistant pas au traumatisme); au moins deux des manifestations suivantes 1. Difficultés d’endormissement ou sommeil interrompu. 2. Irritabilité ou accès de colère. 3. Difficultés de concentration. 4. Hyper-vigilance 5. Réactions de sursaut exagérées E. Les perturbations des critères B, C et D durent plus d’un mois. F. La perturbation entraîne une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants. Les modèles théoriques proposant une explication (les théories explicatives) sont nombreuses, nous souhaitons proposer ici quelques une d’une façon très brève. La revue de la littérature scientifique nous fait état de l’émergence d’éléments liés à la gestion du stress et du traitement de l’information associé, c’est le cas du modèle d’HOROWTIT qui interprète le « TSPT » comme réponse à un flux informationnel considérable lié à l’objet du trauma et qui fragilise l’individu par son incapacité à absorber convenablement ces informations aux schémas cognitifs précédents. Le modèle de « Mowrer » digne héritier des interprétations béhavioristes, conçoit quant à lui le « TSPT » comme étant un « apprentissage inadapté » menant à l’appropriation de l’individu de la phobie liée à l’événement traumatique et qui conduit à un comportement d’aversion. Le modèle biologique quant à lui nous renvoie aux récents travaux de « Pier Vincenzo Piazza » qui explique « ….Le stress déclenche des niveaux élevés d’hormones glucocorticoïdes - c’est la principale réponse biologique au stress chez les mammifères. Une surproduction de ces hormones s’accompagne d’une réorganisation de l’activité du cerveau qui explique la perturbation de la mémoire….[…]….C’est le circuit hippocampe-amygdale - essentiel à l’encodage des souvenirs associés à la peur - qui est concerné. En temps normal, quand une personne associe une menace à un contexte, on observe une forte activité de l’hippocampe et une faible activité de l’amygdale. Avec l’arrivée massive de glucocorticoïdes, l’activité de l’hippocampe baisse, et celle de l’amygdale augmente. On peut donc en déduire que le sujet ne reconnaît plus le bon contexte et va mémoriser des stimuli qui ne sont pas vraiment prédictifs de la menace…. » (Science Express, Sud ouest, 2012). III. LES PROTOCOLES THERAPEUTIQUES : L’évidence même de la souffrance des personnes vulnérables n’est plus à démontrer, et ce papier reste une modeste contribution. Il a pour but de sensibiliser le lecteur sur la nécessité de venir en aide aux personnes réfugiées (et toute personne en situation de fragilité psychologique). Les protocoles disponibles pour traiter le TSPT peuvent être évoqués ici en guise de conclusion (Liste non exhaustive), néanmoins notre positionnement éthique et déontologique reste primordial avant toute tentative thérapeutique. Il est utile de rappeler ici les travaux de Carl Rogers. En effet, toute relation thérapeutique pour qu’elle puisse aboutir doit comprendre les éléments facilitateurs suivants : 2 LA congruence : Le premier élément porte sur l’authenticité ou congruence. Plus le thérapeute est « lui-même », ou « elle-même », dans la relation, n’affichant pas de façade professionnelle ou d’image personnelle, plus grande est la probabilité que le « Client » changera et se développera d’une manière constructive. 3 L’acceptation positive inconditionnelle de l’autre : La seconde attitude importante pour créer un climat favorisant le changement est l’acceptation ou l’attention, ou la considération, autrement dit : le regard positif inconditionnel. Cela veut dire que lorsque le thérapeute fait l’expérience d’une attitude positive, exempte de jugement, acceptante envers ce que le client « est » sur le moment, quoi que ce soit, alors le mouvement thérapeutique, ou changement, est plus probable. Cela demande la volonté du thérapeute de laisser le client «être» le sentiment qu’il «est» en train de vivre, quel qu’il soit : confusion, ressentiment, peur, colère ou orgueil. C’est une attention non possessive. Lorsque le thérapeute accepte le client d’une manière totale plutôt que conditionnelle, un mouvement en avant est probable. 4 La relation empathique : Le troisième aspect facilitateur de la relation est la compréhension empathique. Cela veut dire que le thérapeute sent exactement les sentiments et les signi?cations personnelles que le client est en train d’expérimenter et qu’il communique cette compréhension acceptante au «client». Quand le fonctionnement est à son meilleur niveau, le thérapeute se trouve tellement immergé dans le monde privé de l’autre, qu’il ou qu’elle peut non seulement clari?er les signi?cations dont le « client » est conscient mais même ceux se trouvant juste au dessous du niveau de conscience. (Silvano Gueli, 2008). Ainsi, le but du traitement des sujets traumatisés doit favoriser : · l’expression libre, fluide et sécuritaire des sentiments ; · le soulagement des symptômes et des comportements post-traumatiques les plus dérangeants ; · la restauration du sentiment de maîtrise de sa vie ; · la correction des malentendus et de la culpabilité ; · la restauration de la confiance en soi et dans le futur ; · le détachement et la mise en perspective du drame ; · l’atténuation des cicatrices du drame ; · l’attitude du psychothérapeute dans le traitement du TSPT. (Monahon, 1993) a) Le traitement par L’EMDR : Il s’agit d’une technique psychothérapeutique mise aupoint aux USA en 1987 par Mme Francine Shapiro, psychologue. Elle est actuellement validée dans le traitement des syndromes de stress post traumatique par plusieurs études. Cette technique permet au patient de revisiter un évènement traumatisant. La stimulation sensorielle bilatérale faciliterait le traitement des émotions négatives par le cerveau, qui peuvent ainsi être « digérées » et ne plus envahir le patient. Francine Shapiro propose comme théorie que les mouvements oculaires rapides miment les saccades rapides des mouvements des yeux ans le sommeil (REM), et par la même, le sommeil faciliteraient la « digestion » des évènements. Pour John Wiley l’attention centrée et répétée en EMDR induirait un état neurobiologique particulier similaire à celui trouvé pendant les REM du sommeil. Cet état prédisposant particulièrement à l’intégration corticale des souvenirs traumatiques. (John Wiley and all , 2002, inc J Psychol). L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a reconnue l’EMDR comme démarche thérapeutique accrédité en juillet 2012. B) La thérapie par l’exposition Les techniques d’expositions permettent aux patients à se confronter, dans la réalité ou en imagination, aux situations problématiques. L’exposition favorise un travail thérapeutique « in vivo » d’analyse de la manière dont le patient construit le sens de ce qu’il vit et permet de proposer des hypothèses sur le caractère adaptatif ou pathologique de celui-ci. Le sujet se confronte à son monde intérieur et développe peu à peu un regard extérieur sur son propre fonctionnement. Il considère peu à peu ses attributions comme des hypothèses qu’il critique et propose des alternatives réalistes et plus adaptatives à ce qu’il vit. C’est là l’intérêt de cette technique. La désensibilisation systématique (D.S.) propose une exposition en imaginaire et vise à déconditionner une réponse pathologique d’anxiété en associant l’objet phobogène à une réaction de détente. Elle est utile lorsque l’exposition in vivo s’avère impossible. (Daniela Eraldi-Gackiere, Perluigi Graziani, 2007). C) La thérapie cognitive : Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) représentent l’application de principes issus de la psychologie scientifique à la pratique clinique. Ces thérapies ont été fondées dans un premier temps sur les théories de l’apprentissage : conditionnement classique, conditionnement opérant, théorie de l’apprentissage social. Puis elles ont également pris pour référence les théories cognitives du fonctionnement psychologique, en particulier le modèle du traitement de l’information. On parle actuellement de thérapies comportementales et cognitives, ou de thérapies cognitivo-comportementales (TCC). Cette appellation reflète la pratique la plus fréquente.Ainsi, une enquête effectuée par Elliot et coll. (1996) trouve que 67,5 % des membres de l’Association américaine pour le développement de la thérapie comportementale disent pratiquer des thérapies cognitivo-comportementales. Les conditionnements classiques et opérants sont une des bases théoriques des thérapies cognitives et comportementales. Ils représentent les lois d’apprentissage qui caractérisent l’ensemble des êtres vivants. Dans ce sens, ce sont les formes d’apprentissage normales et adaptées. Mais dans certaines circonstances, ils aboutissent à un apprentissage émotionnel ou comportemental inadapté ou pathologique que les thérapies cognitives et comportementales visent à traiter. Pour certains troubles, ces formes d’apprentissage ainsi que les mécanismes cognitifs peuvent jouer un rôle causal direct dans l’étiologie du syndrome. * Psychologue- Chercheur universitaire , Fondateur du cabinet auvergnat de psychologie et de ses applications (CAP’Auvergne) |