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Les 16 et 17
octobre 1973, en pleine guerre du Kippour, les pays arabes membres de l'OPEP
réunis au Koweït annoncent un embargo sur les livraisons de pétrole contre les
États qui soutiennent Israël ainsi qu'une réduction de la production de 25%.
Le prix du pétrole produit dans le Golfe Persique est multiplié par quatre en quelques semaines. Aujourd'hui, à l'occasion de cet anniversaire, de nombreuses voix s'élèvent pour soutenir que la crise que traverse le monde actuellement pourrait trouver ses origines dans ce phénomène considéré comme le déclencheur du premier déclin d'après guerre des économies occidentales. Qu'en est-il exactement ? LE PETROLE EST LA SEULE ARME DE L'OPEP POUR SE DEFENDRE La décision des pays arabes d'utiliser pour la première fois, le pétrole comme une arme pour défendre leurs intérêts politiques dans la région, suivie quelques années après par la révolution Iranienne de 1979, ont surpris les pays occidentaux en les mettant en face d'une réalité. Cette réalité réside dans euphorie incontrôlable de ces pays durant les trente glorieuses années. Il faut peut être préciser que depuis la fin des années 70, aucun de ces pays n'a réussi à renouer avec une croissance forte qui était à l'époque supérieure à 5%. Mais ceci dit, cela ne constitue pas les vraies raisons suffisantes pour expliquer la situation économique mondiale d'après 2008. La reconstruction de l'Europe après la guerre a crée des emplois qui ont propulsé les activités de ces années florissantes mais qui ont commencé à se tasser début des années 60.Le ralentissement de ce grand boom devait transformer la structure même des économies occidentales. En effet, elles sont passées d'une dominance infrastructure lourdes/équipement à celle tertiaire notamment les services. Cette nouvelle orientation de ces économies devait compresser le taux de?croissance autour de 2% avec une légère augmentation pour les Etats-Unis grâce à ses ressources énergétiques internes. Il est maintenant incontestablement établi que les pays européens qui pleurnichent aujourd'hui ont compris bien tard que les prix de l'énergie ont un impact direct sur l'évolution du chômage car ils provoquent une hausse automatique des prix. En effet, Les prix de l'énergie agissent de plusieurs façons sur l'économie. Tout d'abord de façon directe en pesant sur le pouvoir d'achat des ménages, via les prix des carburants et des combustibles de chauffage, ainsi que sur la compétitivité des entreprises, via la hausse des coûts de production et de l'électricité. Ces effets peuvent donc se résorber dès que les prix de l'énergie se retournent. Mais ils agissent aussi de façon indirecte : la hausse des prix de production entraîne un second effet sur la baisse du pouvoir d'achat, ainsi qu'un effet sur le chômage, les entreprises devant regagner la compétitivité perdue. Or, une fois ces gains de compétitivité acquis, les entreprises ne réembauchent pas, même si les prix des matières premières redescendent. C'est ainsi que le contre-choc pétrolier de 1986 (le prix du pétrole a été divisé par deux) n'a pas entraîné de reprise durable de la croissance, bien que les prix soient restés bas pendant de nombreuses années. Maintenant le consommateur européen que ce soit le ménage ou le chef d'entreprise reste très sensible aux prix du baril à travers l'évolution des prix à la pompe. En plus, les hausses du pétrole sont bien souvent associées à des événements géopolitiques très négativement perçus : la guerre Iran- Irak, l'invasion du Koweït, la guerre d'Irak, la crise nucléaire iranienne, celle libyenne, l'Egypte etc. La répétition de ces événements et les conséquences de l'instabilité chronique au Moyen-Orient pèsent de façon persistante sur le moral des consommateurs européens. Ceci explique en partie ce réflexe de tout mettre sur le dos des hydrocarbures lorsque l'européen veut expliquer ces difficultés économiques. LA CRISE DE 2008 N'A RIEN A VOIR AVEC LE PETROLE La crise de 2008 a une origine très différente de celle de 1973. Elle est en effet le résultat d'une démarche délibérée d'ultralibéralisme qui a permis à la finance mondiale de quitter la sphère économique pour favoriser la spéculation. En effet, les institutions financières manipulent dorénavant des sommes sans commune mesure avec la taille physique des marchés sur lesquels elles se positionnent. Et lorsqu'elles déplacent massivement leurs avoirs sur certaines classes d'actifs, comme le pétrole, elles peuvent peser sur les prix bien plus que les opérateurs industriels. C'est ce qui a entraîné la hausse de 2008, puis la chute qui s'en est suivie en pleine crise des subprimes. Quant aux conséquences, elles ne se rapprochent de celles de 1973 que partiellement. Les conséquences directes sont assez amoindries pour deux raisons. La première tient à la structure des économies occidentales. Celle-ci comme on l'a précédemment évoqué étant très tertiarisée, c'est-à-dire désindustrialisée, l'impact des fluctuations des prix des matières premières est plus faible. La seconde raison est l'évolution des mix énergétiques. À la suite du double choc de 1973-1979, les Occidentaux ont pris diverses mesures pour réduire leur dépendance au pétrole : baisse de la consommation des automobiles, développement du nucléaire, chauffage électrique à la place du fioul, isolation thermique des bâtiments, etc. Ainsi, la part du pétrole dans la consommation d'énergie de l'OCDE est passée en moyenne de 53% en 1973 à 35% aujourd'hui. En revanche, les conséquences indirectes restent constantes. En effet, l'impact de la hausse des prix des matières premières sur les prix des produits existe toujours car, même si ce ne sont plus des entreprises européennes qui produisent les biens de consommation courants, la répercussion est faite par les autres industriels. Quant à l'impact sur le moral des consommateurs, il reste inchangé, voire amplifié par un contexte de morosité tenace. LE CONSOMMATEUR EUROPEEN SE TROMPE DE CIBLE Tout le monde a finalement déduit que c'est davantage la finance que le prix du pétrole qui a déstabilisé les économies occidentales en 2008, mais désormais le pétrole continue de conserver toujours son pouvoir néfaste sur le moral des consommateurs. Pour le commun des consommateurs, c'est toujours les pays qui détiennent les matières premières qui resteront la source de leur malheur économique. Comment justement l'idéologie libérale s'est-elle imposée à partir des années 80 ? Ce n'est certainement pas les pays de l'OPEP qui ont obligé les gouvernements d'appliquer avec hégémonie au point de l'imposer comme pensée unique cette offensive ultra- libérale de la finance. Il faut préciser que le « Think Tank » qui est à l'origine de ce phénomène a été financé par le patronat Suisse qui continue à le faire aujourd'hui à travers les rencontres de Davos. En effet, On y retrouve notamment Milton Friedman, concepteur de l'idéologie ultra-libérale avec Hayek et quelques autres économistes, intellectuels et personnalités politiques se réunissant à la Société du Mont Pèlerin. C'est là qu'au début des années 70, ils mirent au point le cadre idéologique qui servirait au mieux les intérêts des élites économiques. (Libéralisme et les privatisations): «Leurs prescriptions politiques reflétaient à ce moment là, les intérêts des forces les plus puissantes du capitalisme. Et c'est la coïncidence de ces idées avec les intérêts du capitalisme mondial qui a leur permis de s'imposer, plutôt qu'une quelconque valeur intrinsèque. Depuis lors bien des problèmes économiques et sociaux ont surgi qui ont démontré que ces idées étaient très faibles.» Les organisations du pouvoir mondial (notamment le Groupe de Bilderberg et le Forum de Davos) ont dès lors utilisé toute leur influence pour imposer le libéralisme aux gouvernements et aux populations, en «solution» à la crise économique déclenchée en 1973 par le «choc pétrolier», cet événement a été créé délibérément. La première étape a été de diffuser les idées néo-libérales parmi les décideurs économiques, dans la presse financière et dans le monde universitaire où les deux premiers centres de propagation furent l'université de Chicago qui allait, elle même former les «Chicago boys» et celle de St Andrews en Ecosse, la 3è université la plus élitiste de Grande Bretagne après Oxford et Cambridge. Il fallait ensuite convertir les responsables politiques, de droite puis de gauche. Parmi les premiers disciples, il y avait Margaret Thatcher, membre du Groupe de Bilderberg et Ronald Reagan qui allaient prendre le pouvoir quelques années plus tard, faisant déferler la vague libérale sur le monde entier. Les autres ne sont en fait que des suiveurs. On peut citer l'exemple de Augusto Pinochet que les américains ont aidé dans son coup d'Etat au Chili. On connaît la suite : Crises économiques de plus en plus rapprochées et de plus en plus graves, privatisations des services publics, endettement croissant des états, précarité, chômage massif, appauvrissement de la population ordinaire et enrichissement sans précédent des plus riches, déréglementations, délocalisations, et pour finir, le déclin des pays occidentaux et la plus grave crise financière qu'on ait connu. On est donc passé d'une économie d'endettement intermédié à une forme libre et incontrôlable. Les entreprises ont d'avantage recours aux investissements directs. Le marché des capitaux se modernise et en particulier la bourse qui accueille plus largement l'épargne des ménages la fiscalité sur les placements boursiers devient plus intéressante. Le système de financement est devenu externe et surtout direct sur les places boursières .Le crédit ne joue qu'un rôle complémentaire et le marché monétaire est «hors banque» et ouvert. On assiste à une transformation profonde des systèmes financiers qui fonctionnent désormais en « 3D ». La déréglementation ou la libéralisation financière qui consiste en le démantèlement des barrières pour répondre à l'accroissement des volumes échangés. On a dématérialisé les marchés financiers par la mise en place d'un système informatique des cotations. Le décloisonnement permet aux places financières de fonctionner à l'échelle mondiale et 24 H/24 en permanence grâce à l'interconnexion et aux réseaux informatiques. Il s'agit d'un marché unique de capitaux. Ce marché mondial permet à tout investisseur ou emprunteur de rechercher le meilleur rendement. Le rôle des banques est modifié. Il y a eu un réel développement du marché des capitaux en volume de transactions financières. Le développement du marché des capitaux est mondial. L'importance croissante des flux de capitaux est un élément important de la mondialisation de l'économie (globalisation financière) : le flux de capitaux est 50 fois plus importants que les flux réels du commerce international. Ce marché financier s'est complètement déconnecté de la sphère de l'économie réelle. Il est devenu plus volatile, très instable et globalisé. Les acteurs ne sont intéressés que par le profit rapide et donc la spéculation. Pour donner une idée précise Il y a plus de 350 milliards de dollars qui s'échangent chaque jour dont 5% seulement pour les besoins de l'économie internationale, le reste étant lié à des manœuvres spéculatifs effectuées depuis les salles de marché des banques mondiales. Outre le déséquilibre monétaire qu'elle entraîne, la spéculation financière a d'autres effets pervers: elle exige des sommes colossales qui sont détournées de l'investissement productif, à quoi bon d'investir dans l'industrie quand la rentabilité de la spéculation financière est largement supérieure. Elle crée une inflation mondiale car le bénéfice spéculatifs proviennent in fine de la monnaie crée par les banques centrales sans contrepartie de la production. Conclusion Ce n'est certainement pas les malheureux pays de l'OPEP qui continuent pour leur majorité de recycler leurs pétrodollars au profit de l'occident mais Les 0.01% de la population mondiale, c'est à la dire la poignée de milliers de personnes disposant des plus hauts revenus qui ont capté l'immense partie de la création de richesses depuis la survenance de la crise. L'analyse des revenus en question fait tout d'abord ressortir un fait assez clair, les revenus concernés ne sont pas issus du travail, mais du capital. Le travail n'a pas la cote lorsque la croissance est à 0 et que le chômage culmine à ses plus hauts niveaux. Ce sont bien entendu les revenus de capitaux qui permettent à cette partie de la population de s'enrichir. * Consultant, Economiste Pétrolier |