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Le Premier ministre qui hier se préoccupait de l'option du gaz de schiste, confirme devant les députés son exploitation et son développement en collaboration avec des entreprises étrangères. En dépit de cela, le plan d'action du gouvernement a été adopté sans surprise par les membres de l'APN et il en sera ainsi devant la deuxième chambre comme de coutume. Cette foi-ci, aussi bien les questions que les réponses ont montré le niveau réel de « ceux» sensés représentés le peuple. Dés qu'on leur donne la parole, ils s'adonnent à des règlements de compte entre eux. Depuis quand, les responsables en Algérie rendent des compte pour exiger aujourd'hui le bilan Ouyahia et à quoi servirait ?il de le donner puisqu'il rentre dans le cadre du programme présidentiel que ces mêmes députés n'ont pas arrêté de glorifier depuis le discours du nouveau premier ministre mardi dernier. Comme ils se sont encombrés par les questions de détail, ils ne pouvaient nourrir de grands desseins. En plus de l'exécutif qui s'est retrouvé dans une position confortable, le débat a occulté les questions essentielles entre autres la politique énergétique du plan d'action de Sellal : la nouvelle mouture de l'amendement de loi cadre des hydrocarbures, l'exploitation des gaz des roches mères etc. Tout porte de croire qu'il en soit ainsi et pour toujours comme une tradition dans notre pays. Le ministre de l'énergie et des mines, dans son intervention le 24 septembre dernier à la chaine 3, a tenté, d'ailleurs en vain d'esquiver cette question en stressant sur le constat de la croissance interne de la consommation d'énergie pour justifier l'amendement de la loi sur les hydrocarbures. En effet, le rythme annuel de la consommation interne en énergie en général et plus particulièrement en carburant ne cesse d'augmenter jusqu'à atteindre des proportions inquiétantes (autour de 20 à 25% pour ce dernier), mais l'Algérie dispose de 1,6 millions de km2 explorés à moins du 1/3. Que les investisseurs soient encouragés par une fiscalité attirante pour prospecter les zones relativement difficiles pour étoffer notre domaine minier, oui ! Mais delà à polluer l'environnement avec la fracturation hydraulique, reste une pilule difficile à avaler. Si on se limitait à ce qu'on entend ici et là, on peut d'ores et déjà déduire que cette nouvelle mouture est hasardeuse pour au moins deux raisons : la première est qu'elle s'adresse aux nouveaux investisseurs et ceux sur place ne verront rien de changé, or les grandes entreprises ne viennent pas en Algérie pour toute autre raison que nous développerons plus loin. La deuxième est que le lien de la fiscalité au taux de rentabilité, rend son calcul inextricable, ne serait-ce la détermination de la base fiscale. C'est justement le déficit de communication au sein du groupe Sonatrach et les déclarations contradictoires, qui ont semé le doute sur les vraies intentions stratégiques dans l'exploitation du gaz de schiste en Algérie. Une opinion publique déroutée et mal informée fini par des pétitions voire même le désordre. Ainsi, si l'on se réfère aux réseaux sociaux, la société civile Algérienne s'organise pour empêcher l'exploitation du gaz de schiste. Il faut souligner que l'opacité qui entoure ce dossier est établie. Comment ? En mars 2011, à Houston, au Cambridge Energy Research Associates Week de l'année, une importante conférence des acteurs des hydrocarbures, le ministre de l'énergie et des mines déclarait que l'Algérie disposait de réserves de gaz de schiste aussi importantes que celles de certains champs américains. Il est allé plus loin en précisant qu'un programme pilote était en cours de préparation pour le choix de la région et plus intéressant encore dans le contexte où il se trouvait, «le choix du partenaire étranger». Le New York Times qui a rapporté cette information la qualifia de «sensational news». A cette époque déjà, de nombreux observateurs se sont demandés ce qui est arrivé à ce ministre, réputé pourtant sage pour «se tirer une balle dans le pied» car le prix du gaz a commencé à chuter et l'Algérie subissait d'énormes pressions surtout de la part des pays européens pour revoir leur prix voire même remettre en cause les contrats long terme et tout cela à cause de ce gaz de schiste qui a inondé le marché américain. La démarche du ministre semblait à priori incohérente mais ses proche conseillers ont du nuancer ses propos pour les ramener à des intentions plus stratégique et que dans l'immédiat elles se limiteraient à une mission de reconnaissance pour valoriser les réserves du pays dans ce type de ressources. Six mois après vers la fin septembre 2011, le PDG de Sonatrach, Nordine Cherouati, confirmait le démarrage effectif de l'exploration du gaz de schiste pour 2012 dans le sud ?ouest du pays, il a annoncé par ailleurs que plusieurs protocoles d'accord ont été déjà signés avec des entreprises internationales, spécialisées pour mettre en application les techniques permettant l'extraction du gaz des roches mères et s'assurer de leur rentabilité économique en fonction des différents paramètres comme la profondeur du gisement, l'éloignement par rapport au centre de traitement et de consommation etc. il semblait extrêmement prudent quant à l'exploitation éventuelle d'une telle ressource à court terme. Entre temps, l'entreprise ENI a mis en ligne cet accord de coopération «cooperation agrément» dont parlait le Pdg de Sonatrach mais on y lit carrément le développement du gaz non conventionnel «development of unconventional gas». Des failles commençaient donc à apparaitre dans le discours des uns et des autres, alors un débat s'en est suivi. Des experts se sont exprimés dans les quotidiens nationaux et internationaux, à la télévision algérienne. Il y a eu des pour et des contre, certains ont même mimé la propagande des multinationales qui minimisait l'impact d'environnement sous prétexte que la fracturation hydraulique se déroule en profondeur, très éloignée des nappes phréatiques, que la migration des produits chimiques est maintenant maitrisée etc. mais en dépit de cette divergence dans l'approche écologique, ils sont restés tous unanimes quant à l'inopportunité pour l'Algérie de s'aventurer dans l'immédiat dans l'exploitation et le développement du gaz de schiste. Ceci a été confirmé lors des tables rondes organisées sous le patronage de Monsieur le ministre de l'énergie et des mines par l'Association Algérienne des Industrie du Gaz à Oran le 27 et le 28 février 2012. Dans les remarques de conclusion, disponibles dans le site www.aig.dz , on peut lire que les différents participants ont finalement compris l'importance des réserves du gaz de schistes dans le monde et qui dépassent de loin celles dites conventionnel cependant, chaque région dans le globe a ses propres spécificités qui différent de celles des Etats Unis, il faudrait absolument en faire avec. L'Algérie n'ayant aucune expérience dans ce domaine, le message semblait très clair et le ministre avait confirmé sa réception en appelant encore une fois à la prudence. Il faut souligner par ailleurs que les responsables concernés directement par l'opération à Sonatrach, trouvent que l'exploitation du gaz de schiste dans les conditions algériennes reste relativement chère puisque les coûts de réalisation d'un forage varient entre 10 et 15 millions de dollars. On peut dire que jusqu'au mois d'avril 2012 tout allait dans la confusion mais deux événements majeurs sont venus renforcer le doute et l'opacité dans le traitement de ce dossier par notamment Sonatrach: - L'arrivée d'un émissaire américain en la personne de Robert Ichrod, responsable au niveau du bureau des ressources naturelles au département d'Etat américain. L'intéressé est venu normalement pour Sonelgaz mais en partant, il s'est permis de porter un jugement sur l'amendement de la loi sur les hydrocarbures: «Nous suivons avec les compagnies de près le processus de révision qui doit améliorer le climat des investissements, nous estimons qu'il y aura peut-être des changements.» Ce «peut être» est une forme de politesse diplomatique car l'intéressé connaissait les amendements dans leur moindre détail ; 2 Le 7 Juin depuis Kuala Lumpur en Malaisie, le nouveau Pdg de Sonatrach donne des chiffres fracassants sur des études qui selon lui sont déjà terminés alors que l'opinion publique croyait qu'on venait juste de débuter un forage de reconnaissance. Il annonce dans le même contexte qu'une superficie de 180 000 Km2 a révélé un «potentiel énorme» de gaz de schiste dépassant plus de 600 millions m3 par kilomètre carré, ce qui signifie que plus de 2.000 milliards de m3 peuvent être récupérés. Comment il est arrivé à 2000 milliards, on ne sait pas ? mais ce qui est certain ; pour arriver à de telles précisions, ces études ont bel et bien commencé depuis bien longtemps, peut être même avant l'arrivée de Youcefi auquel cas on été entrain de mener en bateau les Algériens alors que le jeu est pipé depuis Chakib. Le comble est venu avec le nouveau premier ministre qui avant de son investiture déclarait en temps que ministre des Ressources en eaux, au forum du journal Liberté: «Pour préserver ses ressources en eaux souterraines, l'Algérie a fait le choix de mobiliser au maximum ses ressources en eaux de surface». Il est urgent d'ouvrir un sérieux débat sur l'exploitation du gaz de schiste envisagée par le gouvernement. Une fois nommé, il a été le premier à lever la main pour valider la loi permettant l'exploitation de ce type de gaz qui pourrait mettre en péril cette mobilisation des ressources en eau dont il parlait. Enfin, une curieuse coïncidence : dans la même semaine la ministre de la francophonie arrivait en Algérie pour préparer la visite de François Hollande qui confirmait l'interdiction de la fracturation hydraulique en France pendant que l'Algérie la valide en conseil des ministres. Ce cafouillage troublant dans le traitement d'un dossier aussi épineux renvoie à trois observations : 1. Le processus de décision à Sonatrach est infiltré par les multinationales qui sont au courant de tout ce que fait l'entreprise nationale et agissent en conséquence. La crise économique mondiale les contraint à rechercher un plan de charge quitte à créer des besoins à travers leurs réseaux sur place. L'exploitation du gaz de schiste en Algérie est une pure incitation des multinationales pour rentabiliser leur expertise et sucer le fond souverain Algérien placé chez eux. L'amendement sur la loi des hydrocarbures a reçu un aval exécutif, il lui reste celui législatif. Les députés et les sénateurs peuvent faire appel aux experts indépendants pour s'enquérir du contexte. Les députés français pour valider la loi du 13/07/2011 interdisant la fracturation hydraulique, se sont déplacés sur les lieux au Canada pour constater de visu les dégâts écologiques qu'elle pourrait causer. Nos députés peuvent en faire de même, pourquoi pas ! 2. L'exposé des motifs sensé justifier l'amendement est fallacieux. Les firmes sérieuses ne fuient pas l'Algérie pour sa fiscalité mais pour le risque de stabilité diverse, le climat des affaires et surtout cette histoire de manifestation d'intérêt inventé par l'ancien ministre. Donc, cette amendement a été fait sur mesure pour permettre aux multinationale de placer leur expertise dans l'exploitation et développement du gaz du schiste ; 3. Nous ne souhaitons pas ennuyer les lecteurs par des considérations techniques pour ne pas noyer le poisson dans l'eau mais un tout petit raccourci est nécessaire pour comprendre précisément ce point. Finalement, le gaz de schiste c'est quoi ? c'est du gaz conventionnel qui a raté sa migration vers la couche réservoir et est resté dans la poche de sa mère. C'est une ressource d'hydrocarbures comme toutes les autres telles qu'elles sont définies dans la loi de 2005 et son premier amendement en 2006. Alors ! pourquoi une loi ?spécialement pour des concessions du gaz non conventionnel ? en quoi son contrat diffère t-il des autres ? Par contre son mode d'exploitation est contesté dans le monde et pose problème. Ceci ne concerne pas la partie Algérienne dont l'objectif est la valorisation de ses ressources naturelles mais l'operateur qui appréhendent d'ores et déjà les risques de la fracturation hydraulique. Il cherche donc à se prémunir pour qu'en cas de dégât, il mettra tout sur le dos du pays qui l'accueille en disant la fracturation hydraulique est réglementée et tout le monde connait ses risques. Il prendra sa valise et quitte le pays sans payer de préjudice. Il laissera bien entendu l'Algérie dans des difficultés inextricables. Pour rappel les contrats de partage de production signés avant 2005 ne prévoient rien pour la réhabilitation des sites après l'exploitation des gisements pétroliers et gaziers dont certains commencent déjà de s'affaisser. En résumé, le président de la république a exprimé publiquement ses vives inquiétudes pour l'avenir des générations futures, il s'est opposé fermement au tripotage du fond souverain. Le premier ministre est soucieux de préserver les ressources aquifères que les algériens ont mis des années pour constituer. Le ministre chargé du secteur s'est rétracté pour appeler à la prudence dans l'aventure du gaz de schiste. Les cadres de Sonatrach doutent de la crédibilité financière d'une telle aventure. La société civile est en effervescence. L'environnement sociétal international est très hostile. Alors ! Qui a intérêt à réorienter une approche qui marche pour nous envoyer dans un labyrinthe, et surtout dans quel but ? N'oublions pas que l'Algérie, premier au monde à se doter d'une usine de liquéfaction (CAMEL), dispose d'une expérience avérée dans ce domaine et d'une flotte de transport très importante à rentabiliser. * Consultant, Economiste Pétrolier |