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Les deux articles
parus dans Le Quotidien d'Oran, l'un le 11 mars 2008, l'autre le 1er avril
2008, se rapportant à la lutte contre la tuberculose à Oran, m'ont directement
interpellé et plongé dans la nostalgie d'un passé lointain et émouvant.
Dans les années 60, j'ai eu la chance de participer à la réalisation du programme du ministère de la Santé sur la lutte contre la tuberculose dont le professeur Chaulet avait la charge à l'échelle nationale. Après avoir terminé mon assistanat de médecine en Allemagne, j'ai eu hâte de rentrer dans mon pays pour participer à l'effort général de construction qui allait mettre le pays sur rail et le sortir du tunnel noir dans lequel le colonialisme l'avait confiné. J'ai bien dit «j'ai eu hâte de rentrer dans mon pays» car mes professeurs allemands de médecine m'avaient ouvert les portes de la spécialisation que j'ai refusé de franchir, tout simplement parce que mon pays avait besoin de moi (et de tous) tout de suite et maintenant. En y arrivant, je constatai que je n'avais pas tort. Au ministère de la Santé, je rencontrai des hommes admirables, dont le docteur Alouèche, secrétaire général du ministère. Il me délivra tout de suite l'autorisation d'ouvrir un cabinet à Ksar El-Boukhari, dans l'immense département du Titteri. Cette démarche accomplie, j'acceptai le poste de médecin-chef de l'hôpital, responsabilité que j'allais exercer dans le cadre de la mi-temps. Sur place, je me rendis compte que les quelques médecins qui exerçaient dans le département étaient tous étrangers, à l'exception du docteur Salhi qui était le directeur départemental de la Santé de Médéa. Pour des raisons qui sont les siennes, il devait absolument rentrer à Alger, mais le ministère ne l'y autorisait que s'il se trouvait un remplaçant. Avant mon arrivée dans le département, il n'avait aucune chance, puisque seul un Algérien pouvait le remplacer au poste de direction. En me voyant arriver et en signant mon procès-verbal d'installation comme médecin privé à Ksar El-Boukhari, il devait se réjouir. Comme je l'avais connu auparavant dans des circonstances particulières et exaltantes et comme nous avions bien sympathisé, me convaincre de le remplacer devait lui paraître bien facile. Il eut quand même la patience de me laisser m'installer un peu et quand il jugea le temps venu, il m'en parla. Hésitations ! Réflexions !... Mais comme j'aimais bien Salhi et que le travail ne me faisait pas peur, j'acceptai. Une longue aventure allait commencer. Me voilà donc médecin de cabinet, médecin-chef de l'hôpital de Ksar El-Boukhari et enfin directeur départemental de la Santé et de la Population de l'immense département du Titteri. Je ne veux pas parler de l'immensité de la tâche, des difficultés qu'elle comporte et de toutes les nuits blanches qu'elle engendre. Je ne veux pas non plus insister sur les énormes problèmes que j'ai rencontrés dans l'exercice de mes fonctions, je passe sous silence les multiples désagréments auxquels je devais faire face et que seul un esprit méchant et vil peut concocter pour nuire. Je ne veux parler ici que de ce que les articles du Quotidien cités plus haut m'ont inspiré et des souvenirs qu'ils ont éveillés en moi. J'étais donc responsable de la santé dans le département du Titteri et de ce fait, de l'application du programme de santé élaboré par le ministère de la Santé sous la haute autorité d'un homme d'une grande culture et d'une grande valeur, moudjahed et chirurgien éminent, le professeur docteur Tedjini Heddam, ministre de la Santé, que Dieu lui accorde une place de choix dans Son Immense Paradis. En prenant la charge de la DDS, je ne connaissais rien au travail administratif, auquel il me fallait m'initier. Que Hadj Bendali en soit vivement remercié. Du jour au lendemain, je fus pris dans le tourbillon des problèmes surgissant de partout et quand on sait que le département du Titteri était le plus vaste d'Algérie, on peut s'imaginer le poids de la responsabilité. Tous les problèmes se posaient en même temps pendant qu'il fallait intervenir en même temps et d'urgence, car la diphtérie, le choléra, la rougeole, la varicelle, la rubéole, la gale, les autres infections intestinales, l'hépatite, le paludisme... n'attendent pas. Au niveau de la DDS, nous avons essayé de faire face et je pense que notre action a soulagé la population. Ici, je dois rendre hommage aux médecins étrangers et au personnel qui ont vraiment joué le jeu et participé d'une manière effective et avec un grand dévouement à toutes les actions, entre autres le Dr Toth, gynécologue, son épouse, pédiatre de Hongrie, et le Dr Knije, de nationalité tchèque. Nous ne reculions devant aucune difficulté et un des principes qui guidaient notre action était d'utiliser à fond les moyens humains et matériels dont nous disposions. Le personnel était réparti dans le souci de l'efficacité et nous agissions à partir des structures de la santé qui existaient. Dans toutes les agglomérations importantes, nous avions pu créer des centres de protection maternelle et infantile, qui, intégrées dans le cadre de l'action globale, rendaient d'énormes services dans les domaines de la prévention et aussi du diagnostic et du traitement. En ce temps-là, énormément de locaux étaient vides et nous pouvions sans difficulté aucune obtenir un local et dans certains cas une superbe villa pour abriter les services de la protection maternelle et infantile. Là, je dois citer le Dr Safer, venu de la Yougoslavie d'autrefois. Je le remercie pour tous les efforts sincères qu'il déployait au niveau départemental pour donner corps et vie à la protection maternelle et infantile. Nos chaleureux remerciements vont aussi à une infirmière tchèque, une vraie dame (dont malheureusement le nom m'échappe à l'instant, prénom Lydia ?) qui vraiment se pliait en quatre pour la protection maternelle et infantile de Ksar El-Boukhari. La vaccination, un des éléments essentiels de la prévention, était une de nos actions principales, et, de masse ou individuelle, elle était scrupuleusement conduite et respectée. J'en viens maintenant au problème de la lutte contre la tuberculose telle qu'elle était menée dans les années 60 à Médéa et qui m'a été suggérée par la lecture du Quotidien d'Oran. C'est un problème de santé auquel le ministère a accordé une attention particulière dans les années 60, juste après l'avènement de l'indépendance. A la DDS de Médéa, trois idées essentielles ont guidé nos pas, une volonté ferme, une organisation étoffée et sans faille et enfin une action efficace et soutenue. En effet, sans une volonté de fer, orientée consciemment et constamment vers un but bien défini qui est l'éradication de la tuberculose, toute tentative est vouée à l'échec. Et cette volonté nous l'avions. Pour conduire notre action, nous avions mis sur pied une organisation dont le pilier principal était le dispensaire antituberculeux (DAT) avec ses ramifications en milieu urbain et rural pouvant couvrir toute la population dans ses différentes spécificités. Les microscopes, symboles de la lutte contre la tuberculose dans ce dispositif, répartis sur le territoire, étaient confiés à des laborantins diplômés, pendant que parallèlement des agents choisis dans le personnel médical étaient initiés à la technique du microscope pour d'éventuelles affectations (la devise était: Lutte contre la tuberculose = un laborantin + un microscope). Le but était de mettre sur pied une organisation efficace tout de suite mais en même temps projetée sur l'avenir. D'emblée, pour réussir, un maximum de sérieux était exigé et les agents non motivés, les fainéants, ceux qui traînaient la savate... étaient exclus du dispositif, car ils sont bien plus dangereux, plus néfastes que le bacille lui-même. Notre action était centrée sur la prévention, le diagnostic, le traitement, le contrôle permanent. Dans le cadre de la prévention, nous privilégiions l'information et l'éducation du patient et de son environnement, nous vaccinions les bébés au troisième jour de leur naissance, nous pratiquions le test à la tuberculine, et, en cas de négativité, nous vaccinions. Pour le diagnostic, le microscope était l'élément essentiel même si les autres moyens n'étaient pas négligés. Ainsi, nous pouvions établir la liste des cas nouveaux qui venaient s'ajouter à celle sur laquelle étaient inscrits les anciens. La distribution des médicaments, Streptomycine, Rimifon, PAS, avait lieu sous strict contrôle. Si un patient ne se présentait pas pour prendre son traitement, il était pris contact avec lui à travers les services compétents et nous profitions de l'occasion pour lui rappeler l'importance du traitement non seulement pour lui, mais aussi pour la population. A ce propos, je voudrais insister sur la nécessité absolue de la disponibilité des médicaments et sur les dangers d'une rupture de stocks: aggravation de la maladie, contagiosité accrue, développement par le bacille d'une résistance qui rend le traitement de la maladie beaucoup plus difficile et plus coûteux. Dans cet ordre d'idée, il y a lieu d'insister sur le fait que si l'ensemble du système prévu pour lutter contre la tuberculose est défaillant, s'il y a négligence, carence, manque de suivi, la rupture de stocks apparaît comme un simple mal parmi d'autres. Mais si l'ensemble du système fonctionne bien et selon les normes, alors la rupture de stocks constitue une faute grave, très grave, car elle disloque le système et complique considérablement l'action antituberculeuse. Comment terminer ce chapitre sur la lutte contre la tuberculose sans rendre un hommage souligné au Dr Couck, venu de Lille, l'unique phtisiologue du département du Titteri ? Est associée à cet hommage son épouse Paulette, qui, sans être médecin, a vraiment fait aux côtés de son époux, beaucoup et bénévolement, pour la lutte contre la tuberculose à Médéa. Normal, elle avait participé aux côtés du général de Gaule à la résistance de son peuple contre l'invasion nazie. Voilà, j'arrive au bout de mon récit que j'ai essayé de faire le plus court possible. Que le lecteur me permette de terminer avec ce qui suit, même si cela peut sembler hors sujet: en 70 j'ai rejoint l'Oranie, une année de cabinet à Gdyel (ex-Saint-Cloud), puis transfert du cabinet à Oran, d'abord au boulevard Zirout Youcef, puis au 12, boulevard Mellah Ali (ex-Marceau). Après quoi, j'ai intégré l'université comme assistant contractuel en histologie et après en psychiatrie. Ensuite, parallèlement à l'exercice de la médecine en cabinet, préparation d'une licence de droit à la faculté de droit d'Oran. Et ainsi de suite jusqu'à la retraite... L'aventure a été dure mais exaltante et si on me demande si j'ai regretté d'avoir refusé de franchir la porte de la spécialité, je dis tout de suite et sans hésiter non, car, à Médéa, j'ai pu vérifier que la volonté est à la base de tout et qu'avec peu, on peut faire beaucoup. Et puis et surtout, servir son pays, le plus beau du monde, et son peuple, le plus valeureux et le plus généreux de la planète, est le plus grand des bonheurs. |