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Il faut préciser d'emblée qu'il était tout à fait prévisible et attendu
que l'autorisation donnée à chaque citoyen d'importer des véhicules de moins de
trois ans, bien que fortement balisée, crée une tension dans les échanges
parallèles de devise. L'offre qui provient principalement par le biais de la
pension des retraités algériens ayant travaillé en France et parfois ailleurs,
boostée par le surplus de la surfacturation des importateurs, ne suffit pas
pour faire face à une demande, quand bien même cette demande est pervertie par
les spéculateurs qui ont tenté de dévier des règles édictées. La réalité est là
à laquelle il ne faudrait pas l'occulter par des subterfuges mais il s'agit
bien d'un problème d'offre et de demande. En effet, 2024, selon les chiffres
donnés par les organes de statistiques tunisiens de janvier à fin aout, il y a
eu près de 1,9 million de touristes qui vont certainement terminer l'année 2024
à 2 millions. Le trafic passagers sur l'aéroport international d'Alger
dépasserait, au cours de cette année, les 10 millions de voyageurs, soit
au-delà des prévisions établies auparavant, notamment dans le sillage des
diverses offres promotionnelles lancées par le pavillon national selon le
premier responsable de l'aéroport.
Il reste bien entendu que ces chiffres ajoutés l'un à l'autre pourraient donner un nombre fallacieux du total des touristes qui pourrait avoir recours aux besoins des devises bancaires et le marché parallèle. En effet, il y a des Algériens touristes en Tunisie qui partent par avion. Parmi ces voyageurs, il y a des usagers qui font plusieurs fois le voyage durant la période sus-citée. Il y a aussi les travailleurs étrangers qui repartent soit définitivement, soit en récupération. Il faut enlever dans cette tranche d'étrangers, une grande partie des immigrants africains, chinois et syriens qui pratiquent le travail au noir, notamment dans le bâtiment et la restauration. Une partie de l'argent ainsi gagné leur sert pour vivre, une autre est échangée dans ce marché parallèle de devise pour les ramener avec eux une fois partis. Il y a aussi parmi ces voyageurs des immigrés algériens en visite familiale en Algérie en aller-retour. Donc, le nombre total plausible et crédible qui fréquente le marché parallèle de devise ne peut être que par un comptage extrapolé en 2024. On sait qu'en 2023, le nombre de touristes algériens sortant avoisine en arrondi 6 millions de citoyens. Les pays principalement fréquentés sont la Tunisie, et d'autres faisant partie de l'Union européenne (UE) notamment la France, la Belgique, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et maintenant certains pays de l'Est auxquels il faut ajouter l'Angleterre sortie de l'UE. La Tunisie en pleine restructuration avec des réformes engagées vit une situation économique difficile du témoignage même de ceux qui y étaient cette année et qui ont constaté globalement la vie est chère sans compter les pénuries. De l'autre côté de la rive, la pandémie du Covid-19 devait assécher l'économie par une inflation voire une stagflation aggravée par la guerre entre la Russie et l'Ukraine. Ceci, constatent aussi les touristes algériens cette année, la vie est aussi chère. Partant de cette situation économique, on peut partir au moins pour deux années 2025 et 2026 sur ce niveau de voyageurs même s'il en arrive à de légers ajustements sans grande importance pour la tendance entreprise. Il s'agit de six millions de voyageurs demandeurs de l'allocation touristique et éventuellement fréquentent le marché parallèle. Que contient en détail ce nombre ? Touristes proprement dit, celui religieux (Omra et Hadj), allocation pour les missionnaires de différentes catégories socioprofessionnelles et tous secteurs confondus, allocation pour les soins médicaux, les migrants étrangers dont on a évoquée plus haut, la frange qui pratique les cabas pour ramener ce qui pourrait manquer dans le pays ; produits agroalimentaires, cosmétiques, vestimentaires, pièces de rechange pour véhicules, etc. Quel est concrètement le montant de l'allocation susceptible de faire sortir le citoyen du guêpier de ce dictat devenu fatal par la circonstance des besoins ? Il ne faut pas qu'il soit faible pour maintenir le statu quo. Doubler, tripler voire même quadrupler l'allocation actuelle de 95 euros ne changera pas la situation d'où la précision dans le communiqué du Conseil des ministres de « substantielle ». Il ne faut pas non plus suivre les pays du Maghreb parce que nous n'avons pas les mêmes contraintes économiques. Au Maroc, par exemple, l'allocation touristique est bien plus élevée, atteignant environ 10 000 euros par an. En Tunisie, elle s'élève à 1864 euros. En Egypte, elle est de 10 000 euros. En plus ces pays n'ont pas une dualité des taux de change. En Algérie, pour atteindre l'objectif de donner un coup de frein au développement du marché noir, il faut limiter ce que gagnerait le voyageur de la différence entre le taux officiel et celui parallèle pour ne pas ouvrir une brèche pour des niches spéculatives qui aurait un effet inverse pour rendre ce processus contreproductif. Par exemple, un citoyen qui a le droit de changer 1000 euros au taux officiel de 150 000 dinars lui revendrait au marché parallèle à 250 000 dinars donc un gain sans valeur ajoutée ni travail d'ailleurs de 100 000 dinars. Il paye avec un séjour en Tunisie de 6 nuitées et 5 jours pour moins 45 000 dinars. Il lui reste 55 000 dinars, il la changerait en dinars tunisiens à la frontière pour 1 dinar tunisien contre 73 dinars algériens soit 753 dinars tunisiens. Il aurait donc passé un séjour en vacances avec du shopping « free ». Un autre exemple lors des promotions des billets Air Algérie en France qui atteignent parfois des prix très bas, pourrait inciter quelqu'un d'aller prendre un café à Marseille pour justifier le change et revenir avec un pécule appréciable pour terminer le mois sans effort physique sinon faire la chaine à la banque. On dira peut-être tant mieux pour nos concitoyens mais au détriment du processus de freiner ce fléau du marché noir qui fera du Trésor public son principal pourvoyeur. Ensuite quelle que soit la somme qui sera arrêtée, il va falloir tenir compte et rechercher la source de son financement. Sinon, en peu de temps, nos réserves de change fondront comme du beurre. Au vu de ce qui est dit, la fourchette est toute indiquée entre 500 et 1000 euros. Avec une préférence pour le minimum car elle ne chamboule pas les dépenses publiques et sa source de financement est toute indiquée. En effet, pour les 6 millions de voyageurs, le montant à prévoir sera de 3 milliards d'euros dont 850 millions d'euros sont pris en charge habituellement par le Trésor public et le reste sous forme d'une part d'une taxe de solidarité symbolique lors de l'achat des billets d'avion des usagers de la diaspora et pourquoi pas le flux transféré par nos compatriote de l'étranger. Ces deux paramètres varient d'année en année, cela permettra d'ajuster l'allocation vers le haut progressivement pour atteindre le maximum lorsque le marché parallèle disparaitra de lui-même naturellement sans utilisation de mesures coercitives. Donc l'idéal serait ne pas espérer et promettre d'éradiquer ce fléau mais freiner son développement restera fort possible. Il disparaitra lorsqu'il n'y aurait plus de demandeurs. L'augmentation substantielle du montant de l'allocation touristique en est une voie mais pas la seule. Il y a donc tout un processus. Attention aux pressions vers des mesures coercitives Il ne suffit pas de constater devant un hémicycle de représentants du peuple du jour au lendemain que le marché de devise du square Port Saïd « est une banque à ciel ouvert » (01). Désormais, ce constat est devenu une évidence visible à l'œil nu par le commun des mortels. Il se faisait à ciel fermé lorsqu'on prenait les devises à l'étranger et payer en Algérie. Penser une seconde l'enrayer avec une loi ou des contraintes policières est incontestablement un leurre. Il s'agit d'un lieu de rencontre de demandeurs et d'offreurs et sa présence au Port Saïd n'a rien de symbolique mais choisie par des circonstances. Ces offreurs et demandeurs, s'ils décampent du Port Saïd, ils se rencontreront ailleurs parce que les pouvoirs ont compris qu'il s'agit d'un besoin social élargi à celui des activités économiques par la force de la régulation de ses circuits. C'est le seul marché qui tend vers la perfection car sa variation est quasi dépendante de l'offre et de la demande et difficilement accessible par les forces exogènes. La preuve, la Banque centrale qui détient le monopole officiel du marché monétaire n'a pu l'enrayer pourtant elle veille à ce que la monnaie soit stable pour éviter que le circuit économique connaisse des dysfonctionnements incontrôlés. Elle a donc préféré de l'approcher par des mesures d'une manière progressive malgré son stricte interdiction, il reste toléré d'où la présence des milliers de lieux de change dans chaque ville en Algérie. Ces deux marchés vivent côte à côte en fonction d'abord de l'utilité qui renvoie à la demande et l'offre disponible parfois discutable surtout dans son évaluation globale en ce qui concerne le marché parallèle que « certains » s'aventurent à l'estimer à 10 milliards de dollars. Il est clair que la Banque centrale n'a pas failli pour œuvrer à la stabilité du dinar sur le marché officiel déstructuré par le volume des importations certes nécessaires mais ont subi l'effet d'une forte inflation voire stagflation due au Covid-19 pour que l'euro atteigne en 2022, 160 dinars aujourd'hui il revient à 150 dinars. Le marché parallèle par contre continue de fluctuer en fonction de l'utilité pour atteindre aujourd'hui : 1 euro à 250 voire plus de dinars. L'Algérie n'est pas la seule dans cette dualité des taux de change Les pays qui par un tripotage de leurs démarches économiques ont subi une dégradation de leur situation ces dernières décennies, ont opté pour une dépréciation fréquente de leurs monnaies comme voie pour rechercher les équilibres financiers. Ils ont par cette solution favorisé les marchés parallèlesde change. La Banque mondiale (BA) a recensé 24 dont 14 ont « un écart entre le taux officiel et le taux parallèle supérieur à 10% (02), l'Algérie en fait partie. Pour l'analyse de la BA, ces taux parallèles sont « onéreux et exposent les participants au marché à de fortes distorsions, ils sont associés à une accélération de l'inflation, entravent le développement du secteur privé et les investisseurs étrangers provoquant un ralentissement de la croissance ». Dans une telle configuration apparaitra une iniquité entre les acteurs qui peuvent se procurer des devises au taux officiel et ceux qui sont contraints de s'adresser aux marchés parallèles. Cette situation favorisera la constitution d'une niche pour la corruption par la surfacturation au détriment du Trésor public. Donc, c'est à ce niveau que les pouvoirs publics devront faire attention au lieu de s'adonner à la répression sous cette pression parlementaire et autre pour faire plaisir à son électorat ou vise à créer un mécontentement populaire. Non seulement elle agit en conséquence mais tente de freiner le processus de surfacturation qui lui-même pourvoyeur des devises au marché parallèle. Il faut reconnaitre lit-on dans ce document de la BA, l'Algérie est mieux classée dans la liste des 24 pays Emergents et en Développement (PEPD). Elle est 10ème dans cette liste mieux que l'Argentine et l'Ethiopie, retenus parmi les 5 du Brics. En effet, son écart entre le taux officiel et celui parallèle se situe actuellement autour de 60% contre 90% en Argentine et 88% en Ethiopie. *Consultant, Economiste Pétrolier Renvois 1-https://l.facebook.com/l.php?u=https%3A%2F%2Fwww.tsa-algerie.com%2Fmarche-noir-de-la-devise-en-algerie-un-depute-denonce-le-square%2F%3Ffbclid%3DIwAR0aUD IsZDTKpgFSGNd07wYSVW4udWI1EkjUjj-wI7UaO7ydNmHoIXRf2j0&h=AT3Q5yRznuiYWRE1-b7T0kdEgfVeXSYbBsiJywWZ6s2ilmziGdNvYkf6Uay TFC9nY1HMh0p2F9cNhjkqdSQ0 DkzwhDOoL2WyWP9OqmohiE_DAd907 OLqEe6TBXllGRpAlHkwLA 2-https://blogs.worldbank.org/fr/opinions/taux-de-change-paralleles-developpement?fbclid=IwAR3ojQE VvR2jwlubP15eRoy4lHG1WwOQjWX-uqTFzcko8rKTVKEeVvJ8KeM |